Au Maroc, on espère « tout sauf Marine Le Pen »
Par Rémy Pigaglio, à Casablanca
« J’espère que ça ne sera pas Marine Le Pen, quand même », anticipe avec crainte Kenza, une Marocaine de 30 ans. En couple avec un Français, elle a vaguement suivi la campagne de l’élection présidentielle française. « Si elle est élue, je pense que les actes terroristes vont se multiplier. Elle est contre la mixité sociale et des jeunes feront l’amalgame entre elle et la France. Ils s’en prendront à leur propre pays. »
Après ce premier tour qui verra un face-à-face Marine Le Pen-Macron le 7 mai, pour de nombreux Marocains, c’est le « tout sauf Marine Le Pen » qui prime. Même sans connaître la politique française en détails, la présidente du Front national représente, à leurs yeux, une menace. « Je suis un Arabe. Avec Le Pen au pouvoir, bien sûr que je serais moins tranquille qu’avec Macron ! », assure Youssef, un visiteur médical de 35 ans, à Middle East Eye.
Les deux semaines qui séparent ces résultats du second tour risquent de tenir en haleine encore bien des Marocains. Même si les séries turques ou égyptiennes restent largement plus suivies, beaucoup de Marocains francophones se sont pris de passion pour l’élection présidentielle française. Plus le premier tour approchait, plus les cafés casaouis bruissaient des analyses passionnées dans le mélange marocain typique de français et de darija (dialecte marocain).
La « vague » Mélenchon a aussi touché le Maroc
« C’était la première fois que je m’intéressais à une élection française. Avec les rebondissements de l’affaire Fillon, les candidats aussi proches les uns des autres… il y avait du suspense ! », décrit Youssef. Avec les réseaux sociaux, plus besoin d’aller acheter le journal ou de regarder la télévision française : les articles viennent tout seuls aux internautes. Youssef reçoit aussi, depuis peu, les notifications des applications des médias français sur son portable.
Même si la connaissance des différents candidats par les Marocains est souvent assez limitée, la « vague » Mélenchon a aussi touché le Maroc. « Je suis altermondialiste et je soutiens la convergence des luttes. Le score très haut de Mélenchon est un espoir pour la gauche au Maroc, qui est en très mauvaise posture », assure Anas, militant du parti de la Fédération de la gauche démocratique. Anas a suivi la campagne de très près : « Je suis passionné de politique et par l’histoire du Maroc, et la France fait partie de cette histoire. »
« Autour de moi, beaucoup de gens ont été séduits par le personnage de Mélenchon, et quelques autres par Benoît Hamon », constate Nacer, un banquier de 30 ans. De manières plus étonnante, de rares connaissances ont choisi de défendre Marine Le Pen. « Je suppose que c’est surtout par esprit de contradiction, mais certains apprécient aussi sa défense de la non-ingérence en politique internationale », analyse Nacer, qui a vécu treize ans en France.
Si l’avis de nombreux Marocains sur Marine Le Pen est déjà fait, les prochains jours leur permettront de mieux découvrir le favori Emmanuel Macron. Le jeune candidat a déjà raté un rendez-vous avec les Marocains : son passage dans le pays pendant la campagne, souvent évoqué, n’a pas eu lieu.