Comment le socialisme de kibboutz a forgé les valeurs politiques de Bernie Sanders
SHAAR HAAMAKIM, Israël – Bernie Sanders, le socialiste auto-proclamé actuellement candidat à la primaire démocrate pour les élections présidentielles américaines, n’est pas seulement acclamé sur les campus universitaires des États-Unis, il l’est également dans un recoin isolé d’Israël.
Les habitants de Shaar Haamakim, un kibboutz où Sanders aurait travaillé comme bénévole dans les années 1960, parlent avec enthousiasme du sénateur du Vermont. Ses valeurs socialistes reflètent les principes marxistes sur lesquels le kibboutz, situé près d’Haïfa, a été fondé, disent-ils.
Albert Ely, 79 ans, se souvient d’un Bernard ayant fait du bénévolat dans le kibboutz en 1963. Ce serait le candidat à la présidentielle américaine, né à Brooklyn. Pour Ely, le manifeste de Sanders sur l’accès universel aux soins de santé et la lutte contre les richards de Wall Street est inspiré directement du règlement interne du kibboutz.
« Nous prenons soin des faibles. L’ADN du kibboutz est que vous êtes responsables de vos camarades, dans le bonheur ou dans les épreuves », a déclaré Albert Ely à Middle East Eye lors d’une interview réalisée dans le réfectoire du kibboutz.
« Si Sanders peut faire quelque chose, ce sera un grand changement aux États-Unis. »
L’équipe de campagne de Bernie Sanders n’a pas répondu aux emails de MEE. Toutefois en 1990, Sanders, alors candidat aux élections du Congrès, avait déclaré au journal israélien Haaretz qu’il avait été bénévole durant plusieurs mois au cours de sa jeunesse dans la communauté socialiste de Shaar Haamakim.
Dans les années 1960, les bénévoles comme Sanders travaillaient six heures par jour, souvent à la récolte des pommes. Ils dormaient dans des dortoirs communs et assistaient à des conférences sur la politique, le communisme et la création de l’État juif, qui en était encore à ses prémices.
Jack Porter, un chercheur de l’Université d’Harvard qui a été membre d’un autre kibboutz socialiste en Israël dans les années 1960, a indiqué à MEE que les liens avec le dirigeant soviétique Joseph Staline ont donné aux critiques de Sanders une chance supplémentaire de fustiger ses promesses de campagne marquées à gauche.
« Bernie a sans aucun doute appris son socialisme démocratique au kibboutz. La totalité de son programme est basée sur les valeurs du kibboutz. Il veut essentiellement appliquer le principe du ‘’chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins’’ à l’Amérique ».
« Mais il a d’ores et déjà suscité la fureur des critiques de droite, qui voient Shaar Haamakim comme une institution staliniste ou marxiste extrême, même si ses membres ont rejeté Staline, son fascisme et son marxisme extrême il y a bien longtemps. »
Dans l’attente de la fin du mandat d’Obama
Selon Neri Zilber, un analyste du Washington Institute for Near East Policy basé à Tel Aviv, la politique des États-Unis est à la une des quotidiens israéliens dans un pays « qui attend la fin de l’administration du président américain Barack Obama ».
Ils attendent de voir si Obama acceptera d’octroyer à Israël une aide américaine en matière de défense après 2018 et s’il soutiendra les plans français visant à résoudre les tensions israélo-palestiniennes via la tenue de rencontres internationales, a-t-il précisé. Mais surtout, ils observent la bataille de sa succession.
De nombreux Israéliens ont constaté avec inquiétude la dégradation graduelle des relations entre Obama et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou au gré de leurs disputes sur l’accord sur le nucléaire iranien et la construction de colonies israéliennes en territoire palestinien.
Un épisode particulièrement difficile a vu le dirigeant israélien faire fi des conventions diplomatiques en vilipendant l’accord d’Obama sur l’Iran lors d’un discours très médiatisé donné au Congrès en mars 2015.
Albert Ely, comme de nombreux Israéliens, considère le soutien diplomatique et militaire des États-Unis comme vital pour la survie de son pays dans un voisinage hostile. « Nous sommes un petit pays. Si quelque chose se passe, nous pouvons compter sur les États-Unis », a-t-il affirmé à MEE.
Sanders et Netanyahou risquent de ne pas être d’accord
Pour les Israéliens, Bernie Sanders – le premier juif à avoir gagné une primaire américaine – n’est pas nécessairement un commandant en chef idéal pour les États-Unis.
D’après Albert Ely, Sanders agit avec un état d’esprit différent du capitalisme agressif de Netanyahou. « Sanders pense de façon un peu différente », observe-t-il. Les autres candidats, tels que la favorite démocrate Hillary Clinton et la vedette républicaine Donald Trump, s’entendraient mieux avec Netanyahou.
Malgré une victoire initiale au New Hampshire, les estimations annoncent Sanders perdant contre Clinton lors du Super Tuesday, durant lequel vote simultanément le plus grand nombre d’États. Trump conserve son avance sur Ted Cruz, Marco Rubio et ses autres rivaux républicains.
Tout au long de sa longue carrière politique, Hillary Clinton a fait des déclarations qui peuvent être perçues comme soutenant tant les perspectives des Palestiniens que celles des Israéliens juifs. Elle a dénoncé à la fois les colonies israéliennes en Cisjordanie et la propagande dans les manuels scolaires palestiniens.
Clinton est vue comme « une solide amie d’Israël » et de son Premier ministre, a indiqué Zilber. Elle est un « élément connu » qui offre une certaine stabilité aux Israéliens et une plus grande volonté qu’Obama ou Sanders d’utiliser la force militaire américaine.
Cruz et Rubio sont tous les deux fortement pro-Israël et dénoncent l’accord iranien tant abhorré par Netanyahou.
« Pour Netanyahu, n’importe lequel de ces hommes est probablement le résultat le plus favorable », a déclaré à MEE Norman Braman, milliardaire du secteur automobile, ancien président de la Fédération juive du Grand Miami et donateur majeur de la campagne de Rubio.
Trump a déclaré que son expérience dans la négociation d’accords immobiliers ferait de lui un parfait président des États-Unis et a promis de renouveler le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens, lequel est, a-t-il admis, « très, très dur ».
Tant les Israéliens que les Palestiniens pourraient manquer de volonté pour parvenir à un accord, qui en dernière instance risque de s’avérer « infaisable », a ajouté Trump.
Selon Neri Zilber, la « politique étrangère bipolaire » de Donald Trump, consistant en une approche à la fois musclée et isolationniste, inquiète les Israéliens, qui observent son ascendance politique « avec amusement et une horreur abjecte, à parts égales ».
« Personne ne sait ce qu’il est susceptible de faire. On ne craint pas qu’un président Trump abandonne Israël. Plutôt, une peur existe concernant ce qui se passe en Amérique et la question de savoir si les États-Unis demeureront la première puissance mondiale et un partenaire fiable », explique Zilber.
Malcolm Hoenlein, vice-président exécutif de la Conférence des présidents des principales organisations juives américaines, assure que les « accrocs » entre Obama et Netanyahou ont été exagérés et que les relations entre Israël et les États-Unis transcendent le Bureau ovale.
« Nous avons eu de nombreuses tensions entre des présidents et Premiers ministres par le passé, ce n’est pas inhabituel », a-t-il affirmé à MEE.
« Les fondamentaux de la relation sont forts en matière de coopération, de valeurs et intérêts communs, et de soutien pour Israël au Congrès et dans l’opinion publique américaine. Cela est bien plus profond que n’importe quelle administration ou individu. »
Traduction de l’anglais (original).
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