Aller au contenu principal

Relations Etats-Unis-Israël : ont-elles une chance d’être restaurées suite aux élections ?

Bien au-delà du conflit de personnalités entre Obama et Netanyahou, entrent en jeu d’autres forces plus puissantes qui risquent d’aigrir les relations entre Israël et les Etats-Unis, quel que soit le résultat de l'élection israélienne

Les retombées de l’adresse au Congrès par le Premier ministre israélien Netanyahou sur les négociations nucléaires avec l'Iran posent une question importante : sommes-nous en présence d’une fissure structurelle à long terme entre les Etats-Unis et Israël, ou d’un conflit de personnalités entre Obama et Netanyahou ?

A l’approche des élections israéliennes le 17 mars, la réponse prend une importance toute particulière : un changement de leadership pourrait-il éviter le péril d’une fissure structurelle potentielle, ou ne servirait-il qu’à masquer de profondes différences politiques à grand renfort de poignées de main chaleureuses et de sourires hypocrites ?

Une chose est sure, Obama et Netanyahou ne s’entendent pas, et les relations entre ces dirigeants sont effectivement conflictuelles. Cependant, ce conflit de personnalités s’est métastasé au point de mettre à nu les désaccords politiques majeurs sur le programme nucléaire de l'Iran et, dans une moindre mesure, la question palestinienne.

Ce fossé notoire entre les Etats-Unis et Israël ne peut probablement pas être comblé par l’arrivée d’un nouveau Premier ministre israélien. Il n’est guère probable, en effet, que les adversaires de Netanyahou, s’ils gagnent cette élection, appliquent des politiques sensiblement différentes de celles promues par le leader du Likoud.

Le président Obama et le Premier ministre Netanyahou ont tous deux manifesté ouvertement leur aversion réciproque, fait relativement rare dans l’histoire des relations israélo-américaines. En mai 2011, lors d’une conférence de presse conjointe, Netanyahou a fait la leçon à Obama, rejetant très cavalièrement une proposition de paix que le président américain avait formulée la veille à peine.

Quelques mois plus tard, micro encore ouvert, Obama fut surpris en train de dire à Nicolas Sarkozy, le président français de l’époque, « Si vous en avez marre de [Netanyahou], pensez que je dois traiter avec lui encore plus souvent que vous ». Plus tard, Netanyahou s’est permis une intervention hautement inhabituelle dans une élection présidentielle américaine : il a manifesté sa forte préférence pour Mitt Romney en accueillant le candidat républicain dans son bureau pour rompre ensemble le jeûne du Sabbat. La tension a atteint son paroxysme avec l’allocution du 3 mars devant une session conjointe du Congrès, durant laquelle Netanyahou a essayé de faire dérailler l’ambitieuse tentative d'Obama de trouver un règlement diplomatique avec l'Iran sur la question nucléaire.

Netanyahou est visiblement sceptique sur le soutien d’Obama à la sécurité d’Israël et sa position internationale, mais à tort. L’administration Obama a affecté plus de 900 millions de dollars au système de défense antimissile israélien Iron Dome et s’est agressivement opposée à la reconnaissance d’un Etat palestinien au sein des instances internationales. Ehud Barak, alors ministre de la Défense, a en outre déclaré en 2012, « sous la présidence Obama, cette administration en fait plus pour notre sécurité que tout ce dont je peux me souvenir dans le passé ». Et Netanyahou lui-même a préfacé son discours au Congrès par un clin d'œil de remerciement au soutien d’Obama à l’ONU et au sujet des intercepteurs de missiles d’Israël.

Si les observateurs se délectent de ce mélodrame, le fait est que des enjeux plus puissants tirent ces Etats dans des directions stratégiques opposées. L’administration d’Obama a vu dans l'élection de Hassan Rohani à la présidence de l'Iran une ouverture inespérée de renverser plus de trois décennies d'hostilité et résoudre l’épineuse question nucléaire.

