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Washington ouvert à un dialogue avec la Russie sur la Syrie

Selon les analystes, le soutien de la Russie à Assad, combiné à l’afflux de milliers de réfugiés syriens, peut pousser l’Europe à adopter une nouvelle approche en Syrie
Un avion russe sur le tarmac de l’aéroport international de Bassel al-Assad dans la ville côtière de Lattaquié, contrôlée par le gouvernement, le 12 septembre 2015 (AFP/HO/SANA)

La Maison-Blanche a déclaré jeudi qu’elle était ouverte à des discussions limitées avec Moscou après le déploiement controversé de troupes et d’armes lourdes russes en Syrie.

Le porte-parole de la Maison-Blanche Josh Earnest a déclaré que le gouvernement du président Barack Obama était prêt à entamer « des discussions tactiques et pratiques » sur les opérations en Syrie et la lutte contre le groupe extrémiste État islamique (EI).

Cette décision montre une volonté de collaborer avec la Russie après des mois passés à ignorer Vladimir Poutine en raison de ses actions en Ukraine et en Syrie.

La Russie a récemment proposé de tenir des pourparlers militaires avec Washington après le déploiement secret de troupes, d’unités d’artillerie et de chars russes en Syrie.

De nombreux responsables occidentaux pensent que ces ressources seront utilisées pour soutenir le président Bachar al-Assad, en dépit des affirmations russes selon lesquelles elles visent uniquement à lutter contre les militants du groupe EI.

« Il est difficile de discerner exactement quelle est leur priorité absolue », a déclaré Earnest.

Poutine a fourni un soutien vital à Assad au cours du soulèvement populaire contre son régime et depuis que le conflit s’est transformé en une guerre civile brutale qui a tué 240 000 personnes et fait des millions de déplacés.

Moscou a aussi cherché à dépeindre l’armée d’Assad comme un rempart contre le groupe EI.

Washington et les États européens considèrent Assad comme un paria qui a fait sombrer la Syrie dans le chaos et permis au groupe EI de prospérer.

Toutefois, puisque les efforts occidentaux pour lutter contre le groupe EI pataugent et que l’opposition syrienne modérée perd du terrain face aux groupes radicaux, la Maison-Blanche espère peut-être enrôler la Russie dans sa lutte.

Il est difficile de savoir si les discussions russo-américaines sur la Syrie seront menées par des militaires ou des civils, et à quel niveau.

« Discussions pratiques avec les Russes »

Le dialogue militaire entre la Russie et les États-Unis est pratiquement suspendu depuis 2014, suite à l’annexion de la région ukrainienne de Crimée par Moscou.

Le soutien de la Russie pour les rebelles de l’Est en Ukraine a abouti à des sanctions qui ont affaibli l’économie russe.

Selon les diplomates occidentaux, Poutine pourrait chercher à sortir de son isolement en exploitant la volonté de l’Occident de mettre fin au conflit sanglant en Syrie qui a entraîné un afflux considérable de réfugiés vers l’Europe.

Le président russe devrait utiliser son discours à l’Assemblée générale des Nations unies à la fin du mois pour encourager une solution diplomatique qui permette à la Russie de conserver son seul vecteur d’influence au Moyen-Orient.

La Maison-Blanche a jusqu’ici rejeté les suggestions d’une rencontre entre Obama et Poutine en marge de la réunion.

Au lieu de cela, le gouvernement a déclaré qu’il recourrait à des négociations à un niveau inférieur pour exhorter la Russie à concentrer ses actions en Syrie sur la lutte contre le groupe EI.

« Nous avons dit clairement que les actions militaires russes en Syrie, si elles visent à soutenir le régime d’Assad, seraient déstabilisatrices et contre-productives », a déclaré Earnest.

« Cela dit, nous avons toujours indiqué que nous accueillerions toute contribution constructive de la part des Russes à la coalition contre le groupe EI », a-t-il ajouté.

« Voilà pourquoi nous restons ouverts à des discussions tactiques et pratiques avec les Russes afin de faire avancer les objectifs de la coalition contre le groupe EI et d’assurer la sécurité de ses opérations. »

Envoyé de l’ONU pour la Syrie

Pendant ce temps, l’Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie Staffan de Mistura a discuté jeudi de ses propositions de paix avec le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem à Damas.

La réunion a eu lieu alors que des hélicoptères du gouvernement attaquaient une ville tenue par les rebelles près de Deraa avec des bombes barils, tuant au moins 21 civils, dont des femmes et des enfants.

