À propos des 25 livres de pure propagande sioniste lus par Jared Kushner
Le 28 janvier, le président américain Donald Trump a dévoilé en grande pompe de nouveaux détails de son soi-disant « accord du siècle » destiné à résoudre le conflit israélo-palestinien – vous savez, en entubant définitivement les Palestiniens.
Le quotidien israélien Haaretz note que, d’après ce plan trumpien, les Palestiniens « n’auraient aucune contiguïté territoriale, dépendraient entièrement d’Israël sur le plan économique et, plus important encore, abandonneraient la vision nationale palestinienne d’un État souverain ».
Les colonies israéliennes illégales de Cisjordanie seraient annexées à Israël et Jérusalem serait reconnue comme la capitale indivisée d’Israël.
Quelle « affaire ».
Bibliographie
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Au lendemain de la révélation, le haut conseiller à la Maison-Blanche de Trump, et accessoirement son gendre, Jared Kushner – principal architecte de ce plan – a fait une apparition sur Sky News Arabia pour énumérer ses qualifications en tant que pacificateur du Moyen-Orient : « J’étudie cela depuis trois ans. J’ai lu 25 livres sur le sujet. » Assurément, trois ans est une période incroyablement courte pour passer de l’absence totale d’expérience en politique ou en politique étrangère à la résolution d’un des conflits décisifs de l’ère moderne.
Ce n’est qu’en lisant 25 livres de pure propagande sioniste qu’on peut concocter l’« accord du siècle »
Un chroniqueur du Washington Post l’a judicieusement raillé : « Je viens de lire 25 livres et je suis là pour pratiquer votre chirurgie à cœur ouvert. »
Étant donné que Kushner n’a daigné révéler les titres d’aucun de ses textes choisis, j’ai tenté de le contacter pour obtenir sa bibliographie complète, soulignant que je pensais que ce serait « une ressource extrêmement utile pour d’autres personnes qui pourraient envisager une reconversion spontanée en tant qu’experts du Moyen-Orient ».
Cependant, au moment de la publication de cet article, je n’avais pas encore obtenu de réponse.
Mais pas besoin d’être spécialiste du Moyen-Orient pour deviner la nature et l’orientation des 25 ouvrages consultés par Kushner. Après tout, ce n’est qu’en lisant 25 livres de pure propagande sioniste qu’on peut concocter l’« accord du siècle ».
Il ne fait aucun doute que la liste ne contient pas des œuvres comme, par exemple, Le Nettoyage ethnique de la Palestine de l’universitaire israélien Ilan Pappé, qui documente la fondation de l’État d’Israël sur la base de politiques de nettoyage ethnique et de massacres. Ce nouvel accord absoudrait Israël de cette histoire – sans parler des histoires plus récentes comme les massacres réguliers de civils palestiniens.
Traduction : « Il a lu 25 livres : pensez-vous que l’un d’eux ait été écrit par un auteur palestinien ou pro-palestinien ? » / « Kushner à propos de ce qu’il a étudié pour le plan de paix de Trump : “J’étudie cela depuis maintenant trois ans, j’ai lu 25 livres à ce sujet, j’ai parlé à tous les dirigeants de la région, j’ai parlé à toutes les personnes impliquées là-dedans”. »
L’une des « cartes conceptuelles » fournies dans le cadre de la « vision pour la paix » de Kushner-Trump précise en légende que « Tous les musulmans qui viennent en paix seront invités à visiter et à prier à la mosquée al-Aqsa » à Jérusalem.
Aucun avertissement condescendant équivalent n’est adressé aux Israéliens, malgré le monopole d’Israël sur la violence dans la région – y compris, en l’occurrence, un certain massacre de Palestiniens en 1990 à nul autre endroit que la mosquée al-Aqsa.
