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L’accord avec l’Iran montre que des sanctions contre Israël sont nécessaires pour la paix

À la lumière de l'accord avec l’Iran, la question de savoir si des sanctions pourraient aider à parvenir à un accord entre la Palestine et Israël est intéressante à examiner

L'accord a été signé récemment pour limiter les ambitions nucléaires de l'Iran à un programme pacifique et non militaire après des années de négociations difficiles qui ont été renforcées par des sanctions sévères.

Dans son rapport « Impact des sanctions sur l'Iran », l'Institut pour la paix des États-Unis affirme que « les sanctions ont resserré l'économie iranienne et ont joué un rôle pour amener l'Iran à la table des négociations au sujet de son programme nucléaire ... »

Cependant, en 2014, Suzanne Maloney de l'institut Brookings s’est demandé si les sanctions du type iranien pourraient réussir avec Moscou après son intervention en Ukraine. Elle conclut : « Même si les sanctions ont contribué à générer un environnement plus constructif pour les négociations entre les deux anciens adversaires, il est beaucoup trop tôt pour crier victoire, et l'impact de la garantie des sanctions sur la politique et la société iranienne reste trop peu connu pour vanter ces mesures comme un succès sans précédent. »

Il faut reconnaitre que l'autre facteur important est le changement de leadership en Iran, sachant que le président Hassan Rouhani a été élu sur une base de « réconciliation et de paix ». Après avoir succédé à Mahmoud Ahmadinejad en tant que président, Hassan Rouhani a déclaré qu'il voulait un accord de fond sur le programme nucléaire iranien dans les « trois à six mois ».

Bien sûr, il a fallu un peu plus longtemps que cela, mais un accord a été récemment conclu. Aurait-il pu être atteint sans sanctions ? Mon opinion n’est pas claire.

Un simple appel à l'Iran à poursuivre uniquement un programme nucléaire pacifique n’aurait eu presque aucune chance de réussir sans la dissuasion, même si l’Iran a affirmé à plusieurs reprises qu’il n’était pas intéressé à développer des armes nucléaires.

Bien que la cause et l'effet nécessitent peut-être des années à être analysés, il ne fait aucun doute que les sanctions ont joué un rôle important dans la sécurisation de la transaction.

En conséquence, la question de savoir si les sanctions pourraient contribuer à un accord de paix entre la Palestine et Israël est intéressante à examiner. Les puissances occidentales ont affirmé à maintes reprises que des sanctions, voire d'autres formes de pression pacifique, ne pourraient pas persuader Israël de mettre fin à  son occupation des territoires palestiniens de près de cinquante ans, mais qu'elles seraient « contre-productives ».

Alors que la « communauté internationale » a maintes fois condamné la construction de colonies illégales par Israël en Cisjordanie et à Jérusalem, elle n'a pas imposé de sanctions et a préféré soutenir sa condamnation par la pression diplomatique. En fait, elle s’est même opposée au mouvement populaire de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) qui a été lancé par la société civile palestinienne en 2005 pour aider à mettre fin à l'occupation, assurer l'égalité pour les citoyens palestiniens d'Israël et respecter, protéger et promouvoir les droits des réfugiés palestiniens à revenir dans leurs maisons.

Le mouvement BDS connaît un succès croissant, faisant subir à Israël de lourdes pertes économiques à raison de quelque quarante milliards par an. Cela n'a pas encore abouti à un changement de politique par Israël au sujet de la question palestinienne. Mais des « amis » d'Israël l’ont mis en garde à plusieurs reprises des risques d’escalade d’une campagne BDS si le pays ne se dirige pas vers un accord avec les Palestiniens. Le secrétaire d'État américain John Kerry a donné l’avertissement le plus explicite en parlant d’« une campagne de délégitimisation sur les stéroïdes » si les pourparlers de paix, lancés en juillet 2013, échouaient. Ce fut une référence claire au BDS.