Peu de temps après son élection, le président iranien a reçu un appel téléphonique historique de son homologue américain, lui indiquant qu’ils partageaient la même volonté de résoudre la question nucléaire. Comme l’a dit à l’époque Ali Vaez, analyste chevronné à l’Iran l'International Crisis Group : « Le plus grand tabou de la politique iranienne a été levé. C’est le début d'une ère nouvelle ».

Une ère nouvelle accueillie à Tel Aviv sans grand enthousiasme, c’est le moins que l’on puisse dire. Israël s’oppose depuis longtemps au financement par la République islamique de groupes comme le Hamas et le Hezbollah ainsi qu’à la rhétorique anti-israélienne féroce d’une partie de son leadership. Netanyahou le premier, qui a transformé les craintes perçues à l’égard de l’Iran en une source inépuisable de capital politique, tant au niveau national qu’international.

Dans un courriel adressé aux auteurs, Louis Fishman, analyste israélien et historien au Brooklyn College, écrit ceci : « L’insistance têtue [de Netanyahou] à maintenir cette question à l’ordre du jour... a rendu ce débat incontournable. Chaque politicien israélien qui compte a eu à prendre une position similaire – du moins officiellement. Indépendamment de l'ampleur de cette menace, il l’a tellement martelée qu’il en a forgé la réalité dans les esprits ».

Quant à la question palestinienne, malgré les critiques exprimées à l’encontre de la conduite de Netanyahou par les dirigeants de la Liste sioniste Isaac Herzog et Tzipi Livni, on ne voit guère en Israël la volonté politique de s’attaquer au démantèlement des colonies en Cisjordanie, étape indispensable à toute solution impliquant l’existence de deux Etats – encore une divergence entre les Etats-Unis et Israël dans un domaine politique clé.

Aux Etats-Unis, un sentiment progressiste commence à émerger sur la Palestine et les politiciens démocrates trouveront de plus en plus difficile à long terme d’afficher des positions « progressistes… sauf sur la Palestine ».

Selon une enquête du Pew Research Center en 2014, les jeunes Américains ont tendance à ne pas autant soutenir Israël que les adultes de 50 ans et plus. Le sondage a révélé que, « Parmi les plus de 50 ans, 39 % de personnes de diverses sensibilités disent que la réaction d’Israël au conflit a été plus ou moins équilibrée, et 22 % que c’est allé trop loin. Chez les moins de 50 ans, 33 % estiment que les actions d’Israël sont appropriées mais presque autant (29 %) les trouvent disproportionnées ».

Cette nouvelle dynamique politique au sein du Parti démocrate américain, qui se cristallise autour de l’opposition d’Israël à un accord avec l’Iran et de son incapacité, voire de ses réticences, à évoluer sur la question palestinienne, engendre un clivage entre partis qui représente un important changement après plusieurs décennies de soutien bipartisan à Israël.

De toute évidence, ce revirement ne concerne pas encore les Palestiniens. En contradiction avec leur position officielle sur les colonies, les Etats-Unis soutiennent encore fermement Israël sur la question palestinienne. Cependant, la nouvelle ligne de faille au sujet de l’Iran ainsi que les perspectives mouvantes au sein du Parti démocrate – en particulier de son aile progressiste – pourraient entraîner d’autres divergences similaires, sur la Palestine cette fois.


- Kayvon Afshari est le directeur de la communication du Conseil iranien américain, un think tank dédié à l'amélioration des relations américano-iraniennes. Michael Brooks participe à « The Majority Show », émission de débats et d’analyses politiques primée pour sa qualité. Il a également accueilli « Intersection » sur Aslan Media.

Légende photo : le président américain Barack Obama s’entretient avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou lors d'une réunion bilatérale à la Maison Blanche à Washington, DC, le 1 octobre 2014 (AFP).

Traduction de l'anglais (original).

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].