Accord sur le nucléaire, aide militaire à Israël, occupation de la Palestine : ce que Biden prévoit pour le Moyen-Orient
Le candidat démocrate Joe Biden a remporté l’élection présidentielle américaine, l’emportant sur le président sortant Donald Trump, dont le mandat à la Maison-Blanche a été marqué par des discours clivants et une politique étrangère erratique.
Le candidat démocrate et ancien vice-président de Barack Obama a été donné vainqueur avec au minimum 273 grands électeurs, grâce à un succès dans l’État-clé de Pennsylvanie, selon les grands médias américains dont CNN et le New York Times.
Trump semble toujours aussi peu enclin à accepter une potentielle défaite. Dans une série de tweets matinaux, immédiatement épinglés comme « trompeurs » par le réseau social, il a de nouveau évoqué, sans preuve, des « dizaines de milliers de bulletins arrivés illégalement » et un manque « grossier » de transparence sur le dépouillement.
Il s’était décrété vainqueur en Pennsylvanie alors que des centaines de milliers de suffrages étaient encore en cours de dépouillement et avait déclaré avoir battu Joe Biden dans le Michigan alors que les principales chaînes de télévision avaient donné l’État à l’ancien vice-président.
« Nous avons revendiqué, pour les besoins du collège électoral, l’État de Pennsylvanie (qui n’autorise pas les observateurs), l’État de Géorgie et l’État de Caroline du Nord, qui créditent tous les deux Trump d’une GRANDE avance », a tweeté Trump. « En outre, nous revendiquons aussi l’État du Michigan s’il s’avère qu’il y a eu un nombre important de bulletins jetés en secret comme cela a été largement signalé ! »
Ces allégations à propos de bulletins de vote jetés en secret ont été rejetées et jugées sans fondement – un fait souligné par Twitter, qui a inséré une mise en garde sous la publication : « Une partie ou la totalité du contenu partagé dans ce Tweet est contestée et susceptible d’être trompeuse quant au mode de participation à une élection ou à un autre processus civique. »
Les premiers résultats indiquaient une avance de Trump dans plusieurs États clés, mais cette année, il y a eu un nombre sans précédent de votes par correspondance – lesquels tendent à favoriser Biden – en raison de la pandémie de coronavirus.
Avec le décompte des votes par correspondance, Biden a pris les devants dans le Michigan et le Wisconsin, deux États qu’il a finalement gagnés.
Au total, malgré la pandémie, la participation a atteint un niveau record dans l’ère moderne : autour de 66 % des électeurs ont voté, selon le site US Elections Project.
Joe Biden a obtenu plus de 74 millions de voix, contre 70 millions pour Donald Trump, au total dans le pays.
Biden appelle à l’unité
Biden a envoyé un message d’unité aux électeurs mercredi soir, affirmant qu’il allait gouverner en tant que président de l’ensemble des Américains.
« Nous avons fait campagne en tant que démocrates, mais je gouvernerai en tant que président américain », a-t-il affirmé. « La présidence elle-même n’est pas une institution partisane. C’est la seule fonction de cette nation qui représente tout le monde. Elle requiert de s’intéresser au sort de tous les Américains. C’est précisément ce que je vais faire. »
Il a également appelé les Américains à laisser tomber les « discours discordants » et à « faire retomber la pression » afin de conserver une entente nationale malgré leurs différences.
Il est cependant manifeste que la transition du pouvoir n’inspirera pas l’unité.
Donald Trump rejette le résultat de l’élection et a entrepris des recours en justice pour la remettre en question.
« Nous allons rester sur nos positions. Nous allons gagner cette élection. Nous avons en fait déjà gagné. Il s’agit juste de compter les voix équitablement », a déclaré mercredi l’avocat du président, Rudy Giuliani.
Les démocrates ont qualifié cette remise en question des résultats de l’élection d’attaque contre la démocratie américaine.
« Chaque vote doit être compté. Personne ne peut nous voler notre démocratie – pas aujourd’hui, jamais », a assuré Joe Biden dans son discours mercredi.
Qui est Joe Biden ?
Joe Biden, 77 ans, est un vétéran de la politique américaine et fut vice-président sous l’administration de Barack Obama. Il sera le président le plus âgé au jour de son investiture.
Il a été élu pour la première fois au Sénat américain dans le Delaware, État de la côte est, en 1972, après avoir débuté sa carrière politique en tant que membre d’un conseil de comté. Au Sénat, il a siégé et présidé diverses commissions importantes.
Avant d’être élu vice-président, il a dirigé la commission sénatoriale aux affaires étrangères.
