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L'Arabie saoudite et ses alliés rompent avec le Qatar, accusé de « soutenir le terrorisme »

L’Arabie saoudite, l’Égypte et les Émirats arabes unis ont mis fin à leurs relations diplomatiques avec le Qatar
L'émir du Qatar Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, lors d’une réunion du Conseil de coopération du Golfe à Bahreïn, en décembre 2016 (AFP)
Par AFP

par Ian Geoffrey TIMBERLAKE

Séisme diplomatique au Moyen-Orient : trois États du Golfe, dont l'Arabie saoudite, et l'Égypte ont rompu lundi avec le Qatar, accusé de soutenir le « terrorisme », et décidé de l'isoler en fermant leurs frontières avec ce riche émirat.

Le Qatar a réagi avec colère en accusant à son tour ses voisins du Golfe de vouloir le mettre « sous tutelle » et de l'étouffer économiquement.

La Bourse de Doha a chuté de 8 % à l'ouverture des transactions.

La rupture des relations, annoncée avant l'aube, intervient quinze jours après une visite à Riyad de Donald Trump qui avait exhorté les pays musulmans à se mobiliser contre l'extrémisme.

Elle a provoqué une réaction mesurée de Washington qui a invité les pays du Golfe à rester « unis ».

À LIRE : L’effet Trump : comment l'offensive politique contre le Qatar a commencé

Le Qatar, qui se targue de jouer un rôle régional et d'avoir été choisi pour organiser le Mondial 2022 de football, a également été exclu de la coalition militaire arabe qui combat des rebelles pro-iraniens au Yémen.

Cette dernière mesure a été saluée par le gouvernement du président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi qui a aussi rompu avec Doha. Il l'accuse de soutenir – malgré sa participation à la coalition arabe – ses adversaires, les rebelles Houthis.

Cette crise diplomatique est la plus grave depuis la création en 1981 du Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui regroupe l'Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar.

Riyad, Abou Dhabi et Manama ont justifié la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar par son « soutien au terrorisme », y compris Al-Qaïda, le groupe État islamique (EI) et la confrérie des Frères musulmans.

« Le Qatar accueille divers groupes terroristes pour déstabiliser la région, comme la confrérie des Frères musulmans, Daech et Al-Qaïda », a souligné Riyad.

Selon l'Arabie saoudite, Doha soutient aussi « les activités de groupes terroristes soutenus par l'Iran dans la province de Qatif [est] », où se concentre la minorité chiite du royaume saoudien, ainsi qu'à Bahreïn, secoué depuis plusieurs années par des troubles animés par la majorité chiite de ce pays.

Riyad et Téhéran ont rompu leurs relations diplomatiques en janvier 2016 à la suite de l'exécution d'un chef chiite en Arabie.

« Sans fondement »

Le Qatar a rejeté une décision « injustifiée » et « sans fondement ». Elle a été prise « en coordination avec l'Égypte » et a un « objectif clair : placer l'État [du Qatar] sous tutelle, ce qui marque une violation de sa souveraineté » et est « totalement inacceptable », a affirmé le ministère des Affaires étrangères à Doha.

Le Qatar « n'interfère pas dans les affaires d'autrui » et « lutte contre le terrorisme et l'extrémisme », a-t-il précisé.

L'émirat prendra « les mesures nécessaires pour mettre en échec les tentatives d'affecter sa population et son économie », a ajouté le ministère.

Les grandes compagnies aériennes Emirates, de Dubaï, et Etihad, d'Abou Dhabi, ont annoncé la suspension de tous leurs vols vers et en provenance du Qatar à partir de mardi matin « jusqu'à nouvel ordre ».

Les diplomates du Qatar ont 48 heures pour quitter leurs postes dans ces pays.

Les citoyens qataris ont pour leur part quatorze jours pour partir d'Arabie saoudite, des Émirats et de Bahreïn, et les ressortissants de ces trois pays se voient interdire de se rendre au Qatar.

L'Égypte a annoncé la fermeture des frontières « aériennes et maritimes » avec le Qatar qui, selon son ministère des Affaires étrangères, « insiste à adopter un comportement hostile vis-à-vis » du Caire.

Appel de Trump

Cette crise intervient alors que les autorités qataries ont affirmé la semaine dernière avoir été victimes de « hackers » ayant publié sur le site internet de l'agence de presse officielle QNA de faux propos attribués à l'émir cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani.

Ces propos controversés rompaient avec le consensus régional sur plusieurs sujets sensibles, notamment l'Iran, vu comme un allié stratégique alors qu'il vient d'être accusé par l'Arabie saoudite d'être « le fer de lance du terrorisme ».

Ils contenaient aussi des commentaires négatifs sur les relations entre l'administration de Donald Trump et le Qatar, pourtant un proche allié des États-Unis.

Le président américain Donald Trump et d'autres dirigeants regardent un mur d'écrans d'ordinateur lors de la visite du Centre mondial pour la lutte contre l'idéologie extrémiste à Riyad, en Arabie saoudite, le 21 mai 2017 (Reuters)

La visite du président Trump à Riyad, son premier déplacement à l'étranger, avait été couronnée par la signature d'un accord sur « une vision stratégique » pour renforcer les relations économiques et de défense entre le royaume saoudien et les États-Unis.

Dans un discours le 21 mai à Riyad devant des dirigeants du monde musulman, Donald Trump avait appelé à  « chasser » les extrémistes et « les terroristes ». Il avait aussi demandé à la communauté internationale « d'isoler » l'Iran.

Le Qatar s'est plaint d'être victime d'une campagne hostile, notamment aux États-Unis, concernant son soutien présumé aux groupes islamistes.

La dernière crise ouverte dans le Golfe remonte à 2014 lorsque trois pays du CCG (Arabie saoudite, Bahreïn et Émirats) avaient rappelé leur ambassadeur à Doha pour protester contre le soutien présumé du Qatar aux Frères musulmans.

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