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Un réfugié syrien raconte les atrocités subies par les homosexuels lors d’une réunion historique de l’ONU

Subhi Nahas, un réfugié syrien, a alerté le Conseil de sécurité sur la persécution dont font l’objet les homosexuels, mais une réponse efficace est peu probable dans un avenir proche
Subhi Nahas a témoigné lundi de son expérience en tant qu’homosexuel en Syrie devant le Conseil de sécurité, New York (MEE/James Reinl)

NEW YORK – Dès que la guerre civile en Syrie a débuté en 2011, Subhi Nahas, un jeune homosexuel originaire d’Idleb, a senti venir le danger.

Un jour, des troupes gouvernementales l’ont maltraité, le traitant de « tapette, de pédé, et d’autres grossièretés », a-t-il raconté. Puis quand le Front al-Nosra, la branche syrienne d’al-Qaïda, a pris le contrôle de la ville et torturé un « homme efféminé », promettant de débarrasser la ville de la « sodomie », il a craint pour sa vie.

« J’étais terrifié. Je ne suis plus sorti de chez moi pendant des mois. Parfois, je fermais la porte à clé pour dormir. Je ne me sentais plus du tout en sécurité », a-t-il expliqué à Middle East Eye.

« Je pouvais quand même tout entendre : les coups de feu, les annonces faites depuis les mosquées. C’était vraiment effrayant car en fonction de la façon dont vous parlez, dont vous marchez, vous pouviez être tué. Ils ont arrêté au moins trois personnes parce qu’elles étaient LGBT [lesbiennes, gays, bisexuels et trans]. 

« L’une d’entre elles aurait pu dire que je faisais moi aussi partie de leur groupe. »

Quelques mois plus tard, il a réussi à fuir et à se rendre dans un refuge pour LGBT au Liban. Il a rejoint les États-Unis il y a trois mois, obtenu l’asile et vit désormais à San Francisco, où il travaille pour l’Organisation pour le refuge, l’asile et la migration.

Lundi, cet élégant jeune homme de 28 ans est entré dans l’Histoire en racontant son expérience au Conseil de sécurité des Nations unies lors de la toute première réunion de l’institution consacrée aux droits des LGBT. Au centre des discussions : les victimes homosexuelles du groupe État islamique (EI) en Irak et en Syrie.

À l’issue de la réunion, l’envoyée des États-Unis à l’ONU, Samantha Power, a indiqué que des images « choquantes, déchirantes » d’homosexuels ayant été victimes de l’EI avaient été montrées aux diplomates.

« Nous avons commencé à insérer cette question dans l’ADN de l’ONU mais jusqu’à ce jour, le sujet n’avait pas été abordé par le Conseil de sécurité ; la réunion d’aujourd’hui représente donc un pas en avant, petit mais historique », a-t-elle déclaré aux journalistes.

Elle a toutefois reconnu que le Tchad et l’Angola, deux membres du Conseil de sécurité, n’avaient pas participé aux discussions. Elle a en outre prévenu qu’une rencontre à New York qui ne serait pas suivie de mesures concrètes ne dissuaderait probablement pas le groupe EI et son leader fanatique, Abou Bakr al-Baghdadi.

« Je ne pense pas que quiconque croie qu’il soit possible de convaincre al-Baghdadi d’être moins haineux et violent envers les personnes LGBT, les femmes, les filles ou les minorités religieuses – lui et ses miliciens doivent être vaincus », a soutenu Samantha Power, en référence à la campagne militaire contre l’EI actuellement menée par la coalition dirigée par les États-Unis.

L’EI, un groupe sunnite extrémiste qui impose des règles religieuses centenaires à travers de vastes pans de l’Irak et de la Syrie, est connu pour ses pratiques barbares – notamment l’esclavage, la crucifixion et la décapitation – à l’encontre de groupes religieux rivaux et de soi-disant hérétiques.

Le groupe s’en prend également aux homosexuels. Dans une note, les États-Unis et le Chili, co-organisateurs de la rencontre, ont indiqué que l’EI « avait ciblé une communauté particulière en toute impunité et sans véritablement attirer l’attention internationale : les personnes LGBT et celles perçues comme telles ».

En décembre, l’EI a publié des images sur Internet montrant des miliciens du groupe jeter un homme depuis un toit puis le lapidant à mort en raison de son orientation sexuelle. Deux hommes auraient également été tués par lapidation en Syrie le mois précédent après avoir déclaré leur homosexualité.

