L’Arabie saoudite doit repenser la sécurité du Hadj après la pire bousculade depuis des années
Jeudi, la bousculade près de La Mecque qui a tué plus de 700 pèlerins et en a blessé plus de 800 autres n’est pas une tragédie isolée, mais s’inscrit dans un schéma de dévastation et de mort qui est devenu une partie attendue du pèlerinage annuel des musulmans.
La tristesse et le chagrin suite à l’annonce de cet incident seront inévitablement accompagnés de vagues de colère dirigées contre les autorités saoudiennes, qui sont chargées de superviser le pèlerinage et d’assurer la sécurité de ceux qui y prennent part.
J’ai fait le Hajj à trois reprises et à chaque fois, au milieu de l’excitation et de l’effervescence spirituelle qui résultent de la participation à ce rite essentiel que tous les musulmans sont tenus d’effectuer au moins une fois dans leur vie, vient la consigne nerveuse d’être prudent, en particulier pendant l’Aïd lorsque la foule est la plus nombreuse.
La veille de l’Aïd (appelé jour d’Arafat) est un jour de repentance et de supplication. Les pèlerins escaladent le mont Arafat, priant pour le pardon de leurs fautes. Quand ils descendent de la montagne, ce doit être avec la conviction profonde qu’ils ont été lavés de tous leurs péchés.
Le lendemain, il y a l’Aïd, célébrée partout dans le monde par tous les musulmans. Pour ceux qui font le Hadj, cette journée est passée à Mina, pour y effectuer le dernier des grands rites du Hadj, à savoir la « lapidation du diable », connue sous le nom de Jamarat.
Le Jamarat consiste en partie à reproduire ce que le prophète Abraham (Ibrahim en arabe) aurait fait quand il a lui-même fait le Hadj il y a des milliers d’années. Selon la tradition, Satan est apparu à Abraham alors qu’il était à Mina, l’ange Gabriel lui a conseillé de lui jeter des pierres et finalement le diable s’est retiré. Les pèlerins recueillent donc des petits cailloux la veille en préparation de cette partie du rituel du Hadj.
C’est sur le site de la lapidation, et sur le pont qui y mène, que se produisent la plupart des accidents majeurs pendant le Hadj. Avec près de deux millions de pèlerins essayant tous d’accéder au même endroit, au même moment, les rangs de la foule sont toujours serrés et cela constitue l’une des parties les plus risquées et difficiles de toute cette expérience. La foule se compose d’hommes, de femmes, d’enfants, de personnes âgées et de personnes handicapées, tous serrés les uns contre les autres. À cause de cette concentration de gens en un seul endroit, les incidents dans lesquels des vagues de pèlerins écrasent et étouffent des gens sont bien trop fréquents.
Chaque fois que j’ai effectué le Hadj, on m’a prévenue de ce rite particulier. Les femmes sont souvent invitées à laisser les hommes aller devant et faire la lapidation en leur nom et à ne pas prendre elles-mêmes de risques.
C’est un conseil que beaucoup de gens, moi y compris, ignorent souvent, souhaitant désespérément prendre activement part à chaque aspect du pèlerinage et soucieux de ne pas manquer un seul instant de cet événement spécial. Cependant, la foule impressionnante peut devenir frénétique, en faisant la journée la plus meurtrière du Hadj.
À qui revient la faute de cette nouvelle tragédie ? Des bousculades mortelles se sont produites en 1990 (plus de 1 400 morts), en 1998 (plus de 180 personnes avaient été piétinées à Mina), en 2001 et en 2004. On ne sait pas encore ce qui a causé cette dernière bousculade, mais après chaque incident fatal, l’Arabie saoudite fait l’objet de pressions croissantes en ce qui concerne la sécurisation des installations pour les pèlerins.
Une des pires bousculades de ces dernières années a eu lieu en 2006, lorsqu’au moins 345 pèlerins ont été tués et environ 1 000 autres blessés à Mina.
Après la bousculade de 2006, les autorités saoudiennes ont pris des mesures et ont détruit le pont de Jamarat qui mène au site de la lapidation pour y bâtir à la place un pont beaucoup plus large, lequel a été construit sur plusieurs niveaux. Elles ont également remplacé les colonnes sur lesquelles les pèlerins jettent traditionnellement des pierres avec des piliers beaucoup plus grand et ressemblant à des murs. Les gens avaient ainsi une surface beaucoup plus grande pour viser et pouvaient s’écarter les uns des autres.
Cependant, il est évident qu’il reste encore beaucoup à faire et il incombe au gouvernement saoudien de trouver ce qui peut être fait. Que ce soit un contrôle plus strict de la foule, en limitant le nombre de pèlerins sur le site à chaque instant, ou une sécurité accrue ou d’autres mesures, quelque chose doit être fait si on ne veut pas que des événements de ce genre se reproduisent encore et encore.
Bien que ce pèlerinage soit spirituellement impressionnant et change la vie des participants, il ne fait aucun doute que le Hadj est un cauchemar logistique pour les autorités et l’Arabie saoudite s’en sort très bien dans l’ensemble. Elle accueille près de 2 millions de pèlerins et environ 160 000 tentes sont dressées à Mina pour accueillir les masses. Il ne fait aucun doute non plus que les installations se sont améliorées au fil des ans et que la sécurité est à un niveau record, mais pour que cette mortalité massive cesse d’être un phénomène régulier, l’Arabie saoudite doit en faire plus. Le Hadj est censé être un temps de prière et de spiritualité et ne doit pas être associé à des morts aussi inutiles.
Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.
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