EN IMAGES : Les mosquées du Caire, témoins de l’histoire de l’Égypte
Aucune vue du Caire ne serait complète sans les minarets et les dômes des centaines de mosquées qui parsèment son horizon urbain. Chaque lieu de culte a une histoire à raconter et beaucoup témoignent de moments cruciaux de l’histoire de l’Égypte.
La conquête musulmane de l’Égypte commença sous le califat des Rachidoune au milieu du VIIe siècle. Les forces dirigées par Amr ibn al-As vainquirent les Byzantins qui régnaient sur la région depuis des siècles, ouvrant ainsi le reste de l’Afrique du Nord aux Arabes.
Amr ibn al-As fit construire une colonie le long du Nil, appelée al-Fustat, qui correspond à peu près au Caire moderne, et y érigea la première mosquée de la ville.
Cette mosquée fut la première d’une liste comprenant aujourd’hui plusieurs centaines d’édifices : les dynasties musulmanes successives laissèrent leur empreinte sur la ville avec leur propre style architectural, qu’il s’agisse de dynasties arabes telles que les Omeyyades et les Abbassides, ou nord-africaines, telles que les Fatimides et les Turcs ottomans. (Mosquée Ibn Touloun. Photos : Fadel Dawod)
Mosquée Ibn Touloun
La plus ancienne mosquée du Caire, qui a conservé sa forme originelle, est la mosquée Ibn Touloun située à al-Qatai, un peu au nord de l’ancienne al-Fustat.
Elle fut commandée en 884 par son homonyme, Ahmad Ibn Touloun, gouverneur d’Égypte sous la dynastie abbasside. Bien qu’il n’ait jamais affirmé son indépendance formelle vis-à-vis du calife abbasside, Ibn Touloun menait sa propre barque et son époque est souvent désignée sous le nom de dynastie toulounide.
Ancien enfant esclave de Bagdad, Ibn Touloun intégra l’armée abbasside avant de gravir les échelons, jusqu’à devenir lieutenant en 868, puis gouverneur d’Égypte. Également habile sut le terrain politique, il parvint à acquérir une position d’autonomie de facto vis-à-vis du calife abbasside.
La mosquée Ibn Touloun demeure l’une des plus grandes du pays : elle couvre une superficie d’environ 26 318 m2, notamment avec des espaces ouverts à l’intérieur du complexe.
Construite selon les modèles traditionnels du pays d’origine d’Ibn Touloun, l’Irak, cet édifice imposant comporte des arches en briques et est entouré d’une cour spacieuse. Une fontaine y gargouille joyeusement, permettant aux fidèles de se laver avant les prières. Cet élément fut ajouté plus tard, sous le sultan mamelouk al-Mansur Husam ad-Din Lajin (1296).
Les murs en briques cuites sont ornés de décorations en gypse, tandis qu’à l’intérieur du lieu de culte, des calligraphies répétitives en caractères coufiques décorent les murs de la mosquée. L’immense minaret de la mosquée, avec son escalier distinctif placé à l’extérieur de la structure, probablement inspiré de la Grande Mosquée de Samarra, est un autre élément remarquable.
Mosquée al-Azhar
La mosquée al-Azhar, probablement l’une des plus célèbres du pays, est connue en tant que centre de théologie islamique et abrite l’université du même nom, l’un des plus importants instituts d’enseignement islamique au monde.
Le complexe aurait été nommé ainsi en l’honneur de la fille du prophète Mohammed, Fatima Zahra, particulièrement vénérée par la dynastie chiite ismaélienne des Fatimides, qui commanda la mosquée.
Sa construction débuta en 970, sous la supervision de de Jawhar as-Siqilli et sous le règne du premier calife fatimide, al-Muizz li-Din Allah, membre d’une dynastie nord-africaine qui prétendait descendre du prophète.
Bien qu’elle soit aujourd’hui un centre de jurisprudence sunnite, l’université enseignait initialement la théologie islamique chiite et attirait des étudiants chiites venus de tout le monde musulman. Lorsque le guerrier islamique Saladin renversa les Fatimides, il instaura la domination sunnite en Égypte et fit de l’institution une université sunnite.
