Football et drapeaux : pourquoi les supporters du Celtic soutiennent la cause palestinienne
À travers un mur de prison, j’entendis une jeune fille appeler
« Michael, ils t’ont emmené
Pour avoir volé le maïs de Trevelyan
Pour que les jeunes puissent voir le jour
Et maintenant un bateau-prison attend dans la baie » [...]
À travers un mur de prison, j’entendis un jeune homme appeler
Rien n’a d’importance, Mary, quand tu es libre
Contre la famine et la couronne
Je me suis rebellé, mais ils m’ont fait taire
Maintenant, tu dois élever notre enfant dignement.
Ces vers sont tirés d’une chanson entonnée par les supporters du club de football du Celtic Glasgow, intitulée The Fields of Athenry. Écrite dans les années 1970, elle raconte l’histoire d’une famille dépossédée de ses terres et condamnée à mourir de faim en raison de la Grande Famine irlandaise, qui a sévi au milieu du XIXe siècle.
Poussé par la faim, le mari est surpris en train de voler de la nourriture à la personne qui lui a pris ses terres. Il est emprisonné puis transporté en Australie : son épouse se retrouve livrée à elle-même, avec leur enfant.
Les supporters du Celtic font preuve de sympathie à l’égard de la cause palestinienne parce que leur histoire ancestrale est, pour l’essentiel, similaire. Pour comprendre pourquoi les supporters du Celtic clament leur soutien pour la lutte des Palestiniens, il vous faut comprendre d’où viennent beaucoup d’entre eux.
Les supporters du Celtic ont soutenu le mouvement anti-apartheid
La dépossession et la faim provoquées par la famine – qui a fait plus d’un million de morts –, la dévastation des terres et les séquelles psychiques subies par les survivants ont contraint les Irlandais à s’éparpiller dans le monde entier. Beaucoup se sont installés à Glasgow, en Écosse. L’afflux massif dans la ville d’Irlandais pauvres qui s’étaient enfuis en raison de la dépossession de leurs terres, de la pauvreté ou de la nécessité générale, était un fardeau énorme pour les habitants.
Mais Glasgow, à l’époque victorienne, n’était pas tolérante envers ces intrus, qui étaient considérés comme inférieurs sur le plan racial et culturel et, de par leur foi catholique, sur le plan religieux.
Le Celtic Football Club a été fondé en 1887 par le frère Walfrid, un ecclésiastique catholique, pour générer des revenus pour nourrir les immigrés irlandais résidant à Glasgow et atténuer leur pauvreté. Le club est finalement devenu un symbole d’espoir et une source de fierté pour les opprimés.
Les drapeaux palestiniens brandis par les supporters du Celtic lors du barrage de Ligue des Champions contre l’Hapoël Beer-Sheva la semaine dernière ont fait les gros titres dans les journaux et les réseaux sociaux. Pourtant, ce phénomène n’est pas nouveau : les supporters du Celtic agitent des drapeaux palestiniens chaque semaine pendant les matchs. Les supporters affichent leur solidarité avec le peuple de Palestine depuis longtemps, aussi loin que je m’en souvienne : d’abord, c’étaient des badges, puis des keffiehs, et maintenant des drapeaux.
En agitant le drapeau palestinien, les supporters du Celtic ne choisissaient pas un camp entre le Hamas et le Fatah et n’adoptaient aucun de leurs points de vue politiques
Les supporters du Celtic ont également affiché leur solidarité avec les opprimés d’Afrique du Sud sous l’apartheid, le peuple basque en quête d’indépendance vis-à-vis de l’Espagne et, bien sûr, en raison de l’héritage culturel du club, les nationalistes opprimés et persécutés dans le nord de l’Irlande. La majorité de ces conflits ont été résolus à l’amiable : le sort des Palestiniens, en revanche, ne cesse de s’aggraver.
En agitant le drapeau palestinien, les supporters du Celtic ne choisissaient pas un camp entre le Hamas et le Fatah et n’adoptaient aucun de leurs points de vue politiques. Le but était d’afficher une solidarité avec le peuple de Palestine.
