Aller au contenu principal

EXCLUSIF : Le ministre turc des Affaires étrangères refuse de voir Pompeo lors de sa visite à Istanbul

Le secrétaire d’État sortant va enfin se rendre en Turquie, mais sa priorité sera de rencontrer le patriarche orthodoxe
Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo rencontre le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu au département d’État des États-Unis à Washington, le 3 avril 2019 (AFP)
Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo rencontre le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu au département d’État des États-Unis à Washington, le 3 avril 2019 (AFP)
Par Ragip Soylu à ANKARA, Turquie

Selon les informations recueillies par Middle East Eye, le ministre turc des affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu a décidé de ne pas rencontrer Mike Pompeo, qui doit se rendre à Istanbul la semaine prochaine. 

À l’origine de ce refus : le fait que le secrétaire d’État américain a refusé de se rendre à Ankara.

Les responsables turcs réclament depuis longtemps une visite bilatérale de Mike Pompeo, qui s’est rendu plusieurs fois dans la région tout en évitant la Turquie.

Moins de trois mois avant l’entrée en fonction de la nouvelle administration du président élu Joe Biden, le secrétaire d’État a désormais inscrit la Turquie au programme de sa tournée au Moyen-Orient prévue du 13 au 23 novembre.

Pompeo aurait remis à Riyad un plan pour protéger MBS des retombées de l’affaire Khashoggi
Lire

Lors de cette tournée, il rencontrera également des responsables de six autres États, dont Israël, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. 

Les assistants de Mike Pompeo ont toutefois déclaré à leurs homologues turcs que le secrétaire d’État n’envisageait pas d’effectuer une visite bilatérale à Ankara, mais plutôt de rencontrer le patriarche orthodoxe Bartholomée Ier.

Dans un communiqué de presse, le département d’État a indiqué que Mike Pompeo allait se rendre à Istanbul pour discuter des questions religieuses en Turquie et dans la région et pour promouvoir une position ferme sur la liberté religieuse dans le monde, ce que beaucoup considèrent comme une référence à la récente décision prise par la Turquie de reconvertir Sainte-Sophie en mosquée.  

« Les responsables turcs ont clairement fait savoir que Çavuşoğlu ne rencontrerait pas Pompeo à moins qu’il ne vienne à Ankara pour une visite officielle », affirme à MEE une source proche du sujet.

« Les Américains soutiennent que l’emploi du temps de Pompeo est trop chargé et qu’il ne peut pas faire de place pour Ankara. Ils voulaient une rencontre [avec Çavuşoğlu] à Istanbul, ce qui n’aura pas lieu. »

En quête d’un soutien national

À l’exception d’une visite organisée en urgence l’an dernier avec le vice-président Mike Pence pour mettre fin à une offensive turque dans le nord de la Syrie contre les Kurdes soutenus par les États-Unis, Pompeo n’a jamais effectué de visite bilatérale à Ankara, bien qu’il se soit rendu dans la région à de nombreuses reprises.

En revanche, depuis son entrée en fonction, il s’est rendu deux fois en Grèce, où il a annoncé un renforcement significatif des relations entre Washington et Athènes, notamment des déploiements militaires dans un contexte de tensions croissantes avec la Turquie en Méditerranée orientale.

Le navire USS Hershel « Woody » Williams a été envoyé en octobre dans la baie de Souda en Crète, ce qui en fait la première base maritime expéditionnaire envoyée à l’étranger par l’US Navy depuis 40 ans.

Lors de sa visite à Chypre en septembre, Mike Pompeo en a également fait sourciller plus d’un à Ankara en omettant de respecter le précédent consistant à rencontrer les dirigeants de la communauté chypriote turque.

« Naturellement, Çavuşoğlu a décidé de snober Pompeo, puisque de toute façon, il quittera bientôt ses fonctions »

– Une source de MEE

Par la suite, les responsables turcs ont publiquement accusé Pompeo d’avoir perdu son impartialité en Méditerranée orientale, un rôle consolidé par les politiques menées par plusieurs anciennes administrations républicaines et démocrates.

Les responsables turcs ont demandé à plusieurs reprises à Pompeo de programmer une visite officielle à Ankara. Selon une autre source proche des discussions, Pompeo a toujours préféré rencontrer Çavuşoğlu en marge de sommets organisés ailleurs.

« Naturellement, Çavuşoğlu a décidé de snober Pompeo, puisque de toute façon, il quittera bientôt ses fonctions », a ajouté la source.

Les responsables turcs pensent qu’à travers ses initiatives vis-à-vis de la Grèce et sa visite programmée à Istanbul, Pompeo cherche à recueillir le soutien des Grecs et des évangélistes à l’échelle nationale, puisque le secrétaire d’État sortant devrait se porter candidat pour représenter le Kansas au Sénat une fois que Trump aura quitté ses fonctions.

L’aversion présumée de Mike Pompeo pour la Turquie et ses dirigeants est bien connue.

En 2016, dans la foulée de la tentative de coup d’État en Turquie, il a tweeté sur son compte officiel désormais supprimé : « [Javad Zarif et le gouvernement iranien] sont aussi démocratiques que celui [d’Erdoğan] – ce sont deux dictatures islamistes totalitaires. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].