Solidarité à la syrienne : gastronomie et amitié au menu d’une cantine de Paris
À Montreuil, dans la banlieue est de Paris, une nouvelle initiative de quartier, gérée par des volontaires syriens et français, cherche à rapprocher les communautés locales. Lancée en septembre dans les locaux de l’association culturelle, La Maison ouverte, « cantine syrienne » hebdomadaire, sert tous les jeudis midi de la nourriture syrienne traditionnelle pour lesquels les dons sont facultatifs (MEE/Abdulmonam Eassa)
Les Syriens Mayada Alkibbeh et Taha Almohammad supervisent la cuisine, assisté par une équipe de bénévoles. « Tout le monde a un rôle à jouer : certains cuisinent, d’autres aident à nettoyer les tables et les chaises lorsque le déjeuner est terminé », explique Mayada. « Les rôles sont intervertis chaque semaine car il est important que tout le monde apprenne à cuisiner, à faire les achats ou à gérer l’ensemble de l’équipe. » (MEE/Abdulmonam Eassa)
Mayada, 57 ans, a quitté la Syrie en 2012, au plus fort du conflit. Elle s’était alors installée en Suède avant de déménager à Paris en 2018, là ou sa fille étudie et où elle cherche désormais du travail (MEE/Abdulmonam Eassa)
Tara, originaire de Masyaf, est arrivé en France en 2014. Après avoir fui la Syrie en 2013 via la Turquie pour les Émirats arabes unis, ce trentenaire a déménagé en France en tant que réfugié politique et il étudie désormais les sciences politiques à l’École des hautes études en sciences sociales.
Les bénéfices de l’approche collaborative sont clairs selon Taha : « Si le projet reste limité à certaines personnes, nous serons dans l’impasse, alors nous avons de nombreuses idées pour le long terme avancées par tout le monde. » (MEE/Abdulmonam Eassa)
Madaya insiste sur le fait que la cantine n’est pas un service caritatif : « Nous parlons ici d’une aide mutuelle internationale, il ne s’agit pas d’“aider les réfugiés”. »
Au contraire, ils se sont inspirés d’autres associations similaires comme La Cantine des Pyrénées, située dans le XXe arrondissement, laquelle fournit un endroit pour que les gens se retrouvent et se soutiennent mutuellement, y compris certains des membres les plus marginalisés de la société.
À la cantine syrienne, ils voulaient créer un environnement accueillant où les gens pourraient « partager un repas, des idées, leurs expériences, leurs perspectives et leurs espoirs » (MEE/Abdulmonam Eassa)
Et la cantine est populaire : des dizaines de personnes viennent chaque semaine pour goûter les plats syriens. Ils espèrent finir par organiser des événements plus réguliers à un prix abordable, notamment des concerts, des débats, des projections de films et des cours de langue (MEE/Abdulmonam Eassa)
Le 15 novembre, date anniversaire du mouvement de protestation des Gilets jaunes en France, Tara prépare du mujaddara, un plat syrien populaire à base de lentilles et de riz pour le servir sur un étal qu’ils ont monté dans le centre-ville (MEE/Abdulmonam Eassa)
Théo, un bénévole français de 26 ans, explique que les gens de Montreuil veulent en savoir plus sur la Syrie. « Les gens qui viennent ici pour aider, ou même manger, posent beaucoup de questions sur la révolution syrienne et la guerre. »
« Tout ce qu’ils connaissent de la Syrie, c’est la guerre, l’exil et la mort », explique-t-il. Mais la cantine leur offre également une chance d’élargir ces horizons, mais Théo lui-même est fier de ce qu’il a déjà appris sur la façon de bien préparer un certain nombre de plats syriens (MEE/Abdulmonam Eassa)
Le 15 novembre, des manifestants se sont rassemblés sous la pluie près de la mairie de Montreuil pour célébrer le premier anniversaire du début des manifestations des Gilets jaunes contre le gouvernement.
Certains membres de la nouvelle communauté syrienne en France ont participé à la manifestation, notamment Ashtar, âgée de 27 ans et qui vit à Paris. « J’ai participé à ce mouvement parce qu’après ma première expérience dans la révolution syrienne, pour la première fois, j’avais l’impression d’être dans un pays démocratique », a-t-elle déclaré. « Mais j’ai découvert plus tard le contraire… le monde entier vit dans la pauvreté et l’oppression » (MEE/Abdulmonam Eassa)
Des bénévoles de la cantine servent les plats qu’ils ont préparés plus tôt aux manifestants, trouvant là un nouveau forum pour répondre aux questions à propos de la Syrie et rencontrer de nouvelles personnes (MEE/Abdulmonam Eassa)
L’un de leurs nouveaux clients, Laurent, 56 ans, affirme que les Syriens qu’il a rencontrés « ont un grand cœur ».
« Je suis allé en Syrie à de nombreuses reprises avant 2011, je savais que les gens là-bas sont super », raconte Laurent. « Mais c’est surprenant de voir comment ils continuent de s’impliquer en exil. À la fin de la journée, nous devons nous rassembler pour résoudre nos problèmes » (MEE/Abdulmonam Eassa)
Leur principal objectif, selon Mayada, est d’échanger leurs expériences, d’en apprendre davantage sur les cultures les uns des autres, et de se bâtir une nouvelle vie en exil. « Nous avons quitté notre pays dans la tristesse, mais nous devons nous construire une nouvelle vie, rencontrer de nouvelles personnes dans notre exil, comme nous le faisons actuellement. Partout où vous allez, il y a de belles personnes » (MEE/Abdulmonam Eassa)
Activiste en Syrie comme il l’est désormais dans sa nouvelle ville, Taha a rejoint le mouvement des « gilets jaunes », enveloppé dans un drapeau syrien. Il raconte qu’un manifestant français lui a demandé si c’était le drapeau de terroristes, ce à quoi il a répondu : « si c’était le cas je ne devrais pas être là. »
Malgré les efforts de certains dans cette petite communauté syrienne des quartiers parisiens, le chemin vers l’intégration est long, pourtant ils s’obstinent en progressant même petit à petit. « Il est triste que certaines personnes ne connaissent toujours pas la réalité de mon pays », déplore Taha. « [Mais] je suis heureux de défiler avec mes amis dans la manifestation. » (MEE/Abdulmonam Eassa)
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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