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Après une année terrible pour le Moyen-Orient, un vent de changement souffle aux États-Unis

Alors que Trump a détruit le statu quo sur la Palestine en exauçant tous les désirs d’Israël, certains nouveaux membres du Congrès semblent prêts à bousculer la politique au Moyen-Orient

2018 fut une année terrible pour le Moyen-Orient, entre plusieurs mois de massacres à Gaza, des tensions entre le Hezbollah et Israël à sa frontière nord, le siège du Qatar mené par ses voisins sunnites, les 85 000 enfants morts de faim au Yémen et une alliance sunnite qui montre les dents contre l’Iran.  

Si Bachar al-Assad semble avoir assuré son pouvoir en Syrie, sa victoire a placé l’Iran et le Hezbollah sur une pente ascendante. Cela a par conséquent agacé Israël et donné lieu à des centaines d’assauts aériens et à des assassinats menés par Israël contre ses ennemis à l’intérieur du pays.

Le président américain Donald Trump a claironné son « accord du siècle » sans le dévoiler. Il a fermé le robinet de l’aide américaine à la Palestine et des contributions américaines à l’UNRWA, l’organisme des Nations unies qui soutient l’aide humanitaire palestinienne.

Il a mis un terme à la mission diplomatique palestinienne à Washington et transféré l’ambassade des États-Unis de Tel Aviv à Jérusalem, ce qui a déclenché des troubles importantes en Palestine et dans le monde musulman. En réponse, les Palestiniens ont déclaré les États-Unis persona non grata et mis fin aux pourparlers de paix.

Quand deux éléphants se battent

On ne sait pas comment la situation pourrait encore empirer, mais elle ne s’améliorera certainement pas en 2019. Nous pourrions voir l’accord du siècle être enfin dévoilé, mais les Palestiniens l’ont déjà rejeté, le jugeant mort-né. Même les Israéliens, que l’accord favorise, n’y ont pas apporté un soutien abondant.

Les États-Unis poursuivront leur régime de sanctions contre l’Iran et continueront de serrer la vis pour des Iraniens qui travaillent dur et qui seront touchés de plein fouet alors que leurs dirigeants et Trump prendront des grands airs. Comme le dit un vieux proverbe africain, « quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre ».

Trois nouveaux membres du Congrès promettent une vague de changements dans la politique traditionnelle américaine vis-à-vis d’Israël

L’assassinat de Jamal Khashoggi, qui, de l’avis général, aurait été ordonné par le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, a amené les Saoudiens à l’un des points les plus bas de l’histoire du régime. En conséquence, la guerre menée par l’Arabie saoudite au Yémen est de plus en plus surveillée. Le Sénat américain a déjà voté en faveur d’une fin du soutien américain à la guerre.

Le nouveau Congrès démocrate sera probablement encore plus sceptique dans son approche, alors que trois de ses nouveaux membres promettent une vague de changements dans la politique traditionnelle américaine vis-à-vis d’Israël.

Comme elle l’avait promis, Rashida Tlaib, la première membre du Congrès américain d’origine palestinienne, était vêtue de la thobe traditionnelle palestinienne de sa mère lors de sa cérémonie d’assermentation. Ilhan Omar est la première Américaine d’origine somalienne en poste au Congrès, tandis qu’Alexandria Ocasio-Cortez est une autre sympathisante déclarée des droits des Palestiniens. 

Toutes trois soutiennent le mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions). Tlaib a choqué le lobby israélien en soutenant publiquement une solution à un seul État. Elle a également promis de contrecarrer les voyages en Israël parrainés par le Comité des affaires publiques américano-israélien (AIPAC) et traditionnellement offerts aux nouveaux parlementaires, en organisant à la place un voyage concurrent en Palestine pour les parlementaires progressistes. Contrairement à autrefois, lorsque le lobby réagissait à une telle défiance par des menaces ou des avertissements, celui-ci est largement resté silencieux.

Un changement radical dans la dynamique du pouvoir

Je ne saurais trop insister sur le caractère révolutionnaire de tout cela dans le contexte de la politique américaine. 

Par le passé, tout parlementaire coupable de murmurer « BDS » ou « Palestine » recevait immédiatement la visite d’un partisan local de l’AIPAC qui lui rappelait de rester dans le rang. Ces représentantes sont les premières à avoir osé rejeter le consensus politique de cette manière, marquant ainsi le début d’un changement radical dans la dynamique du pouvoir au Congrès américain.