Il s’est présenté à l’élection présidentielle sans succès en 1988 et 2008, mais il a renoncé à se représenter en 2016.
En ce qui concerne sa vie privée, Biden a connu de grandes tragédies. En 1972, il a perdu sa femme et sa fille dans un accident de voiture ; et son fils, Beau, est mort d’un cancer en 2015.
Lors de la campagne cette année, il a évoqué sa peine pour exprimer son empathie avec les Américains souffrant des conséquences du coronavirus. Il s’est présenté comme un unificateur cherchant à combler les divisions du pays qui sont passées au premier plan sous Trump.
Belliqueux en matière de politique étrangère et centriste sur les questions nationales, Biden est représentatif de la vieille garde du Parti démocrate.
Il a remporté l’investiture du parti contre un mouvement progressiste naissant rassemblé sous l’égide du sénateur Bernie Sanders.
Biden avait perdu les trois premières primaires avant de remporter la Caroline du Sud et d’être adoubé par quasiment tous ceux qui souhaitaient la défaite de Sanders.
Biden et le Moyen-Orient
Le président élu est un farouche partisan d’Israël. Il s’est maintes fois décrit lui-même comme un sioniste.
Lors de cette année électorale, il a rejeté les appels des progressistes au conditionnement de l’aide militaire américaine à Israël, s’engageant à continuer de verser l’aide annuelle de 3,8 milliards de dollars, indépendamment de ce que pourrait faire le gouvernement israélien.
Toutefois, il a condamné les projets d’Israël visant à annexer de larges pans de Cisjordanie, et dans un projet aux communautés arabo-américaines publié plus tôt cette année, il s’est engagé à « œuvrer pour assurer que les Palestiniens et les Israéliens bénéficient de mesures égalitaires en matière de liberté, de sécurité, de prospérité et de démocratie ».
Si Joe Biden connaît depuis longtemps Israël, pays qu’il a visité pour la première fois en 1973, et avait soutenu en 2015 vouloir respecter la « promesse sacrée de protéger le foyer d’origine des juifs », il y reste pour l’heure peu populaire. Selon deux récents sondages, 63 % des Israéliens préfèrent Donald Trump à Joe Biden (17-18 %).
Des élus israéliens craignent l’émergence d’une nouvelle génération, jugée moins favorable, sinon hostile, à Israël au sein du parti démocrate, et un adoucissement sous Joe Biden de la politique américaine face à l’Iran, ennemi juré d’Israël.
En outre, l’ancien vice-président s’est engagé à réintégrer l’accord sur le nucléaire iranien si Téhéran accepte de s’y conformer à nouveau pleinement.
Ce pacte multilatéral, qui a été rompu par Trump en 2018, prévoyait que l’Iran réduise son programme nucléaire en échange de la levée des sanctions contre son économie.
Main tendue aux Arabes et aux musulmans
L’équipe de campagne de Biden a tendu la main de manière sans précédent aux communautés américaines arabes et musulmanes lors de la campagne.
Il a publié un programme américano-musulman et un programme distinct pour les Arabes américains, promettant entre autres choses d’accroître les ressources dédiées aux petites entreprises et d’abroger le « Muslim ban », l’interdiction d’entrer dans le territoire américain pour les ressortissants de certains pays musulmans prononcée par Trump dès son entrée en fonction.
Les électeurs arabes et musulmans semblent avoir récompensé ces efforts, se présentant en masse pour voter pour le duo démocrate dans les États clés, notamment dans le Michigan.
Les porte-paroles de la communauté ont plaidé pour élire Biden afin de battre Trump puis demander des comptes au nouveau président.
À Dearborn (Michigan), une banlieue de Détroit connue comme la capitale de l’Amérique arabe, la participation à l’élection a été plus importante qu’à l’accoutumée et les électeurs ont très largement préféré Biden. L’ancien vice-président a obtenu environ 30 000 voix dans la ville, contre seulement 13 000 pour Trump.
Hussein Dabajeh, consultant politique à Dearborn, explique à Middle East Eye que la communauté était décidée à mettre fin à la présidence de Trump.
« La communauté s’est rassemblée et s’est dit : vous savez quoi, Biden n’est peut-être pas le candidat parfait, mais nous devons virer Trump. »
Cet activisme ne cessera pas avec l’élection de Joe Biden, prévient Dabajeh, qui affirme que les Américains arabes s’assureront que le nouveau président tiendra les promesses qu’il leur a faites.
« Notre communauté a mûri et nous savons désormais qu’il ne s’agit plus de prendre des photos avec ces élus, même si c’est le président. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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