EN IMAGES : Les dévoués protecteurs des chats en Tunisie
Lorsqu’on lui demande combien de chats elle a dans sa chambre, Meriem Gdoura répond « deux » à voix haute – inquiète d’être entendue par sa belle-mère – avant de murmurer « douze ou treize ». Cette étroite maison familiale de deux étages dans le centre de Tunis abrite plus de soixante chats, mais le deuxième étage est supposé être (principalement) réservé aux humains. (Layli Foroudi)
Meriem Gdoura (35 ans) a toujours aimé les chats, mais ces six dernières années, sa maison s’est involontairement transformée en refuge animalier. Elle a commencé à ramener à la maison des chatons dans le besoin ou des chats errants blessés. La nouvelle s’est répandue et des voisins ont commencé à abandonner leurs chatons non désirés sur le pas de sa porte. (Layli Foroudi)
« On m’appelle la “mère des chats” – om al-qtates », indique Meriem, ingénieure, actuellement salariée dans un centre d’appel. « Je me dis “je prends celui-là et puis c’est tout”… et puis je sors et je tombe sur un chat blessé et je me dis “quand il y en a pour quinze, il y en a pour seize et ainsi de suite…” puis ça a explosé. » (Layli Foroudi)
Une multitude de chats errent dans les rues de Tunis. S’il est habituel pour les habitants de la capitale de nourrir les animaux errants – sur l’avenue principale, par exemple, des bouteilles en plastique coupées en deux sont remplies d’eau pour les chats et les chiens –, des animaux non désirés et leurs litières sont également abandonnés. (Layli Foroudi)
Ils sont généralement abandonnés près des marchés, où ils auront une meilleure chance d’être nourris, indique Houda Bouchahda (39 ans), autre amoureuse des chats qui vit à Sidi Hassine, dans la banlieue de Tunis, et possède plus de 200 chats, pour beaucoup récupérés sur les marchés. (Layli Foroudi)
Selon Yosra Jouini, vétérinaire de Tunis, l’une des principales raisons au nombre croissant de chats errants est l’absence de stratégie de stérilisation de la part du gouvernement. « La stérilisation chez le vétérinaire [une cinquantaine d’euros] est trop chère pour les propriétaires et les autres traitements sont aussi relativement chers pour le Tunisien lambda », explique-t-elle. Certains habitants, ajoute-t-elle, pensent que la stérilisation est de la cruauté envers les animaux. (Layli Foroudi)
Dalanda (ci-dessus) travaille au café Grignotine à La Marsa, en banlieue de Tunis. Le lieu accueille les chatons abandonnés et les serveurs s’occupent d’eux. Les chats peuvent s’allonger sur les canapés, où les clients les cajolent et leur donnent à manger et à boire. L’équipe du Grignotine tente d’obtenir la permission des autorités locales afin de convertir le terrain en face de leur café en espace de jeu pour les chats. Certains chanceux trouvent même une maison : récemment, Dalanda a adopté un chat malade pour le remettre en forme. (Layli Foroudi)
Un nouveau café pour les chats tunisiens a ouvert cette année – non pas à Tunis, mais dans le quartier de Pimlico, à Londres. La Maison du Chat est dirigée par Florence Heath, géologue dans l’industrie pétrolière qui a travaillé en Libye de 2008 à 2011 puis en 2012-2013. Elle a cofondé l’organisation Rescue Animals of North Africa (RANA) avec une amie qui vit à Tunis et toutes deux ont commencé à organiser l’adoption transnationale d’animaux. (Saleem Vaillancourt)
« Vivre là-bas nous a fait réaliser l’ampleur de l’aide nécessaire, par rapport au Royaume-Uni, où il y a des milliers d’associations qui prennent soin des animaux », explique Florence Heath. Son association permet l’adoption d’en moyenne 45 chats par an mais ses opérations ont été perturbées par les restrictions de voyage liées au COVID-19. (Saleem Vaillancourt)
Stoufa a voyagé comme « animal accompagné » de Tunis à Paris, puis a été conduite à Londres par les bénévoles du réseau RANA. Elle est arrivée en février et passe son temps à La Maison du Chat en attendant de trouver un nouveau foyer. Les chats tunisiens sont parfois adoptés par des familles rejetées par la Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals en raison de leur âge ou de leur travail. Les chats gris sont particulièrement recherchés car ils sont difficiles à trouver au Royaume-Uni, explique Heath. (Saleem Vaillancourt)
Dans la littérature arabe, les chats sont souvent décrits comme vulnérables. Certains récits historiques font l’éloge du fait de prendre soin des animaux, indique Marcia Lynx Qualey, éditrice de l’ArabLit Quarterly, magazine littéraire qui a récemment consacré un numéro aux chats. « Dans le traité al-Suyuti sur les animaux [de l’intellectuel égyptien Djalal al-Din] datant du XVe siècle, on apprend que les péchés d’un homme ont été pardonnés parce qu’il avait montré de la gentillesse à l’égard d’un petit chat, tandis qu’une femme est allée en enfer parce qu’elle avait torturé son chat », développe Lynx Qualey. (Photo fournie par ArabLit Quarterly)
Le bien-être animal n’est toutefois pas une priorité actuellement en Tunisie, déplore Nidhal Attia, activiste écologiste et coordinateur de projet à la Fondation Heinrich Boll, qui a pris part à une manifestation en 2012 pour que les droits des animaux soient inscrits dans la nouvelle Constitution, ce qui ne fut pas le cas. « Les gens [qui ont vu passer la manifestation] n’acceptaient pas cette idée – il y a eu des insultes, des remarques désobligeantes disant qu’il fallait d’abord obtenir les droits de l’homme fondamentaux avant de penser aux animaux. » (Layli Foroudi)
Meriem Gdoura, pour sa part, essaie de trouver un équilibre entre elle et ses chats. Elle tente de réduire sa charge féline à un nombre « gérable », une vingtaine par exemple, afin de pouvoir donner à ses chats une meilleure vie et pouvoir reprendre un peu de sa propre vie. « Je me plains d’être fatiguée, que je veux retrouver ma vie, mais ce chat a une vie aussi. » (Layli Foroudi)
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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