Par le passé, tout parlementaire coupable de murmurer « BDS » ou « Palestine » recevait immédiatement la visite d’un partisan local de l’AIPAC qui lui rappelait de rester dans le rang

Bien sûr, chaque fois qu’il y a révolution, une contre-révolution s’opère. Le lobby israélien exerce de fortes pressions en faveur d’un projet de loi anti-BDS qui criminaliserait le soutien des entreprises et des particuliers au mouvement BDS. Bien que l’Union américaine pour les libertés civiles et d’autres groupes de défense des droits de l’homme se soient vivement opposés au texte de loi, les sénateurs démocrates alliés au lobby le soutiennent activement depuis plusieurs mois. 

Rashida Tlaib prête serment sur le Coran le 3 janvier (Reuters)

Les choses ne changeront pas du jour au lendemain. Le lobby conserve toujours une emprise à toute épreuve sur la politique vis-à-vis d’Israël. Il n’y a pas d’organisation comme l’AIPAC avec un budget annuel de 100 millions de dollars pour rien. Le pouvoir des donateurs pro-israéliens de financer des campagnes politiques et de se venger de ceux qui sont perçus comme hostiles aux intérêts du lobby reste important. 

Néanmoins, les électeurs se sont montrés disposés à élire des candidats qui rejettent le consensus sur ces questions et d’autres. C’est pourquoi Bernie Sanders a rencontré un tel succès lors des primaires démocrates de 2016. Sa participation probable à la campagne présidentielle de 2020 indique également que les relations avec Israël sont en pleine mutation.

Bien que Sanders n’ait pas proposé de changement radical au sujet de la politique américaine vis-à-vis d’Israël lors de sa précédente campagne, il a affiché une volonté de remettre en question les motivations et les approches politiques du lobby.

La course pour 2020

À bien des égards, 2019 sera une année de transition : les États-Unis vont se préparer pour les élections présidentielles de l’année prochaine. Les candidats démocrates vont parcourir le pays pour recueillir des suffrages en vue des primaires. Le Moyen-Orient ne sera probablement pas une question majeure au cours de la campagne.  

Si un démocrate progressiste venait à remporter la présidence, avec une nouvelle majorité démocrate au Sénat, Israël se retrouverait sur une pente raide

Tout le monde sait néanmoins que quiconque est élu trouvera la question israélo-palestinienne parmi les priorités en matière de politique étrangère. Les candidats seront poussés à exprimer leur point de vue sur ce sujet. 

La plupart donneront la réponse insipide caractéristique des campagnes démocratiques conventionnelles. Toutefois, compte tenu du bouleversement engendré par les élections de mi-mandat en novembre dernier, quelques candidats, tels que Bernie Sanders ou Elizabeth Warren, pourraient surprendre par leur audace.

À LIRE ► Un changement radical transforme l’opinion américaine vis-à-vis d’Israël

La question clé demeure : qui va gagner en 2020 ? Il semble peu probable que ce soit Trump. À ce rythme, il pourrait même faire l’objet d’une procédure de destitution au cours de cette année, même si cela n’est en aucun cas assuré.  

Si un démocrate progressiste venait à remporter la présidence, avec une nouvelle majorité démocrate au Sénat, Israël se retrouverait sur une pente raide. Même si les présidents et les congrès démocrates ont toujours opposé peu de résistance à Israël dans la poursuite de ses intérêts aux États-Unis et à l’étranger, nous sommes à l’orée de changements majeurs.

- Richard Silverstein est l’auteur du blog « Tikum Olam » qui révèle les excès de la politique de sécurité nationale israélienne. Son travail a été publié dans Haaretz, le Forward, le Seattle Times et le Los Angeles Times. Il a contribué au recueil d’essais dédié à la guerre du Liban de 2006, A Time to speak out (Verso), et est l’auteur d’un autre essai, Israel and Palestine: Alternate Perspectives on Statehood (Rowman & Littlefield).

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye

Photo : une boule de feu s’élève dans le ciel de la bande de Gaza lors d’une frappe aérienne israélienne, le 12 novembre 2018 (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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