Samantha Power a ajouté qu’il était difficile de connaître avec précision l’ampleur des attaques commises contre les homosexuels au milieu du tourbillon de violence qui ravage la Syrie depuis plus de quatre ans, et l’Irak depuis plus longtemps encore. L’EI a posté sur Internet au moins huit documents visuels faisant état de ce type d’assassinats.

L’EI « alimente » la violence contre les personnes LGBT

Jessica Stern, directrice de la Commission internationale pour les droits des gays et des lesbiennes (IGLHRC), a apporté son expertise durant cette rencontre de type « Arria » – un format onusien utilisé pour des discussions informelles à porte close auxquelles participent habituellement des victimes et des experts extérieurs à l’institution.

Selon elle, l’EI a revendiqué l’exécution d’au moins 30 homosexuels. « L’EI fait la promotion de ces exécutions pour donner l’impression qu’elles sont très nombreuses ; nous savons que la peur de l’EI a véritablement inspiré et alimenté les violences infligées contre les personnes LGBT par des milices ou des individus isolés ».

Jessica Stern a remercié la Jordanie, la seule nation arabe membre du Conseil de sécurité, pour avoir critiqué les attaques de l’EI contre les homosexuels dans le contexte d’un environnement social et législatif hostile envers l’homosexualité à travers une grande partie du Moyen-Orient.

« La déclaration faite aujourd’hui par la Jordanie au Conseil de sécurité est une première dans l’histoire de l’ONU, c’est la première fois qu’un membre du groupe arabe dit quelque chose d’explicitement positif au sujet des violations des droits des LGBT », a indiqué Stern à MEE.

L’IGLHRC a préparé une liste des atrocités perpétrées par l’EI contre les homosexuels. Parmi elles, un incident survenu plus tôt ce mois-ci, au cours duquel trois jeunes hommes de Hama, en Syrie, ont été exécutés en public d’une balle dans la tête, les yeux bandés, après avoir été reconnus coupables par un tribunal de l’EI.

Ils auraient été « punis » pour avoir « commis les actes du peuple de Loth [sodomie], propagé la corruption sur Terre et essayé de changer la nature innée des musulmans », selon des informations recueillies par l’Observatoire syrien des droits de l’homme, basé à Londres.

Un rapport datant du mois précédent en provenance de Falloujah, en Irak, indique par ailleurs que quatre hommes, eux aussi accusés d’avoir commis « les actes du peuple de Loth », sont morts après avoir été poussés du quatrième étage d’un immeuble, les yeux bandés.

Selon la base de données sur les atrocités du groupe, la défenestration apparaît comme un « châtiment » imposé communément par l’EI aux homosexuels. Ceux qui ne meurent pas lors de l’impact sont parfois achevés à coups de pierre, d’après l’IGLHRC.

Pas limité à l’EI

Des groupes de défense des droits de l’homme ont acclamé cette première réunion du Conseil de sécurité des Nations unies sur les questions LGBT, la voyant comme une étape importante dans le cadre des efforts déployés à l’échelle internationale pour protéger les droits des homosexuels et d’autres groupes – même si la participation à la réunion n’était pas obligatoire.

Le Tchad et l’Angola n’ont pas dépêché de représentants. La Chine, la Russie, le Nigeria et la Malaisie y ont participé mais n’ont pas pris la parole.

Alors que les États-Unis et d’autres pays, pour la plupart occidentaux, ont légalisé les mariages entre personnes du même sexe et adopté d’autres mesures favorables aux LGBT au cours de ces dernières années, la Russie et plusieurs pays africains ou autres ont adopté des lois qui criminalisent et cherchent à dissuader l’homosexualité.

En 2013, la Russie a introduit des lois interdisant la « propagande homosexuelle ». Le Nigeria et l’Ouganda, dont les responsables appellent également à faire prévaloir les « valeurs traditionnelles », ont aussi voté des lois contre les pratiques homosexuelles ou contre les démonstrations d’affection entre personnes du même sexe en public. 

« Ce n’est pas un problème limité à l’EI », a déclaré Samantha Power.

« L’EI a fait des abus à l’encontre des personnes LGBT une pratique commune, semble-t-il, mais ceci est le cas dans d’autres pays, bien loin des zones dominées par l’EI. Il y a des États qui criminalisent le statut des LGBT et des sociétés qui sont aussi inaccueillantes à leur égard qu’elles ne l’étaient il y a 20 ou 30 ans. »

Traduction de l’anglais (original). 

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