Comme les États-Unis s’effacent et que l'UE se déplace pour relancer les négociations entre Israël et les Palestiniens, il semble qu'aucune pression n’est appliquée sur Israël pour négocier sérieusement. La seule « concession » de Netanyahou semble être celle d’une négociation sur le tracé des frontières autour des « blocs de colonies », comme il l’a indiqué à la chef de la politique étrangère de l'UE Frederica Mogherini. C’est inacceptable pour les Palestiniens, mais sans pression, une fois encore, Israël pensera qu'il peut choisir comment et sur quoi négocier.

Les dirigeants israéliens ont eux-mêmes soutenu les sanctions pour obtenir un changement de la politique iranienne. Netanyahou a fait valoir que des « sanctions mordantes» avaient arrêté le programme d'armement nucléaire de l'Iran « depuis des décennies ». Naftali Bennett, alors ministre de l'Économie d’Israël, a déclaré : « Je suis convaincu que si nous faisons monter la pression, nous pouvons obtenir un bon accord », tandis que le ministre israélien de la Défense Moshe Yaalon a fait valoir que « tout assouplissement des sanctions pourrait provoquer un effondrement » dans les efforts pour arrêter l'Iran. L'ancien ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman a affirmé que « les sanctions paralysantes seules n’arrêteront pas l'Iran. »

Des sanctions à leur demande

Mais près de chez lui, Israël a également appliqué des sanctions contre les Palestiniens soit comme punition soit pour un changement précis. Le cas le plus récent a été celui de la retenue, en début d’année, des recettes fiscales provenant des Palestiniens à cause de leur adhésion au statut de Rome et de la poursuite des accusations de crimes de guerre contre Israël à la Cour pénale internationale. Israël a finalement libéré les fonds, affirmant « la décision a été prise, entre autres, pour des raisons humanitaires et sur une évaluation globale de l'intérêt d'Israël à cette époque ».

Puisque les politiciens israéliens importants soutiennent des sanctions pour aider à obtenir le changement politique quand il concerne d'autres conflits, ils devraient comprendre que d'autres croient que les sanctions pourraient aider à obtenir la paix en Terre Sainte, un exemple de « ce qui est bon pour l'un est bon pour l'autre ».

Afin d'éviter un autre cycle de négociations infructueuses, la communauté internationale doit imposer un cadre solide et un calendrier pour la conclusion d'un accord et les renforcer par des sanctions contre Israël jusqu'à ce qu'un accord soit conclu entre eux et les Palestiniens, conformément au droit international. L’objectif le plus clair est les colonies illégales. Leurs produits devraient être à la fois « étiquetés » et interdits d'importation dans tout pays qui veut la paix.

La combinaison d'un cadre clair, d’un calendrier, de sanctions et une saisie de la CPI pour crimes de guerre enverra le signal le plus clair à Israël en tant qu’Etat et aux Israéliens en tant que peuple que le jeu est en place et qu’il est temps que ce conflit vieux de plusieurs décennies soit réglé sur la base de la justice.

Si les Israéliens ne veulent pas voir leur pays sanctionné et isolé alors ils devraient veiller à ce qu'il arrête d’enfreindre la loi. Le matin qui suivra la fin de l'impunité sera tellement meilleur pour tout le monde.


- Kamel Hawwash est un professeur britannico-palestinien d'ingénierie de l'université de Birmingham et un militant de longue date pour la justice, en particulier pour le peuple palestinien. Il est vice-président de la Campagne de Solidarité Palestine (CFP) et apparaît régulièrement dans les médias comme commentateur sur les questions du Moyen-Orient, y compris le conflit Palestine Israël. Il écrit ici à titre personnel. Il tweete sur @kamelhawwash et blogue sur www.kamelhawwash.com.


 Les opinions exprimées dans cet article appartiennent à l'auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : A Jérusalem, des Palestiniens se croisent en traversant la frontière de Kalandia qui divise la ville de Ramallah, en Cisjordanie, le 13 juillet, 2015. (AA)

Traduction de l’anglais (original) par Emmanuelle Boulangé

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