L’Algérie adopte une loi interdisant la violence domestique contre les femmes
Le parlement algérien a adopté jeudi dernier une loi criminalisant la violence conjugale contre les femmes lors d’un vote vivement critiqué par les conservateurs, qui accusent la loi de s’immiscer dans l’intimité des couples et d’être contraire aux valeurs de l’islam.
La loi protège également les intérêts financiers des femmes mariées et introduit le concept de harcèlement.
Selon la loi, tout homme blessant sa femme peut être puni d’une peine allant jusqu’à vingt ans d’emprisonnement, en fonction de la gravité des blessures, et autorise un juge à prononcer des peines à perpétuité pour des agressions causant la mort de la victime.
Le texte prévoit également une peine de deux ans d’emprisonnement pour les époux « disposant des biens ou des ressources financières » de leur femme.
La législation, adoptée lors d’un vote auquel ont participé plus de la moitié des 462 députés algériens, a suscité la colère de certains membres de l’assemblée.
Naamane Belaouar de l’Alliance pour une Algérie verte a déclaré que la loi était « contraire aux préceptes du Coran et visait à désintégrer la famille ».
Abdallah Djaballah du Parti el-Adala a pour sa part affirmé que le texte était une « vengeance contre le mari et l’homme en général », et qu’il menaçait l’unité de la famille.
D’autres parlementaires d’el-Adala ont demandé à ce que la législation algérienne interdise aux femmes de se montrer non voilées et prohibe « la nudité des femmes dans l’espace public, qui est la cause principale du harcèlement ».
Selon le député indépendant Ahmed Kheli, la loi nuira au mariage en tant qu’institution et encouragera les hommes à avoir des relations avec des femmes hors du mariage.
« Avoir une maitresse serait plus facile que de se marier et ainsi courir le risque de se retrouver devant les tribunaux pour n’importe quel type de faute », a-t-il soutenu.
En revanche, un député du Front de libération nationale, le parti au pouvoir, a indiqué à l’AFP jeudi suite à l’adoption de la loi que c’était un « grand jour ».
Le ministre de la Justice, Tayeb Louha, a défendu l’orthodoxie islamique de la loi, faisant remarquer que des « versets du Coran protègent l’honneur des femmes et ne permettent pas » la violence à leur encontre.
« La violence s’accroît »
« La violence contre les femmes dans notre société existe et s’accroît », a-t-il observé.
L’année dernière, les chiffres de la police ont montré que 58 % des cas de violence contre des femmes étaient le résultat d’incidents domestiques.
Entre cent et deux cents femmes meurent chaque année de violence conjugale, selon des statistiques publiées par des médias locaux.
Amnesty International a toutefois demandé à ce que la loi soit amendée de façon à ce que soit retirée une clause permettant au survivant de violence domestique de pardonner son agresseur, avertissant que celle-ci constituait un « dangereux précédent ».
« Cette clause ne prend pas en compte la réalité des relations de pouvoir et l’inégalité entre hommes et femmes », a indiqué l’organisation de défense des droits de l’homme.
« Si la clause n’est pas retirée, cela pourrait exposer les femmes qui se présentent à la police pour dénoncer un abus au sein du ménage à de sérieux risques de violence ou de coercition visant à les forcer à retirer leur plainte. »
La féministe algérienne Soumia Salhi partage ce constat, expliquant que « la clause de pardon est un problème dans la mesure où elle remet en cause la parole de la femme et adresse un message d’impunité aux auteurs de violence ».
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