EN IMAGES : Le palais Ahmed Bey, joyau de Constantine
Le palais, achevé en 1835, est l’œuvre d’Ahmed Bey, le dernier régent du beylicat de Constantine avant que la cité millénaire ne tombe sous le joug de l’empire colonial français en 1837.
Hadj Ahmed, né vers 1784 à Constantine, était un fidèle serviteur de la régence ottomane en Algérie et reste une grande figure de la résistance à l’occupation française, parvenant pendant sept ans à maintenir l’est du pays hors de portée de la domination du colonisateur. Il finira par se rendre en 1848.
Guy de Maupassant, le roi belge Léopold II et Napoléon III ont séjourné dans ce palais, entre autres personnalités du XIXe siècle. Le site abrite aujourd’hui le Musée public national des arts et expressions culturelles traditionnelles.
Ses patios verdoyants sont de véritables oasis de charme et de fraîcheur inondés d’air et de lumière. Dans ces jardins trônent des arbres majestueux, dont le feuillage touffu chatouille les toitures originales en tuile verte.
À l’ombre de ces arcades élégantes animées par les jeux d’ombre et de lumière se baladait le maître des lieux, bercé par les éclats de rire des femmes du harem. Les bâtiments d’ordonnance assez irrégulière s’organisent autour de deux jardins spacieux et de deux cours plus petites. Au milieu se trouve le kiosque du bey, éclairé de tous côtés par des fenêtres. Le visiteur peut imaginer les soirées de fête dans ces espaces princiers animés par des musiciens du malouf, musique arabo-andalouse algérienne de l’école de Constantine, sous les lumières féeriques d’une constellation de lanternes.
Toutes les photos sont signées Kays Djilali, grand photographe algérien décédé le 14 juin. Elles sont extraites du livre Constantine : mémoire, patrimoine et passion, et sont reproduites avec l’aimable autorisation des éditions Chihab à Alger.
Les jardins du bey ne manquent pas de points d’eau. Ici, une belle fontaine sculptée dans le marbre coule dans un bassin de fraîcheur bientôt bicentenaire, à l’ombre des orangers et des myrtes. C’est sans doute dans ce microclimat qui contraste avec la rareté de l’ombre et de la fraîcheur à l’extérieur que s’incarne le mieux le luxe du palais.
L’architecture et l’artisanat s’incarnent jusque dans les moindres détails du palais Ahmed Bey : ici, une myriade de colonnes en marbre blanc sculptées avec raffinement, qui rappellent les riches palais d’Andalousie, portent l’édifice. Des arcs d’ogive ornent les portiques disposés en cloître et donnant sur les jardins. Selon les historiens, Ahmed Bey, qui ne vécut que de 1835 à 1837 dans le palais, faisait venir les colonnes et autres pièces de marbre d’Italie, par des caravanes de muletiers et de chameliers, et les autres matériaux des Pays-Bas et même d’Espagne !
Les zelidj, carreaux de faïence traditionnels, tapissent les murs du palais. Ahmed Bey est allé les chercher dans les riches demeures constantinoises, mais aussi en Tunisie, en Syrie et jusque dans des villes de la rive nord de la Méditerranée, comme Marseille. Il en existe 47 000 pièces dans tout le palais, disposées harmonieusement et apportant du style et de la fraîcheur.
Derrière ces belles portes sculptées vivaient les femmes du harem. Ahmed Bey en a eu beaucoup en plus de ses six épouses. La présence féminine était dominante dans les appartements de ce palais qui comptait 40 chambres. Pour honorer ses préférées, Lalla Khadoudj, Lalla Aïchouche, Lalla Fattoum et une quatrième dont l’identité est demeurée, dit-on, secrète, le maître avait planté quatre palmiers dans les coins du jardin principal.
Les fresques murales en polychromie qui racontent les périples d’Ahmed Bey s’avèrent aujourd’hui un bien précieux document d’histoire, en plus d’être une attraction pour le visiteur.
Sur plus de 2 000 mètres carrés, les murs racontent les récits de son pèlerinage sur les lieux saints de l’islam, et les secrets de batailles menées aux côtés du dey, chef de la régence d’Alger sous l’Empire ottoman.
Le pèlerinage entrepris en 1818 a duré quinze mois, conduisant le jeune Ahmed à La Mecque et à Médine en passant par Tunis, Tripoli, le port d’Alexandrie et Le Caire. L’album riche en couleurs est une œuvre originale à découvrir.
Encastrées dans des portiques en marbre sculpté, les portes intérieures du palais sont l’œuvre d’artisans originaires de Constantine et des environs.
Chaque porte est une œuvre à part dont on peut admirer longuement les détails. Restaurées à l’image de nombreux pans du palais, y compris dans leur polychromie, ces portes en bois de cèdre, venu des Aurès et de Kabylie, nous en disent long sur le goût du luxe chez l’ancien maître des lieux.
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