Libye : accord de paix entre tribus pour contrôler les frontières du sud
Des tribus du sud de la Libye ont signé vendredi à Rome un accord de paix, qui prévoit un contrôle des 5 000 kilomètres de frontières du sud, où agissent notamment des passeurs de migrants, a confirmé dimanche le ministère italien de l'Intérieur.
Le ministère, qui hébergeait cette rencontre, a confirmé à l'AFP des informations parues dimanche dans plusieurs journaux italiens, évoquant un accord en douze points, conclu à l'issue d'un marathon secret de négociation de 72 heures à Rome.
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« Une garde frontalière libyenne sera opérationnelle pour surveiller les frontières du sud de la Libye sur 5 000 kilomètres », a précisé le ministre italien de l'Intérieur Marco Minniti au journal La Stampa. « Sécuriser la frontière au sud de la Libye signifie sécuriser la frontière au sud de l'Europe », a-t-il ajouté.
Ce dispositif nouveau, dont les effectifs ne sont pas encore définis, complètera au nord l'action des garde-côtes. Quelque 90 gardes-côtes libyens sont actuellement en train d'achever leur formation sous l'égide de l'Union européenne (UE) et l'Italie s'apprête à leur rendre dix vedettes libyennes saisies en 2011. Ils devraient être opérationnels fin avril-début mai.
Le vaste tour de table a réuni à Rome soixante chefs de clans, notamment les chefs de la communauté toboue, de la tribu arabe des Ouled Suleiman et des Touareg. Était également présent un représentant du Gouvernement libyen d'union nationale (GNA), basé à Tripoli.
Combattre une économie basée sur des trafics
Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, le sud libyen est le théâtre d'une lutte fratricide entre la communauté toboue et plusieurs tribus arabes pour le contrôle des routes transfrontalières, par lesquelles transitent produits manufacturés, vivres, bétail mais aussi migrants, cigarettes, drogue et armes.
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Vaste région désertique aux confins de l'Algérie, du Niger et du Tchad, le sud libyen échappe à l'autorité de Tripoli, même si la plupart des responsables politiques et militaires ont fait allégeance au GNA de Fayez al-Sarraj.
L'initiative de médiation italienne vise à combattre « une économie basée sur les trafics illicites, qui entraîne des centaines de morts en Méditerranée, des milliers de désespérés à la recherche d'une vie meilleure, une poussée populiste (en Europe) et la menace djihadiste dans le désert », indique le document final de cette rencontre, cité par le journal Corriere della Sera.
L'accord spécifie l'engagement de mettre en place au plus tôt des opportunités de formation professionnelle pour les jeunes afin de « les éloigner de leur unique moyen de subsistance, la criminalité ».
La Libye accepte finalement des camps sur son sol
Le Premier ministre Fayez al-Sarraj et son homologue italien Paolo Gentiloni ont signé le 2 février un mémorandum d'accord visant à renforcer la lutte contre l'immigration clandestine depuis la Libye et prévoyant notamment la création de camps pour accueillir les migrants et les inciter à retourner dans leurs pays lorsqu'ils ne peuvent prétendre au statut de réfugié.
« Sécuriser la frontière au sud de la Libye signifie sécuriser la frontière au sud de l'Europe »
-Marco Minniti, ministre italien de l'Intérieur
Pourtant, la Libye s’était opposée à l’ouverture par l’UE de camps de migrants sur son sol. Un tel projet signifierait que l'Union européenne « refuse d'assumer ses responsabilités et les fait peser sur nos épaules », avait déclaré Taher Siala, le chef de la diplomatie libyenne, en octobre dernier.
L'UE a indiqué dans la foulée de ce mémorandum, lors d'un sommet européen à La Valette, qu'elle chercherait la collaboration des tribus nomades établies dans le sud de la Libye afin de limiter les flux de migrants. La grande majorité des quelque 500 000 migrants ayant atteint les côtes italiennes au cours des trois dernières années provenait de Libye.
Le 20 mars, les ministres de l'Intérieur italien, français, allemand, autrichien, slovène, suisse et maltais côté européen, libyen et tunisien côté africain, s'étaient aussi retrouvés à Rome. Selon un quotidien italien, le GNA aurait alors demandé radars, embarcations, hélicoptères et véhicules tout terrain, pour 800 millions d'euros, afin de contrôler les frontières sud et les eaux territoriales.
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