Le Hamas peine à restaurer ses liens avec l’Iran
L’éruption de la guerre civile en Syrie il y a près de quatre ans a provoqué une rupture entre le Hamas et l’Iran, lorsque le mouvement palestinien a soutenu le soulèvement contre le règne du Président Bachar al-Assad, un proche allié de Téhéran.
En 2012, le leader exilé du Hamas, Khaled Mechaal, a abandonné la ville qui l’accueillait, Damas, et transféré sa base au Qatar.
Suite à des rapports indiquant que l’aile militaire du Hamas aidait les rebelles sunnites luttant contre le gouvernement syrien, le soutien financier de l’Iran chiite a commencé à diminuer. En dépit de son soutien politique au soulèvement, le Hamas nie avoir pris part au conflit manu militari.
Désormais que le Hamas est dans une mauvaise passe après la guerre destructive d’Israël contre la bande de Gaza l’été dernier, ses membres se sont mis à faire de l’œil à l’Iran et ses alliés, cherchant à retourner dans l’axe qui unit Téhéran, Damas et le Hezbollah, le puissant mouvement chiite libanais.
« En matière de logistique et d’entraînement, a déclaré à l’AFP un porte-parole du Hamas, Ahmad Yusef, l’Iran a fait plus que tout autre pays pour soutenir la résistance [palestinienne]. »
« L’Iran nous a toujours aidés. »
Cependant, le chemin vers la réconciliation est semé d’embuches et restaurer entièrement les relations prendra du temps, selon les experts.
« La réconciliation entre le Hamas et l’Iran est en cours mais progresse très, très lentement, et de nombreux obstacles font que ce ne sera pas un fait accompli dans un avenir proche », observe Adnan Abu Amer, professeur de science politique à l’université Ummah de Gaza.
La « dispute » entre les Iraniens et Mechaal
Les analystes expliquent que le plus grand obstacle est la position du Hamas sur Assad.
En pariant sur sa chute, le Hamas a pris ses distances de ses appuis de longue date que sont Téhéran, Damas et le Hezbollah, en faveur d’un rapprochement avec le Qatar, la Turquie et d’autres soutiens sunnites aux rebelles anti-Assad.
« Les Iraniens ont toujours une dispute en cours avec Mechaal, parce qu’ils considèrent que c’est lui qui a décidé de quitter la Syrie pour l’axe Qatar-Turquie-Golfe », précise Abu Amer.
« Ils semblent exiger une condition sine qua non... que Mechaal déclare publiquement son soutien au régime d’Assad », ce que le groupe refuse de faire, a-t-il poursuivi.
Depuis des mois, le Hamas clame qu’une rencontre doit avoir lieu entre Mechaal et les dirigeants iraniens mais celle-ci ne s’est pas matérialisée – un signe clair que des problèmes subsistent, selon Nathan Thrall de l’International Crisis Group.
Une visite de Mechaal à Téhéran « serait le signal qu’un véritable changement est en train de se produire, mais nous n’y sommes pas encore », a-t-il indiqué à l’AFP.
« Même dans le meilleur des cas... il est peu probable que les relations reviennent à ce qu’elles étaient auparavant. »
Le Hamas semble avoir eu plus de succès dans ses tentative de réparer les liens avec l’allié libanais de l’Iran, le Hezbollah.
Un site web du Hezbollah a publié en janvier ce qu’il a présenté comme une lettre du chef militaire du Hamas, Mohammed Deif, appelant les forces hostiles à Israël à « s’unir ».
Pour Yezid Sayigh, expert au Carnegie Middle East Center de Beyrouth, les efforts déployés par le Hamas pour reconstruite la relation avec l’Iran et le Hezbollah ne sont encore qu’à une phase initiale.
« On s’attend du Hamas plus que ce qu’il peut offrir actuellement, y compris qu’il inverse sa position concernant Bachar al-Assad. »
L’offensive militaire israélienne contre Gaza en juillet et août derniers, qui a duré cinquante jours, a laissé la plupart de la bande côtière en ruine.
Hamas protège ses arrières
L’Egypte voisine, depuis le coup d’Etat de juillet 2013 qui a renversé le Président élu Mohamed Morsi, a détruit des centaines de tunnels de contrebande de part et d’autre de la frontière. Ceux-ci représentaient des lignes de ravitaillement essentielles permettant d’importer matériaux, provisions et fonds dans l’enclave palestinienne.
La réconciliation avec l’Iran pourrait signifier que « la bande de Gaza recevrait de l’argent de Téhéran, à un moment où elle est touchée par une crise financière », indique Abu Amer.
« L’Iran a aussi la possibilité et les moyens d’acheminer des armes au Hamas à travers la mer Rouge, le Soudan et le Sinaï notamment. »
Les perspectives de réconciliation sont obscurcies par les efforts déployés par les puissances mondiales et l’Iran en vue de conclure un accord sur le programme nucléaire de Téhéran.
« L’incertitude est immense quant à l’orientation que prendra la politique iranienne si un accord avec les Etats-Unis est conclu, et cette incertitude est ressentie par le Hamas », explique Nathan Thrall.
Un accord sur le nucléaire pourrait soit enhardir l’Iran, qui deviendrait « plus agressif » et pourrait armer et financer des groupes comme le Hamas, soit aboutir à une alliance tacite avec les Etats-Unis, a-t-il ajouté.
Dans un Proche-Orient où font rage de nombreux combats par procuration – opposant souvent des alliés de l’Iran à des groupes sunnites – le Hamas pourrait chercher à couvrir ses arrières, analyse Abu Amer, suggérant que le groupe était optimiste quant à un rapprochement avec Riyad, Doha et Ankara.
Soutenir Assad « causerait une perte de popularité pour le Hamas parmi les Arabes et les Palestiniens », poursuit-il.
« Il se pourrait que le Hamas ne soit pas si pressé de se réconcilier avec l’Iran s’il redoute de perdre le soutien de l’axe du Golfe. »
Légende photo : le leader exilé du Hamas, Khaled Mechaal, dans la capitale du Qatar, Doha, le 21 septembre 2014 (AFP).
Traduction de l'anglais (original).
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