Si vous demandez à Trump, bien sûr, la prononciation correcte est mosquée « al-Aqua » et « les Palestiniens sont dans la pauvreté et la violence, exploités par ceux qui cherchent à les utiliser comme des pions pour faire avancer le terrorisme et l’extrémisme ».
Cela de la part de l’homme qui prend plaisir à terroriser tout le monde, de l’Afghanistan à la frontière américano-mexicaine.
Une visite à Gaza
Le rat de bibliothèque Kushner est pour sa part tout aussi condescendant, fustigeant des Palestiniens « assez stupides » pour rejeter son incroyable accord et laissant entendre qu’ils ont « probablement besoin d’un peu de temps pour prendre une douche froide et digérer le plan ».
À tout le moins, Kushner pourrait ajouter L’Orientalisme d’Edward Saïd à son programme de lecture pour rafraîchir sa mémoire et se rappeler pourquoi ce n’est pas cool d’aller dicter aux Arabes leur façon de se comporter
Peut-être pourrait-il planifier une visite dans la bande de Gaza pour voir à quel point il est difficile de prendre une douche quand Israël paralyse dans les faits le système de distribution d’eau et d’assainissement.
À tout le moins, Kushner pourrait ajouter L’Orientalisme d’Edward Saïd à son programme de lecture pour rafraîchir sa mémoire et se rappeler pourquoi ce n’est pas cool d’aller dicter aux Arabes leur façon de se comporter – surtout si la personne en question est le type blanc qui orchestre actuellement leur dépossession permanente.
Pendant ce temps, le programme intensif d’étude de livres de Kushner l’a apparemment empêché de lire des choses beaucoup plus courtes, comme une déclaration de la Jordanie – un pote traditionnel des États-Unis vendu depuis longtemps à Israël – manifestant son opposition à l’accord de « paix ».
Traduction : « Jared Kushner a lu *25 livres* entiers, ce qui lui donne le droit de préparer l’accord du siècle. Parmi eux figuraient les œuvres complètes de Meir Kahane, Zeev Jabotinsky et Ben Zion Netanyahou ! »
Dans une interview accordée à Christiane Amanpour de CNN – lors de laquelle il a piqué une petite crise lorsqu’il a perçu qu’Amanpour cherchait à le contrarier –, Kushner a affirmé qu’il n’avait « pas eu l’occasion de voir » la déclaration de la Jordanie, mais que de toute façon, tout était génial. Il a en outre juré qu’il s’agissait d’une « grande opportunité » pour les Palestiniens, qui ont « de solides antécédents dans leur tendance à balayer toutes les opportunités qu’ils ont eues dans leur passé ».
Un tour de passe-passe vieux comme le monde
Il est vrai que l’administration Trump n’a jamais été très enthousiaste à l’égard de cette chose qu’on appelle la réalité. Mais si la vérité n’existe peut-être pas dans l’esprit de Kushner ou dans ses mystérieux 25 livres, il est indéniable qu’Israël a été le camp qui a saboté la paix à chaque fois – tout en reprochant aux Palestiniens leur propre victimisation.
Un exemple de manœuvre spécifiquement conçue pour être rejetée par les Palestiniens et renforcer ainsi le discours dénonçant le refus palestinien de coopérer a été la proposition faite par Israël à Camp David en 2000, consistant à céder quelque 16 % de la Palestine historique, le tout découpé en plusieurs enclaves non contiguës et de facto sous contrôle israélien.
« Si j’avais été Palestinien, j’aurais également rejeté Camp David », a même souligné par la suite l’ancien ministre israélien des Affaires étrangères Shlomo Ben Ami.
Aujourd’hui, alors que le bibliophile Kushner et ses acolytes présentent le tout nouveau plan de mutilation territoriale de la Palestine, on pourrait dire que c’est un tour de passe-passe vieux comme le monde.
- Belen Fernandez est l’auteure de Exile: Rejecting America and Finding the World et de The Imperial Messenger: Thomas Friedman at Work. Elle collabore à la rédaction du magazine Jacobin.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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