L'adhésion de la Palestine à la CPI n'inquiète pas l’armée israélienne
L'adhésion de l'Autorité palestinienne (AP) au Statut de Rome le 31 décembre, qui lui permet de devenir membre de la Cour pénale internationale (CPI), n’a pas réussi à n'inquiéter le gouvernement israélien.
Bien que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou ait privé l'AP de 106 millions d'euros de recettes fiscales en janvier dernier, l'empêchant ainsi de payer ses salariés, il semblerait que l'impact potentiel sur Israël de l'adhésion de la Palestine à une instance internationale compétente en matière de crimes de guerre ne suscite que peu d'inquiétudes.
Le négociateur en chef palestinien, Saeb Erekat, a salué la décision de l'AP, déclarant qu’elle permettrait de « garantir la protection et la progression des droits de notre peuple ».
« Les responsabilités doivent être établies, et ceux qui craignent les tribunaux devraient cesser de commettre des crimes », a-t-il ajouté.
L'adhésion de l'Autorité palestinienne, qui prendra effet le 1er avril, devrait théoriquement permettre aux Palestiniens, passé un délai de soixante jours, d'entamer des poursuites judiciaires à l'encontre d'Israël pour des crimes de guerre perpétrés dans les territoires occupés. Cependant, certains experts judiciaires estiment que cela pourrait s'avérer problématique dans la pratique.
Si l'AP traduit effectivement Israël devant la CPI, celle-ci sera également habilitée à enquêter sur les crimes de guerre perpétrés par les Palestiniens. L'inclusion du Hamas au sein du gouvernement d'unité nationale en avril de l'année dernière donne la possibilité de poursuivre le parti pour toute violation des droits de l'homme.
Malgré cela, Benjamin Netanyahou a accusé l'Autorité palestinienne d’attiser l'hostilité à l'égard de son gouvernement avec sa décision d'adhérer à la CPI.
« L'Autorité palestinienne a choisi la confrontation avec Israël, et nous ne resterons pas les bras croisés », a-t-il déclaré lors d'une réunion du cabinet. « Nous ne permettrons pas que les soldats et les commandants des Forces de défense israéliennes soient traînés devant la Cour pénale internationale de la Haye. Ce sont les dirigeants de l'Autorité palestinienne, qui se sont alliés avec les criminels de guerre du Hamas, qui doivent rendre des comptes. »
Or, la seule mesure que l'AP peut prendre est de référer des situations ou incidents particuliers à l'un des procureurs de la Cour en demandant l'ouverture d'une enquête. L'Autorité palestinienne a déjà déposé une déclaration acceptant la « compétence rétroactive » de la Cour à compter du 13 juin 2014, couvrant ainsi l'invasion de Gaza de l'été dernier. Au cours de cette invasion qui a duré cinquante-et-un jours, plus de 2 000 Palestiniens, dont une majorité de civils, ont trouvé la mort et plus de 10 000 ont été blessés.
Le 16 janvier, la CPI a annoncé qu'elle procéderait à un « examen préliminaire » des agissements d'Israël au cours d’une période incluant l'invasion de Gaza.
Cependant, il y a de fortes chances que la Cour n'ait pas compétence sur un certain nombre de crimes israéliens présumés. Ce, en raison du « principe de complémentarité » selon lequel la Cour n'a pas compétence pour des crimes ayant fait l'objet d'enquêtes et de poursuites par un tribunal national.
Israël dispose déjà d'un système judiciaire qui traite les crimes de guerre impliquant des soldats israéliens. Bien que ces tribunaux aient fait l'objet de critiques de la part d'organismes internationaux de défense des droits de l'homme, qui les soupçonnent d’adopter une approche plus indulgente, il n'en demeure pas moins que ces cas resteront sous la juridiction d'Israël et non d’une cour pénale internationale.
Le major-général Dan Efrony, le plus haut expert judiciaire de l’armée israélienne, a déclaré jeudi ne pas être inquiété par le projet de l'AP de traduire Israël en justice, notamment en ce qui concerne les agissements de l'armée à Gaza l'année dernière.
Il a indiqué aux journalistes que l'armée avait déjà ouvert quinze enquêtes criminelles avec les témoignages de dix-sept Palestiniens de Gaza. Il est convaincu que ces enquêtes permettront d’éviter toute enquête parallèle de la CPI.
Dan Efrony insiste sur le fait que l'ouverture de ces enquêtes n’a pas été provoquée par l'adhésion de l'Autorité palestinienne à la Cour de la Haye.
« Lorsque nous décidons d'ouvrir une enquête criminelle, c'est une vraie investigation criminelle. Il ne s'agit pas uniquement de contrer la CPI. Jamais », a-t-il déclaré.
« Nos priorités ne sont pas fixées par la CPI », a-t-il ajouté. « Nous examinons et enquêtons sur les cas qui le justifient. Nous sommes un Etat doté de la volonté et de la capacité d'enquêter et d'inculper toute personne qui commet des actes répréhensibles. »
L'un de ces cas porte sur le bombardement d'une plage ayant entraîné la mort de quatre enfants le 16 juillet 2014. Un autre concerne le pilonnage d'une école de l'ONU au cours duquel au moins quinze Palestiniens ont été tués le 24 juillet.
Dix enquêtes ont été ouvertes pour des actes criminels manifestes. Les autres découlent de l'examen « d'incidents exceptionnels » par les équipes chargées de l'évaluation et de l'établissement des faits (FFA).
Pour le moment, aucune inculpation n'a eu lieu.
Selon Dan Efrony, si les résultats des investigations du FFA font état de « soupçons raisonnables quant à la perpétration de crimes ou de violations sévères du droit des conflits armés, une enquête criminelle sera alors ouverte ».
Faisant référence à l'incident du 1er août, qualifié de « vendredi noir », au cours duquel des combattants palestiniens auraient capturé un soldat israélien, il affirme que la décision d'ouvrir une enquête criminelle ou non est une question d'interprétation.
L'armée israélienne avait alors riposté en bombardant Rafah, au sud de Gaza, entraînant la mort de 114 personnes en une seule journée. Certaines rumeurs laissent supposer que l'armée aurait eu recours à la très controversée procédure Hannibal, qui l'autorise à protéger tout soldat capturé « même si cela implique de faire souffrir ou blesser nos soldats ».
Le ministre de la Défense israélien, Moshe Ya'alon, s'est fermement opposé le mois dernier à l'ouverture d'une enquête criminelle sur les événements du « vendredi noir », mais Dan Efrony, chargé de l'examen de l'affaire, a balayé d’un revers de main le désaccord du ministre.
« Je n'ai pas l'impression d'être soumis à une quelconque pression », a-t-il déclaré.
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