La mosquée s’étend sur 12 000 m2 et est soutenue par environ 380 colonnes de marbre. Autour du grand sahn (cour) orné de marbre, une arcade unique apporte de l’ombre pour se protéger de la chaleur, un ajout possiblement influencé par les mosquées de style maghrébin, qui affectionnent les ailes latérales.
La partie la plus ancienne de la mosquée est la salle de prière originelle, plus grande que la cour et située à l’est. Des poutres et des colonnes en bois y soutiennent le poids de la structure. Des inscriptions coufiques et des motifs dorés ornent le mihrab de la mosquée, la niche qui indique la direction de La Mecque.
La mosquée al-Azhar se distingue néanmoins d’autres mosquées du Caire en reflétant tout particulièrement l’influence manifeste des dynasties égyptiennes. Les cinq minarets de la mosquée, ajoutés à différentes époques, sont conçus dans un style représentant les différentes dynasties au pouvoir en Égypte.
L’un d’eux, connu sous le nom de minaret al-Ghur, est plus haut que les autres. Commandé par le sultan mamelouk al-Ghuri en 1514, il comporte seize côtés, alors que les autres en ont huit, et possède deux flèches au lieu d’une.
Mosquée al-Hussein
Près d’al-Azhar se trouve une autre mosquée fatimide, construite en 1154 sur un cimetière fatimide. Les panneaux en stuc des minarets de la mosquée al-Hussein datent du XIVe siècle. Le reste fut reconstruit en 1874 après la visite du sultan ottoman Abdülaziz, qui ordonna que des piliers en marbre soient apportés d’Istanbul et qu’un minbar (chaire) décoratif en bois soit installé.
La mosquée porte le nom d’un des petits-fils du prophète Mohammed, al-Hussein ibn Ali, également appelé l’imam Hussein par les musulmans chiites. Selon la croyance populaire, la tête de l’imam Hussein, tué par les Omeyyades en 680, repose dans le mausolée vert et argenté de la mosquée. Sa tête fut découverte des années après sa mort et transportée au Caire, où elle fut enterrée dans cette mosquée. Selon d’autres variantes de l’histoire, elle aurait été emportée et enterrée à la Grande Mosquée des Omeyyades de Damas, dans un site à Ashkelon (dans l’actuel Israël), ou serait retournée à Kerbala en Irak, où elle aurait été enterrée avec son corps.
Mosquée et madrassa du sultan Hassan
Avec ses niches finement sculptées, son plafond voûté et ses muqarnas – voûtes en nid d’abeille – probablement influencés par l’architecture seldjoukide, la mosquée du sultan Hassan est un complexe du XIVe siècle à l’histoire tragique. Pendant sa construction, l’un des quatre minarets de 68 mètres de haut s’effondra, tuant 300 personnes.
Commandé en 1357 par An-Nasir Badr ad-Din Hasan ibn Muhammad ibn Qalawun, plus communément appelé An-Nasir al-Hasan, l’édifice fut achevé en 1363, après l’assassinat du sultan mamelouk. Ce dernier arriva au pouvoir pour la première fois à l’âge de 13 ans, en 1347 et régna pendant quatre ans. Il retrouva le trône en 1354 et l’occupa jusqu’à sa mort en 1361, à l’âge de 27 ans.
À l’intérieur de l’édifice, des versets coraniques en caractères coufiques sont gravés sur des murs sur lesquels sont peints des motifs floraux, tandis que des inscriptions dorées entourent le mihrab, décrit par certains comme le plus beau d’Égypte.
Cette mosquée de 150 mètres de long couvrant une superficie de 7 906 m2 se démarque par sa grande taille. Sa cour intérieure en pierre et en marbre colorés étouffe magistralement l’effervescence des rues du Caire.
Chacune des quatre salles murées qui entourent la cour et lui confèrent son aspect cruciforme abrite une école différente de jurisprudence islamique – chafiite, malikite, hanafite et hanbalite. Il y a également un mausolée, où le sultan en personne serait enterré.
Mosquée Méhémet Ali
La domination ottomane en Égypte débuta en 1517. Le pays devint alors une province de l’empire, même s’il était toujours nominalement dirigé par les mamelouks. La plus grande épreuve pour la domination ottomane dans la région fut l’invasion de l’Égypte par Napoléon en 1798, qui fut partiellement repoussée par un officier ottoman d’origine albanaise nommé Méhémet Ali, qui jeta les bases de l’État égyptien moderne.
