Arrêtée et maltraitée, une journaliste saoudienne fuit son pays
Reem Sulaiman, ancienne chroniqueuse du journal Al-Makkah wa al-wiam, qui traitait des questions sociales et notamment du statut de la femme, raconte avoir reçu un appel de « quelqu’un se présentant comme un adjoint de Saoud al-Qahtani » lui intimant l’ordre d’arrêter d’écrire sinon « le moins qu’elle puisse subir serait la prison ».
Saoud al-Qahtani, récemment licencié de son poste de conseiller suite à l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, est un proche du prince héritier Mohammed ben Salmane.
« J’étais pétrifiée, choquée, j’avais peur de ce qui pouvait m’arriver, je ne pouvais qu’obéir. Je suis restée dans cette situation pendant une semaine puis des hommes armés sont venus m’arrêter à mon domicile », raconte Reem Sulaiman, qui vit aujourd’hui exilée aux Pays-Bas, sur son fil Tweeter.
Le suicide comme échappatoire
La journaliste a été emmenée quelque part à Riad, « et là ont commencé les interrogatoires, les humiliations, les insultes et la torture psychologiques durant deux jours », témoigne-t-elle encore.
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« Dans ce lieu où j’étais emprisonnée, j’avais devant les yeux les images des militantes arrêtées qui étaient menacées et harcelées, qu’on fouettait, qu’on électrocutait. J’ai commencé à penser au suicide ».
Que lui voulaient ses inquisiteurs ? « Ils me posaient des questions sur mes articles et mes tweets, tout en m’insultant », raconte-t-elle. Ils lui posaient aussi des questions sur ses prétendues relations avec des militantes « dissidentes », sur des journalistes, des hommes de religion, etc.
Selon elle, c’est un article publié sur son blog qui a déchaîné la colère des autorités, celui intitulé « l’intellectuel face à la crise entre l’Arabie saoudite et le Qatar ».
Ils lui posaient aussi des questions sur ses prétendues relations avec des militantes « dissidentes », sur des journalistes, des hommes de religion, etc.
Durant son arrestation, Saoud al-Qahtani a appelé la mère de la journaliste pour lui dire que sa fille se trouvait dans un « endroit correct » et exiger de la famille qu’elle qualifie Reem de « fille irréfléchie et irresponsable ».
Elle a été ensuite libérée mais les hommes armés lui ont ordonné de ne pas reprendre son travail de journaliste.
« Ils ne m’ont pas laissé de choix, sauf celui de fuir le pays, pour trouver sécurité et liberté. Je vis aujourd’hui comme réfugiée aux Pays-Bas », écrit la journaliste sur son fil tweeter.
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« Mon cœur est resté dans mon pays, avec ma famille qui risque de subir des représailles, avec les activistes femmes et hommes qui croupissent dans les prisons, sans raison, et qui subissent tortures et harcèlements. C’est terrible de voir son pays transformé en enfer », poursuit-elle, en évoquant aussi le sort de la militante Loujain al-Hathoul.
Torture et agressions sexuelles
Plus d’une dizaine de militantes ont été arrêtées entre mai et juillet 2018, les autorités les accusant de trahison mais aussi d’avoir voulu saper la stabilité du royaume.
Selon des ONG de défense des droits de l’homme, les détenues subissent des tortures, notamment des chocs électriques, des coups de fouet et des agressions sexuelles. Au point de ne plus pouvoir ni marcher, ni tenir debout.
Depuis la publication de ces tweets, les 30 et le 31 décembre, la journaliste exilée dit avoir reçu beaucoup de menaces via les réseaux sociaux.
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