La jeunesse iranienne partagée entre foi et rébellion
ZANJAN, Iran – Des jeunes hommes épuisés sortent par centaines du bâtiment bondé. Quelques minutes plus tôt, ils criaient et frappaient frénétiquement leurs poitrines nues, apparemment oublieux de la chaleur digne d’un sauna, mais affichent maintenant un calme surprenant pour leur âge.
L’événement de ce soir : un concert d’Hossein Einyfard, un célèbre chanteur religieux originaire de Zanjan. Dans un style vocal quelque part entre la parole et le chant, les couplets rythmiques d’Einyfard retentissent à travers un système d’amplificateur de son, mis en valeur par des stroboscopes et un synthétiseur qui créent une atmosphère semblable à celle d’une boîte de nuit.
La quasi-totalité des personnes présentes sont des adolescents ou des jeunes d’une vingtaine d’années. Pour certains, ce genre de manifestation religieuse n’est qu’un prétexte pour rencontrer des amis dans une société où les rassemblements publics sont strictement contrôlés et où même des concerts ou des événements sportifs qui ont été officiellement autorisés peuvent être annulés sans explication.
Certains organisent des fêtes privées, mais même là, la police de la moralité pourrait débarquer et y mettre un terme, ce que peu de familles respectables osent risquer.
Pourtant, des artistes tels qu’Einyfard, et beaucoup d’autres comme lui, ne sont pas seulement tolérés mais soutenus, bien qu’une grande partie de leurs textes puisse être considérée comme extrême et contraire à la version officielle de la foi chiite de la République islamique et alors même que d’autres sectes dissidentes ont été persécutées.
Ils disposent de sites web où leurs fans peuvent télécharger leurs chansons préférées. Leurs concerts, qui ont lieu loin des mosquées pour éviter d’enfreindre les codes moraux et religieux officiels, ne rencontrent aucun obstacle et certains bénéficient même de l’appui financier de l’État.
Attirer la jeunesse
Pour de nombreux Iraniens, cela s’explique par leur capacité à attirer la jeunesse et mobiliser leurs fans au nom de la religion. Depuis la révolution de 1979, les dirigeants de la République islamique se sont sentis menacés par les étrangers, et avoir une jeune structure de fidèles fanatiques à disposition s’est souvent avéré utile pour les dirigeants du pays.
Au milieu de l’agitation qui a suivi élection présidentielle de 2009 en Iran, ils ont joué un rôle clé dans la répression des manifestations. Même avant l’élection, les chanteurs religieux ont fait de manière directe et indirecte l’éloge de Mahmoud Ahmadinejad, le candidat sortant, le décrivant comme un homme du peuple qui pourrait protéger les pauvres contre les injustices du capitalisme.
Bizarrement, cependant, certains de ces artistes bénéficient désormais du soutien des étrangers, traditionnellement considérés comme hostiles à Téhéran. De nombreuses chaînes de télévision par satellite chiites, pour la plupart basées au Royaume-Uni, sont maintenant reçues par les foyers iraniens. D’autres ont toutefois été interdites et dénoncées par les autorités.
Pour les puissances occidentales comme le Royaume-Uni et les États-Unis, héberger ces chaînes, souvent considérées comme fanatiques, même en Iran, permettrait simplement de donner la parole aux opposants aux mollahs de Téhéran et de Qom, dans l’espoir qu’ils pourraient se révéler plus efficaces contre l’ordre établi du pays que le soi-disant « mouvement vert » qui a été en grande partie étouffé après les élections législatives en 2010.
Toutefois, une visite au centre commercial Mahestan de Téhéran, près de la place Enghlab de Zanjan, pourrait faire réfléchir à deux fois les stratèges occidentaux.
Mahestan est l’endroit où l’on peut trouver tous les éléments nécessaires à la tenue de tels rassemblements : DVD, costumes et bannières. D’énormes écrans suspendus au plafond diffusent des vidéos de divers chanteurs religieux (Arzi, Taheri, Helali, Zaker, Hadadian et Karimi) criant, pleurant et se frappant la tête et la poitrine de leurs mains devant un jeune public animé.
Il est indéniable que ces panégyristes sont souvent rebelles.
En 2012, le célèbre chanteur religieux Haj Saïd Haddadian a publiquement humilié le chef de cabinet d’Ahmadinejad, Rahim Mashaei, dans un enregistrement divulgué où il le qualifiait de « pénis d’Ahmadinejad ».
Karimi, un autre chanteur religieux éminent, aurait ouvert le feu sur un conducteur après avoir été impliqué dans un accident de la route.
Alors que la nouvelle génération iranienne de chanteurs religieux pourrait être considérée comme un rempart contre le système actuel, selon les experts, ils pourraient aussi devenir des « gangs », une frange de la société qui rejette totalement le gouvernement de la même façon que les talibans en Afghanistan.
Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.
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