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Les femmes du Moyen-Orient font pression pour jouer un plus grand rôle dans la gestion des conflits

Les militants pour la paix affirment que l’impossibilité pour les femmes de jouer des rôles pourtant primordiaux dans les négociations de paix représente un problème à l’échelle de toute la région
Lily Feidy, PDG de Miftah, l’Initiative palestinienne pour la promotion du dialogue mondial et de la démocratie (James Reinl)

NATIONS UNIES, États-Unis – En ce qui concerne les processus de paix au Moyen-Orient, les hommes ont de piètres résultats à leur actif. Les femmes pourraient-elles faire mieux ?

La réponse à cette question, si l’on en croit les femmes militant pour la paix dans cette région du globe, est un grand « oui » ; et, mardi, elles ont porté leur message devant le Conseil de sécurité des Nations unies lors d’un débat mondial sur la place des femmes dans le maintien de la paix.

L’une d’entre elles était Lily Feidy, qui est aux commandes de l’Initiative palestinienne pour la promotion du dialogue mondial et de la démocratie (MIFTAH). Les femmes doivent se battre pour se faire entendre des dirigeants de Gaza et de Cisjordanie, qui sont principalement des hommes, a-t-elle déclaré.

« Les femmes sont des victimes depuis le début de la lutte palestinienne, ce sont elles qui font vivre la famille lorsque les hommes sont en prison ou qu’ils sont morts en martyrs. Lorsqu’il y a une intifada, les femmes sont dehors, au front », a expliqué Lily Feidy à Middle East Eye.

« Alors pourquoi est-ce qu’on me refuse mon droit de m’exprimer et de participer lorsque la situation s’apaise ? »

Selon Lily Feidy, le Hamas, le groupe en charge de la gestion de Gaza, veut que les femmes restent « à la cuisine » plutôt qu’à la table des négociations. Selon elle, l’intérêt que Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, porte à l’engagement des femmes en politique, n’est qu’une « façade ».

En Cisjordanie, les hommes dominent le Fatah, le mouvement de Mahmoud Abbas, et ils ne laissent que rarement les femmes participer aux conférences de paix avec Israël ou aux négociations de réconciliation avec le Hamas, a-t-elle ajouté. C’est vraiment dommage, car les femmes ont beaucoup à apporter.

« Les femmes sont plus sensibles aux besoins de leur société, de leur communauté ou de leur électorat. Elles comprennent mieux les besoins des enfants, des personnes handicapées et des autres groupes qui sont marginalisés, et c’est pour cela qu’il est important de les intégrer dans les débats », a-t-elle affirmé.

Le problème va au-delà de la Palestine. Au siège des Nations unies, Lily Feidy a rencontré des militantes originaires de Libye, de Syrie, d’Irak et du Soudan qui font état d’un problème existant à l’échelle de toute la région : les femmes n’ont par la possibilité de jouer un rôle pourtant primordial dans les négociations de paix.

Parmi elles se trouvait Alaa Murabit, directrice de la Voix des femmes libyennes, qui a fait campagne pour les droits de la femme bien avant que le pays ne s’enfonce dans un chaos de combats entre milices suite à la chute de Mouammar Kadhafi en 2011.

« Ma propre expérience en Lybie m’a appris que le seul droit d’entrée efficace dans les négociations de paix, c’est une arme à feu », a déclaré Alaa Mourabit devant le Conseil de sécurité des Nations unies mardi.

Les femmes étaient les premières en Libye à tirer la sonnette d’alarme quand le pays était en train de sombrer dans le chaos de l’extrémisme religieux, a-t-elle affirmé. Avec plus de femmes en politique et dans les négociations de paix, des pays comme la Libye seraient plus stables, a-t-elle ajouté.

« Seule la mise en place d’un partenariat avec les femmes et les organisations de la société civile nous permettra de contrer les menaces grandissantes de l’insécurité — qu’il s’agisse de l’extrémisme, de l’exploitation de nos ressources, des migrations en masse, du réchauffement climatique, ou de l’une des multiples causes de conflits », a-t-elle déclaré.

Elle s’est exprimée à l’occasion d’une journée de débats célébrant le 15e anniversaire de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui a été votée le 31 octobre 2000 afin de permettre aux femmes d’être plus impliquées dans les négociations de paix, dans les missions des Casques bleus, et dans les efforts de reconstruction à la suite de guerres.

Cette résolution a permis quelques avancées : alors qu’en 2011, les femmes n’ont été régulièrement consultées que dans 50 % des processus de paix soutenus par l’ONU, ce nombre est passé à 88 % en 2014, selon un récent rapport des Nations unies.

Les femmes à la table des négociations

Selon cette étude, intitulée « Empêcher le conflit, transformer la justice et assurer la paix », lorsque les femmes participent aux négociations de paix, les chances d’obtenir un accord pour une durée minimale de deux ans augmentent de 20 %, et elles augmentent de 35 % pour les accords de paix d’une durée supérieure à quinze ans.

De plus, les pays où l’égalité entre hommes et femmes est plus respectée ont moins de chances de se faire entraîner dans des guerres avec leurs voisins, explique le rapport, qui a été rédigé par l’experte sur la question des femmes auprès de l’ONU, Radhika Coomaraswamy.

Entre 1990 et 2010, seulement 11 % des accords de paix conclus évoquaient les femmes ou les questions liées au genre. Depuis, le pourcentage a atteint près de 50 %, a annoncé mardi Phumzile Mlambo-Ngcuka, directrice exécutive d’ONU-Femmes, devant les quinze pays siégeant au Conseil de sécurité.

Elle a fait référence à des accords de paix aux Philippines et en Colombie à titre d’exemple de ce que l’on peut réussir à faire lorsque les femmes sont plus impliquées.

« Ces preuves nous montrent sans équivoque qu’il faut que les femmes soit des protagonistes à part entière dans les négociations de paix, en tant que négociatrices et en tant que décisionnaires, dans le cadre d’un processus bien plus inclusif », a avancé Phumzile Mlambo-Ngcuka.

« Il faut absolument que les femmes puissent passer aux commandes dans des domaines où l’on a besoin de ressources, comme par exemple pour surmonter le traumatisme et les blessures de la guerre, ou encore pour gérer des questions pratiques de la reconstruction, comme la restitution de propriétés et de terrains. »

Les membres du Conseil de sécurité ont approuvé l’idée d’intensifier les mesures permettant l’implication des femmes dans les négociations de paix. 

Le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a expliqué qu’il travaillait dur pour mettre à mal la dominance masculine dans les missions des Nations unies pour le maintien de la paix, et qu’il avait nommé des femmes en tant qu’émissaires en Haïti, en Côté d’Ivoire, au Sahara occidental, au Soudan du Sud et à Chypre.

Il a pris l’engagement d’augmenter les budgets des projets de soutien aux femmes dans les conflits survenant après les guerres, et  celui de s’attaquer aux extrémistes dans des pays comme le Nigéria, la Syrie et l’Irak, qui s’en prennent souvent aux femmes.

« Des groupes comme Daech et Boko Haram ont pris pour cibles des femmes et des jeunes filles, sans aucune pitié », a-t-il déclaré, faisant référence au groupe extrémiste État islamique, qui contrôle des portions de l’Irak et de la Syrie.

Les meurtres systématiques, la torture, le viol et l’esclavage sexuel, dont Daech se sert contre la communauté yézidie, peuvent s’élever au rang de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocides. Nous devons prendre nos responsabilités. »

Traduction de l’anglais (original) par Mathieu Vigouroux.

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