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Béji Caïd Essebsi : l'incarnation du président Bourguiba ?

Béji Caïd Essebsi a remporté le premier tour des élections présidentielles avec 39,5 % des voix grâce notamment au soutien de personnalités de l'ancien régime
Le président tunisien Habib Bourguiba, lors d’un message transmis à la radio, en 1957 (AFP)

A l'approche du second tour des élections présidentielles en Tunisie, le candidat favori, Béji Caïd Essebsi, mise fortement sur ses relations avec le premier président tunisien, Habib Bourguiba, pour s'assurer la victoire.

Au niveau international, M. Essebsi est perçu comme le meneur d'un mouvement anti-islamiste contre le parti Ennahdha. Cependant, au niveau national, Béji Caïd Essebsi s'est davantage fait connaître pour son admiration envers l'ex-président que pour son opposition aux partis politiques religieux.

A 88 ans, Béji Caïd Essebsi est un vétéran de la politique ayant occupé de nombreux postes haut placés au sein du gouvernement autocratique du président Habib Bourguiba, élu suite à l'indépendance de la Tunisie.

Dès 1965, Béji Caïd Essebsi est nommé ministre de l'Intérieur sous la présidence d’Habib Bourguiba, poste qu'il a occupé durant plus de quatre ans avant d'être chargé du ministère de la Défense en 1969. Béji Caïd Essebsi occupa ensuite le poste très prisé d'ambassadeur de la Tunisie à Paris.

En 1980, il est rappelé par le président Bourguiba pour occuper le poste de ministre délégué auprès du Premier ministre alors en poste, Mohamed Mzali. En 1981, il devient ministre des Affaires étrangères, fonction qu'il occupera pendant plus de cinq ans, presque jusqu'au terme du règne d'Habib Bourguiba.

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Outre ses fonctions ministérielles, Béji Caïd Essebsi est également l'auteur du livre Habib Bourguiba : le bon grain et l'ivraie, un compte-rendu personnel des années Bourguiba dans lequel il explique pourquoi il est convaincu qu'Habib Bourguiba a largement contribué à façonner la Tunisie moderne.

Béji Caïd Essebsi a également exercé trois mandats en tant que député de la circonscription de Tunis sous la présidence d'Habib Bourguiba et du président déchu Zine El-Abidine Ben Ali. C’est sous Ben Ali, en 1990, qu’il sera élu président de la Chambre des députés.

Loin de minimiser son rôle au sein du régime prérévolutionnaire, Béji Caïd Essebsi a pris soin de se présenter comme le successeur du président Bourguiba. Le 2 novembre, il a ainsi choisi de lancer sa campagne présidentielle depuis le mausolée de Bourguiba à Monastir.

Certains considèrent que l'argumentaire en faveur d'un retour à la stabilité d'autrefois est particulièrement attractif. « Béji sera comme Habib Bourguiba, il rendra sa fierté à la Tunisie », a déclaré M. Riahi, en charge du transit chez Tunisair.

« Malgré son âge, il a l'esprit combatif et est un véritable meneur. Il est un véritable homme d'Etat qui sait comment faire avancer les choses », ajoute-t-il.

L’héritage d'Habib Bourguiba est néanmoins mitigé. Bien qu'on lui attribue les progrès réalisés dans les domaines de l'éducation et des droits des femmes, son règne était aussi résolument autoritaire, laissant peu de place à la dissidence et aux prises de décisions démocratiques. Lors des trois élections présidentielles organisées sous la présidence d'Habib Bourguiba (en 1964, 1969 et 1974), le président a obtenu 100 % des voix.

L'utilisation par Béji Caïd Essebsi de l'héritage d'Habib Bourguiba a également fait l'objet de critiques de la part des partisans de ce dernier, certains faisant remarquer que M. Essebsi n'avait pas soutenu l'autocrate vieillissant lorsque Zine El-Abidine Ben Ali l'a évincé du pouvoir en 1987.

Cependant, la stratégie de Béji Caïd Essebsi consistant à utiliser ses relations avec Habib Bourguiba semble avoir remporté un franc succès. Il a ainsi remporté le premier tour des élections présidentielles face à Moncef Marzouki avec 39,5 % des voix contre 33,4 % après que d'autres personnalités de l'ancien régime lui ont apporté leur soutien au dernier moment.

Lors des élections législatives d'octobre, le parti de Béji Caïd Essebsi, Nidaa Tounes, avait obtenu 38 % des voix, soit dix points de plus que ses rivaux du parti Ennahdha.

L'argumentaire de Béji Caïd Essebsi fait également des adeptes à l'étranger. Suite à sa visite des Emirats arabes unis en mai, les dirigeants émiratis on offert deux voitures de luxe blindées à son parti Nidaa Tounes.

Le rival de M. Essebsi, Moncef Marzouki, a tenté de retourner contre lui sa stratégie pro-Bourguiba. Lors d'un meeting organisé à Béja le 12 décembre, Moncef Marzouki a prétendu que la victoire de Béji Caïd Essebsi serait synonyme de « retour à la "case départ" pour le pays et de rétablissement de l'ancien régime ».

« Tous les progrès réalisés en Tunisie depuis la révolution seraient perdus » a déclaré Moncef Marzouki à ses partisans.

De leur côté, les membres de Nidaa Tounes ont critiqué le discours de Moncef Marzouki et ont qualifié ses accusations de fraude lors du premier tour des élections de « menace pour la paix sociale ».

Le parti islamiste Ennahdha a choisi de ne présenter aucun candidat aux élections et a réitéré, lors d'un conseil de la Choura du 13 décembre, sa volonté de demeurer neutre en s'abstenant de soutenir la candidature de Moncef Marzouki.

Cette décision a été loin de faire l'unanimité au sein du parti. Selon le vice-président Abdelfattah Mourou, d'éminents membres, dont l'ex-Premier ministre Hamadi Jebali, s’y sont opposés et ont menacé de scinder la formation politique.

La décision d'Ennahdha est susceptible de tourner à l'avantage de Béji Caïd Essebsi. Cependant, les militants de Nidaa Tounes concèdent officieusement qu'il s'agit de la dernière campagne présidentielle de Béji Caïd Essebsi, qu'il gagne ou qu'il perde.

Reste à déterminer si les Tunisiens seront suffisamment convaincus par sa promesse de retrouver la gloire supposée des années Bourguiba ou s'il deviendra seulement le dernier héritier de l'ivraie destinée à être séparée du bon grain.

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