De même, lorsque la Green Brigade – un groupe de supporters du Celtic – a récemment dévoilé une banderole indiquant « Bienvenue aux réfugiés – Un club fondé par des immigrés », ils ne défendaient pas un camp du conflit syrien, mais affichaient leur soutien face au sort des réfugiés.
Les supporters ne céderont pas et ne se soumettront pas
La solidarité envers les dépossédés et les opprimés est facile à comprendre et à assimiler pour un supporter du Celtic, ce qui nous transmet une certaine sympathie envers les autres qui souffrent de la même situation.
Ce que les supporters du Celtic ne semblent pas comprendre, c’est que les autres ne comprennent pas. L’UEFA et la plupart des médias ne se rendent pas compte que les supporters du Celtic ne sont pas anti-israéliens et certainement pas antisémites. Je ne connais pas de groupe de supporters plus antipathique à l’égard des fascistes et de l’extrême droite.
En réalité, il n’est pas rare que des supporters du Celtic soient visés par des voyous d’extrême droite lors de déplacements en Europe pour leur point de vue antifasciste/antinazi. L’histoire nous a montré que les supporters du Celtic et les Palestiniens ont peu d’amis dans les médias.
Lorsque le Celtic a tiré l’équipe israélienne de l’Hapoël Beer-Sheva dans le cadre des barrages de Ligue des Champions, tout le monde savait que des drapeaux palestiniens auraient été brandis. Tout le monde savait que l’UEFA allait éluder la vraie raison de la présence des drapeaux et qu’une amende serait infligée au club.
Si le Celtic bat l’Hapoël Beer-Sheva mardi soir et se qualifie pour la phase de groupes de la Ligue des Champions, des drapeaux palestiniens seront encore brandis par les fans du Celtic, quel que soit l’adversaire. Si l’UEFA décide de se montrer plus sévère, comme certains l’ont préconisé, et de fermer une des tribunes du Celtic lors d’un match ultérieur, alors je vous garantis qu’il y aura encore plus de drapeaux palestiniens au prochain match.
Le Celtic Football Club serait alors forcé de défier l’UEFA plutôt que de simplement payer l’amende punitive, parce que le Celtic sait que même si nous, supporters, aimons notre équipe et l’éthique du club, nous sommes tenaces, comme la plupart des Écossais, et nous ne céderons pas, pas plus que nous nous soumettrons, lorsque nous sommes dans notre droit.
Les supporters du Celtic se sont engagés à s’acquitter de toute amende infligée au club par l’UEFA en raison des drapeaux palestiniens, tous les dons recueillis étant reversés à Medical Aid Palestine (MAP) et au Lajee Centre, un centre culturel palestinien pour les enfants situé dans le camp de réfugiés d’Aïda, à Bethléem.
En 24 heures, les supporters du Celtic ont dépassé leur objectif initial de 40 000 livres (environ 47 000 euros) : au moment de l’écriture de cet article, la somme récoltée avoisinait les 110 000 euros.
Agiter un drapeau ? Ce n'est pas un acte négatif
L’argument employé par l’UEFA – selon lequel il n’y a pas de place pour la politique ou l’expression politique dans le football – serait hilarant s’il n’était pas aussi ridicule. En ce moment, le Celtic se trouve à Beer-Sheva, à 30 kilomètres de Gaza, que l’armée israélienne a bombardée cette semaine. Comment peut-on dissocier football et réalité ?
Football et expression politique sont entremêlés depuis que les êtres humains ont commencé à frapper dans un ballon. À travers l’histoire, le seul endroit où les gens pouvaient se rassembler et exprimer une opinion politique sans crainte d’être arrêtés et poursuivis était souvent un stade public.
Les drapeaux palestiniens agités par les supporters du Celtic ne constituent pas un acte négatif. Ils ne sont pas là pour être agités face à l’opposition dans l’objectif de perturber et de gêner les autres. Ils sont là pour rappeler au peuple de Palestine, partout dans le monde, qu’il n’est pas seul et qu’il n’est pas oublié.
- Marc Patrick Conaghan est un consultant politique indépendant qui travaille avec des partis politiques et des candidats politiques à différents niveaux aux États-Unis et au Royaume-Uni. Il est surtout détenteur d’un abonnement pour la saison au Celtic Park. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @marcconaghan
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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