Méhémet Ali obtint une indépendance de facto vis-à-vis des Ottomans et se proclama souverain d’Égypte. Il conserva le pouvoir jusqu’à sa mort en 1849. Sous le règne de Méhémet Ali, l’Égypte connut un processus de modernisation rapide, empruntant les styles européens de bureaucratie et d’administration militaire.
Le dirigeant chercha à asseoir son héritage avec de grands monuments, dont la mosquée Méhémet Ali. Souhaitant que la mosquée ressemble à l’emblématique mosquée du sultan Ahmet – ou mosquée bleue – d’Istanbul, il fit appel à l’architecte turc Yusuf Buchnaq pour concevoir le bâtiment.
Les deux minarets de l’édifice construit en 1830, les plus hauts d’Égypte (84 mètres), dominent l’horizon urbain du Caire. Dans le plus pur style ottoman, un dôme resplendissant trône fièrement au centre, entouré de quatre dômes plus petits. Recouverte d’une couche d’albâtre, la mosquée est également connue sous le nom de « mosquée d’albâtre ».
Située sur une colline de la citadelle historique du Caire, la mosquée Méhémet Ali offre une vue panoramique sur la capitale égyptienne, avec le Nil et les pyramides de Gizeh visibles au loin.
Sa cour comporte une horloge monumentale en cuivre, offerte par le roi français Louis-Philippe en 1845. Méhémet Ali offrit auparavant au royaume de France l’obélisque de Louxor, toujours visible sur la place de la Concorde à Paris.
Un mausolée de marbre blanc abritant le tombeau de Méhémet Ali se trouve à l’entrée de la mosquée, permettant aux visiteurs de rendre hommage au dirigeant albanais.
Mosquée al-Rifa’i
À quelques pas de la mosquée du sultan Hassan se trouve la mosquée al-Rifa’i. Compte tenu de leur aspect extérieur similaire, certains visiteurs peuvent croire pensent qu’il s’agit de la même mosquée divisée en deux : pourtant, la mosquée al-Rifa’i fut construite pour compléter harmonieusement sa voisine plutôt que pour rivaliser avec elle.
Cette mosquée fut commandée par Khoshiar Hanem en 1869, mais ne fut achevée qu’en 1912, sa construction ayant duré 43 ans. Également appelée Hoshiyar Qadin, cette princesse roumaine devint la belle-fille de Méhémet Ali après avoir épousé son fils, l’éphémère souverain d’Égypte Ibrahim Pacha.
Le premier concepteur de la mosquée, Hussein Fahmy Pacha, mourut avant la fin des travaux. La mosquée fut achevée par Max Herz, un architecte hongrois qui conçut également le musée d’art islamique du Caire (Bab al-Khalq).
Le souhait de Khoshiar était de construire un mausolée pour la famille royale, une fonction que remplit aujourd’hui la mosquée. De nombreux membres de la famille royale sont enterrés sur le site, notamment le roi Farouk et son épouse Farida, et bien sûr Khoshiar elle-même. Le dernier shah d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi, repose lui aussi dans la mosquée après avoir fui la révolution iranienne et trouvé refuge au crépuscule de sa vie auprès du président égyptien de l’époque, Anouar el-Sadate.
Construite à l’emplacement de l’ancienne mosquée al-Zakhira de l’ère ayyoubide, la mosquée al-Rifa’i abritait déjà les sépultures de plusieurs saints et érudits islamiques, dont les tombeaux furent intégrés à la mosquée actuelle. Une section plus petite est réservée aux prières traditionnelles.
La mosquée était également la base de la zaouïa (école religieuse islamique) al-Rifa’i, nommée ainsi en hommage au cheikh Ahmed al-Rifa’i, un chef soufi qui aurait visité la région mais n’y fut jamais enterré.
De nombreuses entrées mènent à la grande mosquée, mais la principale est l’entrée ouest, composée d’un dôme et d’angles peints en or. Ses hauts plafonds imposants et ses 44 immenses colonnes de marbre sont ornés d’inscriptions coraniques dorées et de bois d’ébène. On dit que du marbre coloré fut importé de sept pays pour décorer les murs.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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