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EXCLUSIF : Alger, Tunis et Le Caire réunies en vue d’un nouvel accord en Libye

Les prises de contact se sont multipliées ces derniers jours entre les trois capitales pour préparer une plateforme de propositions pour un nouveau gouvernement en Libye
Pour participer au jeu politique, les milices islamistes devront accepter de déposer les armes et de rompre leurs liens avec al-Qaïda (AFP)

« L’accord de Skhirat ne tient plus. Il faut passer à autre chose ». Ce n’est pas sans une certaine satisfaction que ce diplomate algérien commente ce qui à ses yeux, marque la fin de l’accord de paix en Libye, signé sous l’égide de l’ONU au Maroc (rivale diplomatique de l’Algérie) le 17 décembre 2015.

Le plan prévoyait la formation d’un gouvernement d’union nationale et le partage du pouvoir législatif entre les deux parlements rivaux : à Tripoli, le Conseil d’État et à Tobrouk, la Chambre des représentants.

«  Le problème, c’est qu’aujourd’hui, Fayez al-Sarraj [le Premier ministre] a échoué à former ce gouvernement », explique le diplomate à Middle East Eye. « Par ailleurs, la donne en Libye a complètement changé – Haftar [le commandant de l’Armée nationale libyenne] a pris le dessus avec le soutien de la Russie – et il semblerait qu’avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, le climat mondial aussi ait changé. Les conditions dans lesquelles l’accord de Skhirat a été signé ne sont plus réunies pour que cet accord ait un sens. »

Résultat, l’axe Alger-Tunis-Le Caire projetterait, selon des informations recueillies par MEE auprès de sources proches du dossier, de mettre au point une « plateforme » de propositions en vue d’un nouvel accord entre les différentes parties libyennes. 

« Dans peu de temps, les ministres des Affaires étrangères de nos trois pays se réuniront à Tunis. Une fois l’affaire conclue, un sommet entre les présidents, Abdel Fatah al-Sissi (Égypte), Béji Caïd Essebsi (Tunisie) et Abdelaziz Bouteflika (Algérie) pourrait se tenir à Alger pour la signature de l’accord », détaille notre interlocuteur.

Dans cette attente, les visites entre émissaires se multiplient pour nouer des contacts et arrondir les angles. Car même si les trois capitales collaborent étroitement sur les questions sécuritaires depuis plusieurs années, Le Caire a bien du mal à admettre les islamistes dans le jeu politique. Alors que pour Alger, leur participation aux négociations est un préalable incontournable. « Les conflits politiques entre le système et les islamistes en Égypte doivent rester en Égypte », avait prévenu il y a quelques semaines un diplomate algérien.

« Malgré tout, les choses avancent », affirme une source sécuritaire proche du dossier à MEE. « On peut dire que l’Égypte a finalement accepté la présence des Frères musulmans en tant que parti politique et non pas comme une force militaire soutenant un mouvement politique. »

La Tunisie aurait aussi fixé ses conditions : les organisations islamistes devront rompre tout lien avec al-Qaïda. Ce sujet était la semaine dernière au cœur des discussions entre Rached Ghannouchi, le président d’Ennahdha, le parti islamiste tunisien, Ahmed Ouyahia, ancien diplomate aguerri et chef de cabinet d’Abdelaziz Bouteflika et Ali Sellabi, membre du secrétariat général de l’Union internationale des oulémas musulmans, figure des Frères musulmans libyens, (très) proche des centres de décisions turcs et allié du Qatar en Libye.

 

QUI CONTRÔLE LA LIBYE ?

Dans un entretien accordé au quotidien arabophone algérien El Khabar, Rached Ghannouchi explique avoir suggéré à Martin Kobler, l’envoyé spécial des Nations unies que les efforts faits par les pays de la région isolément soient mis en commun, autour notamment d’une idée de « concorde civile ». Si le terme est emprunté à l’histoire récente algérienne – il fait référence au processus élaboré depuis 2000 permettant aux islamistes armés de se rendre et d’être réinsérés dans la société – il inclut également l’expérience tunisienne du consensus politique.

La méthode n’est pas nouvelle – les Algériens sont déjà passés par les Tunisiens pour entrer en contact avec les islamistes – mais cette fois-ci, la démarche est officielle.

À Alger, notre interlocuteur sourit. « Rached Ghannouchi tire la couverture à lui parce que c’est un homme politique mais en réalité, les islamistes sont ceux qui perdront sans doute le plus dans la nouvelle plateforme. Même s’ils sont très importants – par exemple, ce sont eux qui soutiennent Fayez al-Sarraj. Ceci dit, la Libye n’échappe pas à l’air du temps. La parenthèse islamiste qui a suivi les révoltes arabes s’est refermée. Et tout laisse penser qu’avec Trump, ils devront faire profil bas. »

Selon lui, la formation du gouvernement se fera cette fois-ci au profit de Haftar.

« Les négociations se poursuivront avec Fayez al-Sarraj parce qu’il est l’homme de la communauté internationale, mais dans le fond, l’objectif, c’est de lui faire accepter un gouvernement où il y aurait davantage de place pour Haftar, vu comme une alternative à l’effondrement sécuritaire et militaire libyen », révèle notre source.

Ce qu’elle ne dit pas, c’est que les Algériens ont aussi besoin de « l’avocat » Ghannouchi. Car les islamistes ont beaucoup de mal à accepter l’interférence d’Alger, à leurs yeux coupable d’avoir soutenu Kadhafi jusqu’à la dernière minute et de ne pas avoir soutenu le Conseil national de transition qui a suivi. 

Ali Sellabi se serait d’ores et déjà engagé à fournir tous les efforts nécessaires pour convaincre les parties libyennes de la nécessité d’un consensus politique et aurait accepté les conditions du triumvirat : que la mouvance des Frères musulmans se transforme en parti politique et annonce qu’elle renonce au combat armé et aux milices armées créées pendant la révolution libyenne. Un vœu qui pour l’instant, n’est pas encore devenu réalité.

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