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EXCLUSIF : L’Azerbaïdjan et l’Arménie « proches de conclure un accord de cessez-le-feu » dans le Haut-Karabakh

Ce projet d’accord contraint l’Arménie à se retirer de certaines régions tandis que se déploiera une force de maintien de la paix russo-turque, confient des sources turques à MEE
Tirs d’artillerie par un soldat arménien pendant les actuels combats entre les forces arméniennes et azéries dans le Haut-Karabakh (AFP)
Par Ragip Soylu à ANKARA, Turquie

L’Azerbaïdjan et l’Arménie devraient sous peu conclure un véritable cessez-le-feu concernant le territoire contesté du Haut-Karabakh et les régions environnantes qui sont occupées par l’Arménie depuis 1992, ont annoncé des sources turques à Middle East Eye.

Cet accord exige de l’Arménie qu’elle cède un large pan du territoire tandis qu’une mission de maintien de la paix russo-turque sera déployée dans la région.

Dimanche, l’Azerbaïdjan a annoncé s’être emparé de Choucha, la seconde ville du Haut-Karabakh, une information démentie par l’Arménie.

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Nos sources, s’exprimant sous couvert d’anonymat, ont affirmé que les progrès rapides des forces azéries sur le terrain avaient poussé l’Arménie à prendre en considération le plan de médiation russe, qui est soutenu par la Turquie, pour mettre fin au conflit.

Un millier de personnes au moins – peut être jusqu’à 5 000 – ont été tuées depuis l’éclosion des combats le 27 septembre dans l’enclave, région reconnue comme appartenant à l’Azerbaïdjan par la communauté internationale mais peuplée et contrôlée par des Arméniens.

Le président turc Recep Tayyip Erdoğan et son homologue russe Vladimir Poutine se sont entendus sur les éléments d’un projet d’accord par téléphone samedi, rapportent nos sources.

Les détails ont été réglés par le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu et son homologue russe Sergueï Lavrov lors d’une conversation téléphonique ultérieure.

Création probable de deux corridors

Selon le projet d’accord, l’Arménie devrait se retirer sans délai de cinq des sept raïons (division administrative utilisée dans plusieurs États post-soviétiques) occupés entourant le Haut-Karabakh, une fois que les deux belligérants s’accorderont sur les conditions de la trêve.

En vertu du cessez-le-feu, Erevan devra se retirer des deux autres raïons dans les quinze jours. Le projet d’accord ne requiert pas que Bakou quitte les territoires qu’elle a pris récemment, mais il mettra fin à l’offensive azérie contre le Haut-Karabakh, qui est désormais partiellement contrôlé par Bakou.

Initiative significative, les deux côtés vont sans doute se mettre d’accord sur la création de deux corridors.

Une route menant d’Arménie au Haut-Karabakh assurera dans un premier temps l’accès d’Erevan à la région. En retour, l’Arménie autorisera la création d’un second corridor qui reliera le territoire azéri de Nakhitchevan à la capitale Bakou.

Les forces russo-turques de maintien de la paix seront alors déployées pour maintenir le cessez-le-feu.

« Le gouvernement azéri ne veut pas s’emparer rapidement [de la ville] de Khankendi [Stepanakert en arménien] et provoquer des pertes civiles », a indiqué l’une des sources turques.

« Cet accord met fin à la possible crise humanitaire tout en honorant les demandes légitimes des Azéris sur ce territoire. »

La Turquie comme garant

Le Haut-Karabakh a fait sécession de l’Azerbaïdjan dans les années 1990, entraînant un long conflit non résolu au cours duquel des dizaines de milliers de personnes ont été tuées.

Cette zone montagneuse contestée est contrôlée par les forces arméniennes depuis près de 30 ans, malgré les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU qui les exhortent à s’en retirer.

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Trois autres tentatives de cessez-le-feu ont échoué depuis septembre, les deux belligérants s’accusant mutuellement de les avoir enfreints. Mais aucun de ces accords n’incluait directement la Turquie comme garant. 

L’aide militaire directe de la Turquie à l’Azerbaïdjan depuis cet été semble avoir changé la donne dans ce conflit gelé.

La Turquie et l’Azerbaïdjan, alliés proches, mènent des exercices militaires conjoints depuis des années et les plus récents ont eu lieu en août : les officiers turcs ont partagé l’expérience et l’expertise acquises dans les conflits syrien et libyen.

La Turquie a amené des mercenaires syriens pour soutenir les défenses azéries, tout en déployant les capacités du personnel militaire turc afin de fournir une stratégie à Bakou.

La Turquie a également vendu des drones armés qui ont dévasté le front arménien et déployé des F-16 turcs comme moyen de dissuasion – ils n’ont pas été utilisés dans les combats.

Le monde distrait par les élections américaines

Selon une seconde source turque, Ankara a vu une possibilité de résolution du conflit dans la région du Haut-Karabakh pendant que les États-Unis et le reste du monde étaient focalisés sur l’élection présidentielle américaine.

Ankara pense que les Russes, quant à eux, ont fermé les yeux sur l’offensive soutenue par la Turquie pour punir le dirigeant arménien soutenu par l’Occident, Nikol Pachinian.

« Les Russes se sont seulement plaints de la présence des mercenaires syriens sur le champ de bataille », selon cette source.

« Lavrov a même qualifié la ville de Choucha de ville azérie dans ses discussions avec la délégation turque à Moscou le mois dernier. »

D’après nos sources, l’Azerbaïdjan a accru ses efforts pour s’emparer de davantage de territoire pendant le week-end avant la déclaration du cessez-le-feu.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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