EN IMAGES : À Jérusalem, des peintures murales pour garder les yeux rivés sur l’occupation
Une série de grandes fresques murales orne les murs du quartier de Silwan à Jérusalem-Est, rappelant aux habitants et au monde le sort des Palestiniens dans cette ville occupée par Israël.
Les images d’yeux qui dominent la ville sont conçues pour attirer l’attention sur la menace permanente de déplacement à laquelle sont confrontés ses milliers d’habitants.
« Les yeux qui fixent disent aux gens que nous les voyons et qu’ils devraient nous voir aussi », explique Jawad Siyam, directeur du Madaa-Silwan Creative Center, qui a co-lancé le projet de fresque avec Art Forces, une association basée aux États-Unis.
« Nous voulons dire que nous sommes là, que nous aimons notre terre et notre foyer. » (Photos : MEE/Latifeh Abdellatif)
Des artistes internationaux et palestiniens ont participé à l’initiative, intitulée I Witness Silwan, et réalisé une série de peintures murales dans les quartiers d’Ein al-Loza, Wadi Hilweh et Batn al-Hawa à Silwan.
« Les peintures murales que nous réalisons dans le quartier sont comme une forme de résistance », commente auprès de Middle East Eye Chris Ghazeleh, un artiste palestino-américain venu de San Francisco.
« Les yeux regardent l’occupation. Nous gardons les yeux rivés sur [les autorités israéliennes] et les colons, leur signalant que les Palestiniens sont ici et qu’ils ne partiront part. »
Depuis son lancement en 2015, la campagne s’est déployée le long de 600 mètres de murs environ, chaque fresque mesurant entre 6 et 12 mètres de haut.
Certaines peintures murales représentent les yeux de personnes connues – telles que George Floyd, Rachel Corrie et Eyad al-Halak –, tandis que d’autres mettent en valeur des fleurs et des symboles palestiniens.
L’éventail de personnes représentées dans les peintures a été soigneusement sélectionné, explique Jenan Maswadeh, artiste et membre de l’équipe de I Witness Silwan.
« Les yeux représentent des personnalités palestiniennes qui résistent et qui sont exposées à l’oppression et au racisme, ainsi que certaines personnalités internationales qui sont également exposées au racisme et à l’oppression », explique-t-elle à MEE.
Silwan, où vivent plus de 60 000 Palestiniens, est stratégiquement située au sud de la mosquée al-Aqsa dans la vieille ville de Jérusalem.
De nombreux Palestiniens considèrent Silwan comme la « gardienne d’al-Aqsa », reconnaissant l’importance de la ville dans le maintien d’un lien direct avec la mosquée vénérée.
Ces fresques murales sont considérées par de nombreux habitants comme une forme artistique de résistance face à l’expansion des colonies dans la région, lesquelles ne cessent de croître depuis des décennies sous le coup des actions de divers groupes de colons financés par le gouvernement.
Un millier de colons israéliens vivent parmi les Palestiniens à Silwan ; ils sont souvent lourdement armés et protégés par les forces israéliennes.
« Notre vie ici à Silwan est difficile car nous ne sommes pas très en sécurité. Les enfants ne vivent pas leur enfance comme ils le devraient », décrit Jenan Maswadeh. « Vous avez une maison palestinienne et, à côté, un colon, et les colons sont toujours armés de fusils. »
En raison de sa proximité avec la vieille ville, Silwan a également été prise pour cible par la municipalité de Jérusalem, dirigée par Israël, qui cherche à construire une série de parcs touristiques sur des thèmes bibliques dans les quartiers d’al-Bustan, Wadi al -Rababa, Batn al-Hawa et Wadi Hilweh.
Silwan s’étend sur plus de 5 600 dounams (environ 5,6 hectares), qui comprennent les quartiers de Ras al-Amud, al-Bustan, Wadi Hilweh, Wadi al-Rababa, Wadi Qaddum, Ein al-Lawza, Batn al-Hawa, al-Hara al-Wusta et Wadi Yasul.
Les peintures murales ont profondément touché les habitants de la ville.
« Quand je joue avec mes cousins, la police [israélienne] nous harcèle. Et ces peintures murales nous font nous sentir mieux. Nous les adorons, elles nous aident à montrer notre énergie et nous nous amusons avec », dit un enfant, Yousef al-Rajabi, à Middle East Eye.
Des centaines de familles de Silwan sont menacées d’expulsion par le biais de poursuites judiciaires ou d’ordres d’expulsion administratifs israéliens. Des milliers de Palestiniens sont potentiellement touchés.
Le contrôle exercé par Israël sur Jérusalem-Est viole plusieurs principes du droit international, lequel stipule qu’une puissance occupante n’a aucune souveraineté sur le territoire qu’elle occupe et ne peut y apporter aucun changement permanent.
Outre des militants connus et des personnalités publiques, les peintures murales représentent des motifs symboliques comme l’arbre de vie, des oliviers, des oiseaux et des coquelicots palestiniens, chacun représentant l’espoir, la résistance et l’héritage culturel palestinien.
Les fresques murales ont toutes été réalisées avec de la peinture, notamment en spray, injectant de la couleur dans un paysage couleur sable.
Certaines ont été peintes par des familles afin d’illustrer leur propre lutte personnelle.
L’une des peintures du projet, intitulée Eye of Um Nasser, a été inspirée par l’avis d’expulsion qu’une famille palestinienne éponyme a reçu en 2017 de la part de l’organisation de colons Ateret Cohanim, laquelle est soutenue par les autorités israéliennes.
Cette famille n’est que l’une des nombreuses à Jérusalem-Est occupée qui tentent de résister à leur expulsion.
Selon le Bureau central palestinien des statistiques, au moins 228 000 colons israéliens vivaient dans la ville en 2018, en violation du droit international.
« Notre objectif est de montrer et d’envoyer un message à travers les images de ces yeux », souligne Jenan Maswadeh. « Nous voyons les crimes de l’occupation et ce que fait l’occupation à Silwan. »
Traduit de l’anglais (original publié en octobre 2022).
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