L’attentat en Jordanie suggère une brèche dans la célèbre sécurité du pays
AMMAN – L’attaque de ce lundi contre un centre de renseignements jordanien, qui a fait cinq morts, suggère une érosion continue de la sécurité dans un pays qui se vante d’être l’un des plus stables du Moyen-Orient.
Dans un communiqué, les représentants du gouvernement ont annoncé que le bureau des renseignements généraux dans le camp de Baqaa a été attaqué par des « terroristes » à 7 heures lundi matin. L’incident a eu lieu à environ 200 mètres du camp de réfugiés palestiniens de Baqaa dans la périphérie nord d’Amman.
Selon les personnes vivant à proximité, deux voitures de type berline ont avancé jusqu’à la porte du bureau des renseignements et trois hommes sont entrés à pied dans le bâtiment, en ouvrant le feu sur le personnel endormi à l’intérieur.
Les médias locaux ont identifié les victimes comme étant le sergent Loay al-Zyoud, le caporal Hani al-Qaaideh, le caporal Omar al-Hiyari, le soldat de première classe Ahmad al-Harahsheh et le soldat Mahmoud al-Awamleh.
Les rapports initiaux ont indiqué que deux personnes avaient été arrêtées. Un troisième suspect a été interpellé aujourd’hui. Au moment de la publication de cet article, personne n’a encore revendiqué la responsabilité de l’attaque.
Pour le porte-parole du gouvernement Mohammad al-Momani, le moment de l’attaque (le premier jour du mois sacré du Ramadan pour les musulmans) constitue « une preuve manifeste du comportement criminel et de l’extrémisme de ces terroristes ».
Momani a ajouté que « les premiers indices font penser à un acte isolé ».
Cela prouve également une nette détérioration de la sécurité en Jordanie alors que le pays se bat contre un ensemble complexe de défis – par exemple, forte dette nationale, chômage et système éducatif en difficulté – qui sont de moins en moins gérables.
Les attaques récentes, en dépit des mesures de sécurité existantes et de plus en plus renforcées, suggèrent que ce tableau offre des opportunités à certains groupes.
Cette attaque intervient trois mois après le pire incident terroriste connu par la Jordanie en plus de dix ans : un échange de feu de onze heures entre les forces de sécurité et les agents du groupe État islamique (EI), qui a tué un officier et sept militants.
Le raid des forces de sécurité en mars à Irbid, une ville près de la frontière jordano-syrienne, a été décrit par le gouvernement comme une mesure préventive : la suppression d’une cellule qui, selon des sources de sécurité, s’était terrée dans un camp voisin de réfugiés palestiniens avant de pouvoir mettre en œuvre ses propres plans.
L’attaque de lundi à Baqaa était différente : planifiée et exécutée apparemment sans détection préalable, elle pointe les faiblesses des formidables infrastructures de sécurité de la Jordanie – non seulement cela peut se produire sans que les services de sécurité le sachent, mais cela peut aussi se produire à leur porte.
Le fait que les deux incidents se soient produits dans ou à proximité des camps palestiniens est également significatif. Environ la moitié de la population jordanienne est d’origine palestinienne, et le pays accueille dix camps urbains. 119 000 Palestiniens vivent à Baqaa, l’un des six « camps d’urgence » mis en place par l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) en 1968 pour accueillir l’afflux, alors temporaire, de réfugiés palestiniens en Jordanie.
Près de 50 ans plus tard, le camp de Baqaa est un bidonville urbain : selon la fondation de recherche norvégienne FAFO, 32 % de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté. Selon les chiffres des Nations unies, il possède le deuxième taux le plus élevé de chômage parmi les camps palestiniens en Jordanie.
Le camp d’Irbid, bien que plus petit, se place aussi mal selon les indicateurs de revenu, d’emploi et de santé publique. Les habitants de ces lieux les plus périphériques de Jordanie sont sérieusement privés de leurs droits.
Dans un pays où la grande majorité – 95 % – de la population est musulmane sunnite, les conflits sectaires sont plus difficiles à provoquer. D’autres divisions sont toutefois plus apparentes, telles que le fossé entre une partie de la population palestinienne du pays, qui vit encore dans des camps et ne peut accéder à tous les types d’emploi, et les Jordaniens originaires de la rive orientale du Jourdain, qui emplissent les rangs des forces armées et des services de renseignements et de sécurité du pays.
Les réactions des passants à l’attaque de lundi ont mis en évidence cette faille.
« Les gens qui travaillent avec les renseignements sont nos fils, frères et amis. Ils ne sont pas des étrangers », a déclaré Saleh al-Zoubi, un Jordanien qui vit près du bâtiment des renseignements.
« Ceci est un attentat terroriste, criminel et lâche, et aucun Arabe ou aucun homme ne l’accepte, surtout en ce mois sacré du Ramadan. Nous travaillons tous pour les trouver, ce n’est pas seulement le travail des forces de sécurité », a-t-il ajouté.
Son voisin, Mohammad Alodwan (36 ans), a pris l’attaque sur les services de sécurité de son pays comme une attaque personnelle.
« Nous sommes tous prêts à être des martyrs sous la direction de notre gouvernement hachémite. Ce qui est arrivé ne changera pas cela », a-t-il affirmé à MEE.
Toutefois, à 200 mètres de là, à l’entrée de Baqaa, un groupe d’adolescents palestiniens a un point de vue différent. Tous pensent que les assaillants viennent du camp, de chez eux.
L’un deux a haussé les épaules lorsque MEE les a interrogés sur l’assaillant qui avait d’abord échappé aux autorités : « Il est probablement dans le camp maintenant », a-t-il répondu.
Photo : les funérailles d’Omar al-Hayari, un des cinq agents des services de renseignement jordaniens tués dans l’attaque de ce lundi (AFP).
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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