La France vend vingt-quatre avions de combat Rafale à l'Egypte
Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, s'est rendu lundi dans la capitale égyptienne pour signer un contrat de vente d'équipements militaires dont la valeur est estimée à 6 milliards de dollars.
Parmi ces équipements, on compte notamment un navire de guerre ainsi que vingt-quatre avions de chasse Rafale, que la France fabrique depuis les années 1980.
Le contrat conclu avec l'Egypte lundi est le premier contrat d'exportation de Rafale mené à terme suite à l'annulation de nombreuses commandes.
« C'est un contrat exceptionnel pour la France », a indiqué Jean-Yves Le Drian à une radio française lundi avant de se rendre en Egypte pour la journée, où il a été accueilli par un défilé militaire organisé en son honneur.
« Cet avion a une longue histoire, et les Français ont une grande expérience dans la production d'avions de chasse », a indiqué Howard Wheeldon, analyste indépendant dans le domaine de la défense, à MEE.
Ce contrat est capital pour la France après l'avortement de contrats lucratifs de vente de Rafale avec des pays tels que le Maroc, le Brésil, l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. En 2011, ces derniers avaient lancé une offensive inhabituelle contre les modalités « non compétitives et irréalisables » proposées pour la transaction.
L'Inde a annoncé lundi qu’un contrat portant sur l'achat de 126 Rafale français était « effectivement mort », après trois ans de négociations difficiles qui n'ont pas abouti.
La signature du contrat entre l'Egypte et la France a surpris de nombreux observateurs dans la mesure où le Rafale français ne représente pas le meilleur rapport qualité-prix pour l'Egypte, dont les caisses sont vides. Le Caire, qui se targue de posséder la plus grande flotte aérienne d'Afrique du Nord, tente de renforcer ses réserves face aux menaces régionales et nationales.
Des sources bien informées ont déclaré lundi que le coût élevé du projet était à l'origine de l'échec du contrat avec l'Inde, tandis que Safwat el-Zayat, général égyptien à la retraite et expert militaire, a indiqué à l'agence Anadolu que les précédents contrats de vente de Rafale avaient échoué car d'autres avions offraient les mêmes capacités pour « un prix plus raisonnable ».
La question du financement de cette transaction conclue en à peine trois mois par l'Egypte demeure en suspens, et les modalités de paiement de la commande restent secrètes.
Pierre Conesa, spécialiste français de la Défense, précise que des garanties pourraient avoir été fournies par la France elle-même ou par l'Arabie saoudite, qui a investi des milliards en Egypte depuis le coup d'Etat militaire orchestré par le président Sissi en 2013 suite à des manifestations massives.
Les antécédents égyptiens en matière de droits de l'homme font hésiter les Etats-Unis
Compte tenu des pressions budgétaires nationales, cette importante transaction sera probablement bien accueillie en France, et Jean-Yves Le Drian a salué lundi ce qu'il considère comme « un jour historique pour l'amitié franco-égyptienne ».
Les hommes politiques français ont également souligné le fait que l'Egypte pourrait devenir un acteur majeur dans la région.
A l'approche de sa visite, Jean-Yves Le Drian a déclaré que l'Egypte jouait un rôle essentiel dans la stabilisation du Moyen-Orient, précisant à la radio française que le pays nord-africain menait « le même combat que nous contre l'Etat islamique ».
Lundi à l'aube, des avions militaires égyptiens ont lancé une attaque en Libye suite à la décapitation présumée de vingt-et-un Egyptiens coptes par l'Etat islamique (EI).
Cependant, certains observateurs ont exprimé leur inquiétude quant à la décision de la France de vendre des armes à l'Egypte où il existe, selon des militants, de sévères restrictions des droits de l'homme.
Amnesty International a condamné la vente d'armes à une nation qu'elle accuse d'« inquiétantes » violations des droits de l'homme.
Les Etats-Unis envoient chaque année environ 1 milliard de dollars d'aide militaire à l'Egypte, qui est essentiellement utilisée par Le Caire pour acheter des équipements américains.
Cette aide, suspendue en 2013 suite au coup d'Etat militaire, a été restaurée en avril 2014, et les Etats-Unis ont depuis envoyé au moins dix hélicoptères d'attaque Apache en Egypte.
Mais selon les experts, les Etats-Unis demeurent réticents à envoyer d'importantes quantités d'armes en Egypte en raison des critiques engendrées par la répression continue à l'encontre des partisans de l'opposition.
« Je présume que les Etats-Unis ne souhaitent pas être vus en train de vendre directement un nouvel avion à l'Egypte, qui n'est pas vraiment un gouvernement stable pour le moment », précise Howard Wheeldon.
« L'Egypte s'est donc tournée vers la France qui n'a pas les mêmes préoccupations lorsqu'il s'agit de vendre des armes. »
Le président Sissi « réhabilité » par l’Europe
Malgré les critiques émises par l'Union européenne au sujet des antécédents de l'Egypte en matière de droits de l'homme, des analystes affirment que l'accord signé lundi serait un premier pas vers une plus grande reconnaissance du règne du président Sissi par la France et, plus généralement, par l’Europe.
« Au lendemain de la destitution du président Morsi par Abdel Fattah al-Sissi et du massacre de manifestants sur la place Rabia el-Adaouïa, entre autres, l'inquiétude était grande en Europe », précise Anthony Dworkin, chargé d'études politiques au sein du Conseil européen des affaires étrangères.
« L'aide militaire accordée à l'Egypte a été revue en 2014.
Mais compte tenu des craintes croissantes concernant la sécurité dans la région, Abdel Fattah al-Sissi s'est empressé de se présenter comme un partenaire potentiel dans la lutte contre le terrorisme. Cette transaction constitue une réhabilitation partielle du président Sissi ainsi qu'une reconnaissance accrue de sa présidence. »
La France a assuré qu'elle continuerait de faire entendre sa voix pour critiquer les « excès » de l'Egypte malgré ce contrat historique.
« Cela ne veut pas dire, juste parce que nous vendons ces Rafales à l'Egypte, que nous approuvons point par point tout ce qui est fait en politique intérieure », a indiqué dimanche le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius.
« Quand il y a des excès qui sont commis, nous le disons aux autorités égyptiennes et nous souhaitons que peu à peu on aille vers plus de démocratie. »
« Mais la stabilité de l'Egypte est un point très important », a-t-il ajouté.
Anthony Dworkin précise : « on a le sentiment qu'une attitude plus ferme ne permettait pas d'influencer l'Egypte.
Après tout, l'Egypte demeure un partenaire précieux dans la lutte contre le terrorisme mais aussi une source importante pour l'exportation d'armes. »
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