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Le procès de l’érudit saoudien modéré Salman al-Ouda reporté de plusieurs mois

Détenu depuis septembre 2017 et sous la menace d’une condamnation à mort, le prédicateur populaire est plongé dans une nouvelle période de vide juridique par les autorités à Riyad
Le cheikh Salman al-Ouda est visé par 37 chefs d’accusation, dont plusieurs « liés à des faits de terrorisme », et encourt la peine de mort (Twitter)
Par MEE

Le procès du cheikh Salman al-Ouda, un érudit sunnite modéré, a été reporté de plusieurs mois par les autorités saoudiennes, a révélé dimanche son fils.

« Dernières nouvelles concernant le procès de mon père prévu aujourd’hui, dans le cadre duquel le procureur général saoudien requiert la peine de mort à cause de son activisme », a déclaré Abdullah al-Ouda sur Twitter.

« La séance a été reportée de plusieurs mois à compter d’aujourd’hui », a-t-il annoncé, ajoutant que son père n’avait pas été présenté devant le tribunal et que sa prochaine comparution était prévue pour décembre.

Traduction : « Dernières nouvelles concernant le procès de mon père prévu aujourd’hui, dans le cadre duquel le procureur général saoudien requiert la peine de mort à cause de son activisme : la séance a été reportée de plusieurs mois à compter d’aujourd’hui. »

« Mon père n’a pas été présenté devant le tribunal et la séance a été reportée. La prochaine séance aura lieu en décembre. »

Le procès de Salman al-Ouda, un érudit de renommée internationale connu pour ses opinions relativement progressistes dans le monde islamique concernant la charia et l’homosexualité, devait commencer ce dimanche.

Il a été arrêté en septembre 2017 peu de temps après avoir tweeté une prière en faveur d’une réconciliation rapide entre l’Arabie saoudite et le Qatar, trois mois après le lancement par Riyad du blocus imposé à son voisin.

Un an plus tard, Ouda a comparu à huis clos devant un tribunal pénal créé par le ministère saoudien de l’Intérieur pour traiter les affaires de terrorisme.

Le procureur a retenu contre l’érudit 37 chefs d’accusation, liés notamment à une affiliation présumée à des « organisations terroristes » identifiées comme étant les « Frères musulmans » et le « Conseil européen pour la fatwa et la recherche », deux organisations islamiques internationales de premier plan.

Une deuxième série d’accusations lui reproche d’avoir dénoncé « des injustices à l’égard des prisonniers » et d’avoir « exprimé du cynisme et du sarcasme envers les avancées du gouvernement ».

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La troisième série d’accusations a fait état d’une affiliation avec la famille royale qatarie et cité la réticence exprimée en public par Ouda à soutenir le boycott mené par l’Arabie saoudite dans l’émirat péninsulaire.

Le procureur requiert la peine de mort contre l’érudit saoudien. Vendredi, le groupe de défense des droits de l’homme Amnesty International s’est dit « gravement inquiet » quant à la possible exécution d’Ouda.

Deux jours avant d’avoir été assassiné par une équipe d’agents saoudiens à Istanbul, le journaliste Jamal Khashoggi a déclaré à des amis londoniens que le flot d’accusations auquel Ouda était confronté était révélateur de la situation de l’état de droit sous le dirigeant de facto du royaume, le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS).

« Il écrasera la dissidence quel qu’en soit le prix. Ces accusations doivent être divulguées », avait affirmé Khashoggi à l’époque. « Ouda ne sera pas exécuté parce qu’il est un extrémiste, mais parce qu’il est un modéré. C’est pour cela qu’ils le considèrent comme une menace. »

Âgé d’un peu plus de 60 ans, Ouda a été hospitalisé en 2018, ce qui, selon le groupe de défense des droits de l’homme Amnesty International, « met en lumière le traitement honteux qu’il subit de la part des autorités saoudiennes ».

Une source proche de sa famille a déclaré à Middle East Eye qu’Ouda était détenu en isolement cellulaire, enchaîné et soumis à des interrogatoires de 24 heures.

En mai, des sources ont indiqué à MEE que les autorités saoudiennes étaient déterminées à exécuter Ouda et deux autres érudits modérés, Awad al-Qarni et Ali al-Omari.

Cependant, lors d’un entretien téléphonique avec le prince héritier, Jared Kushner, gendre et assistant du président américain Donald Trump, a exhorté le dirigeant saoudien à y réfléchir à deux fois avant de se lancer dans une vague d’exécutions, ont indiqué des sources à MEE.

« Kushner a dit craindre qu’une nouvelle vague d’exécutions ne nuise à l’image de l’Arabie saoudite. Cela aurait un effet négatif sur le Congrès », a rapporté à MEE une source saoudienne au fait de cet échange.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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