« Nous allons poursuivre les réunions », a déclaré le porte-parole de l’ONU pour la Syrie après leurs entretiens, refusant de donner davantage de précisions.

Selon l’agence de presse SANA, de Mistura et Mouallem ont abordé les questions du gouvernement syrien relatives au plan de paix de 60 pages proposé par l’envoyé onusien.

L’initiative, qui doit débuter ce mois-ci, mettrait en place quatre groupes de travail pour aborder les questions juridiques et politiques, la sécurité, la lutte contre le terrorisme et la reconstruction.

Toutefois, de Mistura a déclaré que le travail des groupes servirait de « brainstorming et ne serait pas contraignant », selon ses services.

Le gouvernement syrien refuserait que les conclusions des groupes de travail soient obligatoires, selon un diplomate à Damas.

Pour sa part, Mouallem a déclaré que la « lutte contre le terrorisme en Syrie est la priorité » et « la voie vers une solution politique ».

« Lutter contre le terrorisme exige d’abord la fin du conflit »

Staffan de Mistura a également rencontré un responsable de l’opposition intérieure, Hassan Abdel Azim, qui s’est dit prêt à participer au plan de l’envoyé.

« Mais la lutte contre le terrorisme exige d’abord la fin du conflit entre le régime et l’opposition », a déclaré Abdel-Azim.

Le journal al-Watan, proche du gouvernement, a rapporté que Damas et Moscou étaient « sur la même longueur d’onde en ce qui concerne la solution à la crise », mais que l’ONU avait d’autres priorités.

Les dirigeants syriens et russes « ont signalé qu’il n’y a pas de solution politique sans vaincre le terrorisme. C’est le seul moyen de mettre un terme à la guerre en Syrie », pouvait-on lire dans l’article d’al-Watan.

Or selon le journal, le plan de de Mistura « est aligné avec les positions soutenues par la ‘’coalition de l’opposition’’, les États-Unis, la Turquie et l’Arabie saoudite, qui veulent une solution politique avant la lutte contre le terrorisme. »

Dans une interview à la télévision d’État syrienne, Mouallem a annoncé que la Russie était prête à aider la Syrie à « combattre le terrorisme », mais a nié l’implication de Moscou dans les « affaires intérieures de la Syrie ».

Le secrétaire d’État américain John Kerry a déclaré mercredi que Moscou avait proposé l’ouverture d’un « dialogue entre militaires » pour s’assurer que les forces russes n’entrent pas en conflit avec la coalition menée par les États-Unis qui combat le groupe EI.

La Russie aurait déplacé des unités d’artillerie et des chars vers un aéroport du fief côtier d’Assad, dans la province de Lattaquié, ainsi que des dizaines de soldats et des logements temporaires pour des centaines d’autres.

La « stabilité à tout prix »

Selon les analystes, le soutien indéfectible de la Russie à Assad combiné à l’arrivée de milliers de demandeurs d’asile syriens peut pousser l’Europe à adopter une nouvelle approche à l’égard du gouvernement syrien.

« En effet, depuis le début de la crise des migrants, nous entendons des voix européennes plaidant pour une coopération plus étroite avec Assad et Poutine », a déclaré Karim Bitar, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

« De toute évidence, le discours de la ‘’stabilité à tout prix’’ gagne rapidement du terrain. »

Jeudi, les frappes aériennes gouvernementales sur Raqqa, la capitale de facto du groupe EI en Syrie, ont tué 18 personnes, des combattants et des civils, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme.

Mardi, les tirs de roquettes rebelles dans les quartiers d’Alep tenus par le gouvernement ont tué au moins 38 personnes, dont 14 enfants. Les raids aériens de l’État sur la ville d’Alep ces derniers jours ont également fait 53 victimes, dont 13 enfants, selon l’observateur.

Le commissaire européen à l’aide humanitaire, Christos Stylianides, a publié une déclaration jeudi « condamnant fermement » les attaques contre des zones civiles.

Les bombes barils larguées par les hélicoptères du gouvernement jeudi ont tué 21 civils, dont deux enfants et quatre femmes, dans la ville méridionale de Bosra près de Deraa.

Les groupes rebelles ont pris totalement le contrôle de Bosra, une ville dont les habitants sont sunnites et chiites, en mars.

Ce fut un revers majeur pour les forces fidèles à Assad dans la province où les premières manifestations contre son régime avaient eu lieu en mars 2011. Depuis, plus de 240 000 personnes ont été tuées et des millions d’autres ont été contraintes de fuir.
 

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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