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Les autorités égyptiennes accusées de négligence face à l’essor des violences contre les chrétiens

Les autorités ont tardé à réagir aux avertissements de violence sectaire imminente dans le sud de l’Égypte, a accusé un évêque copte
Un prêtre copte bénit sa congrégation par aspersion pendant l’office du dimanche dans l’église Vierge Marie appartenant au diocèse de Samalout, dans le village d’al-Our, gouvernorat de Minya, le 3 mai 2015 (Reuters)

Un évêque copte accuse la police d’avoir ignoré des appels à protéger les chrétiens alors qu’on s’attendait à des violences dans un village du sud de l’Égypte vendredi dernier.

Selon l’évêque Makarios de l’archidiocèse de la province de Minya, plusieurs « extrémistes » ont attaqué dimanche les maisons de quatre citoyens coptes dans le village de Demshaw Hachem, à 250 kilomètres au sud du Caire. Ils étaient motivés par des allégations selon lesquelles les maisons étaient secrètement utilisées comme églises.

« La probabilité de récurrence de telles attaques est très élevée, tant que leurs auteurs restent impunis »

- Déclaration de l’archidiocèse de Minya

Deux coptes et un pompier ont été blessés lors de ces attaques.

L’archidiocèse a déclaré avoir alerté les autorités quelques jours avant l’incident, mais que la police est arrivée après les faits.

Quelques semaines plus tôt, une attaque similaire avait eu lieu dans un village voisin appelé Ezbet Soltan, mais les assaillants ont été laissés en liberté. L’absence de mesures de dissuasion à leur encontre a contribué à l’attaque de vendredi, a estimé l’archidiocèse.

« La probabilité de récurrence de telles attaques est très élevée, tant que leurs auteurs restent impunis », a-t-il ajouté.

Dans les deux cas, des rumeurs selon lesquelles les habitations étaient utilisées comme églises, en violation des lois en vigueur, ont poussé des citoyens musulmans à agir.

Les chrétiens coptes, qui constituent environ 10 % de la population égyptienne majoritairement musulmane, ont été les principales victimes de la violence sectaire sous les gouvernements égyptiens successifs.

Le discours religieux des imams nommés par l’État et des religieux ultraconservateurs incite souvent à des sentiments négatifs à l’encontre des non-musulmans, en particulier dans les zones rurales défavorisées.

Sermons « incendiaires »

Selon Mina Thabet, spécialiste des droits des minorités, les attaques contre les chrétiens coptes du sud de l’Égypte ont généralement lieu après les prières islamiques du vendredi, qui comportent souvent des sermons « incendiaires » de la part de religieux extrémistes.

La Haute-Égypte abriterait la plus grande population chrétienne du pays. C’est aussi un terrain fertile pour la violence en raison de la pauvreté associée à l’analphabétisme.

« La violence sectaire est liée aux niveaux de pauvreté et d’alphabétisation. C’est pourquoi la population de la Haute-Égypte – relativement plus pauvre et moins éduquée – est plus susceptible de se livrer à des violences sectaires », a déclaré Thabet à MEE.

En raison de la dynamique sociale complexe dans cette région, les gouvernements égyptiens successifs ont recours à des lois coutumières non officielles, plutôt qu’à une application officielle de la loi, pour résoudre les différends.

Selon Thabet, les agents de l’ordre sont le produit d’une « culture de discrimination » contre les minorités religieuses.

« Ils prient dans les mêmes mosquées et écoutent les mêmes sermons [anti-chrétiens] », a-t-il déclaré.

Les proches des victimes d’une attaque qui a tué au moins 28 chrétiens coptes participent à leurs funérailles à Minya, en Égypte, le 26 mai 2017 (Reuters)

La violence sectaire en Égypte est souvent déclenchée par des différends liés à la construction d’églises.    

En Égypte, des lois restrictives rendent pratiquement impossible, dans certaines régions, l’obtention d’un permis pour construire une église, amenant de nombreuses communautés coptes à utiliser des bâtiments résidentiels comme lieux de culte pour contourner ces lois.  

Le village de Demshaw Hashem, qui a connu l’attaque la plus récente, est l’un des 150 villages à forte population chrétienne qui est privé d’église.

« Typiquement, les coptes dans les villages soumettent des demandes de construction d’église aux organismes officiels après avoir satisfait à toutes les conditions requises, mais ces demandes sont gelées en raison des objections de l’appareil de sécurité ou en conséquence de l’hostilité d’habitants du coin opposés à la construction d’une église », a déclaré l’Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR) dans son rapport intitulé Closed on Security Grounds.

Dans des endroits comme le village de Demshaw Hashem, les habitants coptes cherchant à assister à des services religieux sont contraints de parcourir de longues distances pour rejoindre l’église la plus proche. Dans certains cas, ils sont empêchés d’entrer dans ces villes par leurs résidents musulmans.

Depuis la domination ottomane de l’Égypte, il est d’usage que les dirigeants égyptiens accordent ou non l’autorisation de construire des églises.

Les chrétiens se sont longtemps plaints de discrimination en raison de cette pratique et ont fait campagne pour une loi unifiée réglementant équitablement l’établissement de lieux de culte musulmans et chrétiens.

Traduction : « Encore une fois, la loi égyptienne sur la construction d’églises est utilisée comme prétexte pour que les groupes d’autodéfense attaquent les chrétiens qui cherchent à construire des lieux de culte. Le gouvernement doit établir une loi pour TOUS les lieux de culte et montrer que ces attaques sectaires ne seront pas tolérées »

Une loi réglementant la construction des églises a été ratifiée en 2016, mais a été critiquée par des groupes de défense des droits de l’homme indépendants ainsi que des défenseurs des droits des coptes pour avoir entériné les discriminations antichrétiennes tout en prétendant le contraire.

La loi comprend des dispositions restrictives pour la construction d’églises et donne aux agences de sécurité le pouvoir exclusif de réglementer le secteur.

Processus opaque

La formulation de la loi en fait « une recette pour la reproduction des violences sectaires », selon l’EIPR.

En outre, elle a été rédigée par un comité composé de représentants du gouvernement et de l’Église dans le cadre d’un processus opaque, sans solliciter les commentaires de la société civile indépendante ou même du Parlement, « comme si la réglementation d’un droit constitutionnel fondamental était un problème purement ecclésiastique et/ou sécuritaire et ne concernait pas les musulmans ou les coptes égyptiens ».

La loi a également été critiquée pour avoir lié la construction d’églises au nombre et aux besoins des coptes dans chaque zone géographique.

« Cela donne un prétexte aux extrémistes pour prétendre que le faible nombre de coptes dans une zone spécifique justifie de les empêcher de construire une église », a déclaré Thabet.

« Les droits de l’homme ne doivent pas être conditionnés par le nombre. »  

Traduit de l’anglais (original).

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