Libye : possible offensive ratée du GNA pour reprendre les ports pétroliers à Haftar
Alors que les forces du Gouvernement d’union nationale (GNA) ont repris le contrôle de Syrte au groupe État islamique (EI), des insurgés armés ont tenté mercredi d’attaquer les villes portuaires du croissant pétrolier – Zueitina, Brega, Ras Lanouf et al-Sedra.
L’offensive aurait été repoussée par les forces fidèles au gouvernement installé à Tobrouk dans l'est de la Libye, les hommes du maréchal Khalifa Haftar, l'autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL).
Plusieurs chefs de la faction rebelle qui a mené l’attaque ce mercredi ont été arrêtés après avoir brièvement pris le contrôle de la ville de Ben Jawad, a précisé un porte-parole des milices progouvernementales.
Selon Mohamed Htewish, directeur du Libyan Institute for Advanced Studies (LIAS), qui a publié sur Twitter des documents du ministère de la Défense, tout laisse penser que cette opération a été menée sur ordre du GNA, le gouvernement soutenu par la communauté internationale et principal rival du gouvernement de Tobrouk auquel Haftar est fidèle.
Traduction : « Première déclaration de la salle de commandement désigné par le GNA pour "libérer les champs et les ports pétroliers" montrant qu'ils ont mené l'attaque »
« Il faut bien comprendre que le GNA n'a pas vraiment d'armée au sens classique du terme, uniforme et structurée, explique un haut-gradé algérien proche du dossier libyen à Middle East Eye. Cette armée est composée de plusieurs milices, qui, même si elles se trouvent officiellement sous la tutelle du GNA, suivent leur propre agenda. »
« L'offensive se préparait depuis au moins un mois »
Les assaillants qui seraient liés, selon un de ces responsables, à la Brigade de défense de Benghazi ont procédé à des tirs de roquettes. Plusieurs véhicules des assaillants ont été détruits par des frappes aériennes au sud du port d’al-Sedra, situé à une trentaine de kilomètres à l'est de Ben Jawad.
Des ouvriers travaillant à la remise en état du complexe pétrolier d'al-Sedra, endommagé lors d'une précédente offensive, ont été évacués, a déclaré un ingénieur sur place.
Un habitant du port de Ras Lanouf, situé à proximité, a dit avoir entendu le passage d'avions de chasse et précisé qu'une alerte de sécurité avait été lancée.
Le chef de la Garde des installations pétrolières (PFG), Miftah Magariaf, a indiqué que les infrastructures pétrolières n'avaient pas été affectées par cette offensive.
« Après l'échec de l'offensive, qui se préparait depuis au moins un mois, le GNA a fait une déclaration pour dire qu'il n'avait pas commandité cette attaque, explique à MEE le directeur de l'Institut. Ils ont raté cette ocassion, cela ne se reproduira plus. »
Traduction : « Déclaration après l'attaque sur le #CroissantPétrolier : "Nous n'avons pas donné d'ordre" Hmmmm »
« Le problème, c'est que le GNA n'arrive déjà pas à contrôler Tripoli », poursuit l'officier algérien. La capitale reste sous le contrôle d’une mosaïque de groupes armés venus des zones environnantes, y compris de Misrata et ayant chacun des intentions et des allégeances différentes. « Lors des derniers affrontement entre milices, il n'a même pas réagi. Alors comment peut-il sérieusement penser prendre le dessus sur Khalifa Haftar ? »
Accentuation des clivages politiques
En septembre dernier, ce dernier s’était emparé des principaux terminaux du croissant pétrolier. Malgré la réprobation du GNA et de la communauté internationale, cela avait permis à la compagnie pétrolière nationale libyenne (NOC), à qui Haftar avait remis la gestion des ports et des champs pétroliers, de mettre fin au blocus imposé dans trois des terminaux portuaires et de doubler la production locale.
Selon le président de la NOC, Mustapha Sanalla, les exportations libyennes de brut passeront de 200 000 à 900 000 barils/jour d’ici à la fin de l’année.
Avec la fin de la bataille de Syrte, reprise au groupe État islamique (EI), des rumeurs circulent sur la possibilité d'une contre-attaque contre les ports pétroliers par les forces qui en ont été chassées en septembre, des brigades islamistes soutenues par la ville de Misrata (ouest), alors qu'un rival de Haftar vient d'être nommé ministre de la Défense au sein du GNA à Tripoli.
Mardi, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, s’est dit mardi « profondément préoccupé par la lenteur des progrès accomplis » dans l’application de l’Accord politique libyen qui a entraîné une détérioration des conditions de sécurité.
Dans son rapport sur la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul) présenté mercredi au Conseil de sécurité, le chef de l’ONU relève que « l’occasion créée par cet accord risque bientôt d'échapper », à la communauté internationale.
Traduction : « Le Conseil de sécurité de l'ONU préoccupé par l'escalade de violence à Tripoli. Appels à tous en Libye pour mettre fin aux combats »
Il précise que l’accentuation des clivages politiques a entravé la mise en place d’un dispositif de sécurité. En conséquence, les nombreux affrontements violents enregistrés entre différentes factions, couplés avec une montée inquiétante de la criminalité ont contribué à la détérioration de la situation sécuritaire dans ce pays.
La structure et le commandement des forces armées libyennes et la nomination de hauts responsables militaires et civils sont également des questions clés qui doivent être résolues, estime-t-il.
Dans l’ouest du pays, les accords de cessez-le-feu conclus entre les communautés locales en 2015 ont été en grande partie respectés. Toutefois, des conflits à Sabrata ont fait au moins quatre autres victimes en juin dernier.
« Maintenant, il faut garder un œil sur Tripoli », poursuit Mohamed Htewish. Mercredi soir, selon une source locale contactée par MEE, des camions chargés d'armes seraient entrés dans la ville.
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