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Le Royaume-Uni a vendu pour 7,6 milliards d’euros d’armes à l’Arabie saoudite en cinq ans

Selon Campaign Against Arms Trade, l’Arabie saoudite est l’un des 24 pays « source de préoccupation humanitaire » auquel le Royaume-Uni a vendu des armes depuis 2010
L’ancien roi saoudien Abdallah ben Abdelaziz serre la main du Premier ministre britannique David Cameron en 2012 (AFP)
Par MEE

Un nouveau rapport a montré que le Royaume-Uni a vendu pour 5,6 milliards de livres sterling (soit 7,6 milliards d’euros) d’armes à l’Arabie saoudite depuis que David Cameron est devenu Premier ministre, malgré les inquiétudes concernant les droits de l’homme dans le pays.

Depuis mai 2010, les gouvernements Cameron ont supervisé la vente d’avions de chasse Hawk et des ventes en grandes quantités de mitrailleuses, de bombes et de gaz lacrymogènes, selon une étude publiée mercredi par l’organisation Campaign Against Arms Trade (CAAT).

Ce rapport indique que le Royaume-Uni a vendu des armes à 24 des 27 États que l’organisation considère comme des pays « source de préoccupation humanitaire ».

Selon des informations parues dans The Daily Telegraph en mai, l’Arabie saoudite a accès à deux fois plus d’avions de combat de fabrication britannique dans sa campagne de bombardement au Yémen que l’ensemble de la Royal Air Force (RAF).

Les chasseurs d’attaque au sol de fabrication britannique Tornado GR4 et Eurofighter Typhoon jouent un rôle central dans la campagne de bombardement de la Royal Saudi Air Force au Yémen.

Alors que l’Arabie saoudite se vante d’avoir 100 avions en état de combattre pour son opération, dont environ la moitié auraient été fabriqués au Royaume-Uni, ce dernier ne pourrait rassembler que 36 bombardiers Tornado GR4 si elle devait mener une campagne aérienne similaire, selon les déclarations d’experts militaires à The Telegraph.

Le Royaume-Uni a conduit des frappes aériennes en Irak depuis 2014 et, en décembre l’année dernière, les députés ont voté en faveur de l’extension des frappes aériennes contre des cibles du groupe État islamique en Syrie. Avant cette extension à la Syrie, le comité restreint de la défense de la Chambre des communes avait néanmoins critiqué la RAF qui n’avait engagé que des ressources militaires « étonnamment modestes » dans la campagne menée par les États-Unis.

Des bombes et des munitions, qui devaient initialement être utilisées par l’armée britannique, ont également été réorientées vers l’Arabie saoudite, avaient déclaré des sources militaires à Defense News en juillet.

Samedi, l’Arabie saoudite a suscité de vives inquiétudes à l’échelle internationale avec l’exécution du célèbre religieux chiite Nimr al-Nimr et de 46 autres personnes, déclenchant ainsi des manifestations en Iran et à Bahreïn, ainsi que des troubles dans sa rétive province orientale en majorité chiite.

Mercredi, le Qatar est devenu le dernier pays en date à soutenir l’Arabie saoudite dans sa querelle diplomatique avec l’Iran à la suite de ces exécutions en rappelant son ambassadeur à Téhéran. Djibouti a également suivi mercredi le Bahreïn et le Soudan en coupant ses liens avec l’Iran. La Jordanie a convoqué l’ambassadeur iranien pour protester contre l’attaque de l’ambassade. Le Koweït avait rappelé plus tôt son ambassadeur à Téhéran et les Émirats arabes unis ont réduit leur présence diplomatique.

Riyad a également été sous les critiques pour son rôle dans la campagne de bombardement au Yémen visant à faire reculer les milices houthies du pays et leurs partisans. Amnesty International a accusé la coalition, en grande partie arabe, de crimes de guerre.

Le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) indique que 2 795 civils ont été tués et 5 324 autres blessés depuis que l’Arabie saoudite et ses alliés ont commencé les bombardements en mars.

Amnesty International a accusé le Royaume-Uni d’alimenter la guerre civile au Yémen, en violation des législations nationale, européenne et internationale, en vendant des munitions et des bombes à Riyad.

« Le principal message qui se dégage est que les droits de l’homme passent au second plan par rapport aux bénéfices des entreprises », a déclaré le porte-parole de CAAT, Andrew Smith, à The Independent.

« Les recettes de BAE passent avant les droits des personnes qui sont exécutées et torturées. Il est complètement illogique de condamner ces régimes tout en signant des accords de ventes d’armes qui s’élèvent à des milliards de livres. »

Le gouvernement britannique, cependant, a défendu ses relations avec Riyad.

Tobias Ellwood, secrétaire d’État au Foreign Office, a déclaré mardi que Londres avait abordé à plusieurs reprises ses préoccupations en matière de droits de l’homme avec les autorités saoudiennes, mais qu’il s’agissait d’un exercice d’équilibriste délicat.

« L’Arabie saoudite est un pays relativement jeune et nous reconnaissons que le changement ne peut pas se faire du jour au lendemain », a déclaré Ellwood aux députés alors qu’il était questionné sur les ventes d’armes britanniques.

« La situation des droits de l’homme en Arabie saoudite reflète des valeurs sociales conservatrices largement partagées et doit donc progresser à un rythme acceptable pour la société. »

« Nous pensons qu’il est plus efficace de travailler avec d’autres pays pour améliorer et réformer leurs systèmes, plutôt que de les critiquer de loin », a ajouté Ellwood.

En octobre dernier, le plus haut responsable du Foreign Office britannique, Sir Simon McDonald, avait admis aux médias que les droits de l’homme n’étaient plus une « priorité absolue pour le gouvernement ».

Ses commentaires avaient été interprétés comme un changement de cap du Foreign Office depuis que Philip Hammond est devenu ministre des Affaires étrangères en 2014. Cependant, les relations étroites du Royaume-Uni avec l’Arabie saoudite remontent à plusieurs dizaines d’années, et les gouvernements précédents avaient également conclu des contrats de plusieurs milliards de livres sterling avec Riyad.

CAAT estime que le gouvernement du prédécesseur de Cameron, Gordon Brown, a également supervisé la vente de plus de 2 milliards de livres sterling (2,7 milliards d’euros) d’armes en deux ans.

« Deux tiers des exportations d’armes britanniques concernent le Moyen-Orient, et il est peu probable que cela change. Nous savons que l’Arabie saoudite est en train d’armer un certain nombre de groupes en Syrie et aux alentours, mais nous n’avons aucune idée des armes qui sont envoyées là-bas. Une fois qu’une arme entre dans une zone de guerre, le contrôle des armes n’existe plus », a déclaré Smith.

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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