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La guerre contre le terrorisme est arrivée chez nous, et voici pourquoi

Nous vivons un attentat terroriste presque tous les jours. Pas seulement en Irak et en Syrie, mais aussi en France et en Allemagne. Nous ne pouvons pas nous isoler de la guerre sans fin qui sévit au Moyen-Orient

Lorsque les terroristes frappent, l’Occident les bombarde. Après les atrocités de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray ce mois-ci, le président François Hollande a juré de riposter contre l’État islamique. La semaine dernière, près de 100 civils ont été tués par des bombes de la coalition, potentiellement françaises, près de Manbij, dans le nord de la Syrie. C’est ce que veut l’État islamique, et l’Occident lui offre sur un plateau. Plus de femmes et d’enfants innocents perdent la vie.

Au cours d’une semaine où l’attention des médias occidentaux a été accaparée par une série d’attentats en France et en Allemagne, le carnage s’est poursuivi au Moyen-Orient. Des civils, dont de nombreux enfants, ont été tués par des roquettes et des bombes barils dans les régions d’Alep et de Damas contrôlées par les rebelles mais aussi par le gouvernement. L’État islamique a mené des attentats-suicides et des massacres de masse en Irak et à Kaboul. Pendant ce temps, John Kerry et son homologue russe parlent de pourparlers qui ne semblent promettre que plus de bombardements.

Ce cycle de violence est en marche depuis près de quarante ans. Bien avant qu’ils nous attaquent, nous avons financé et armé les militants que nous qualifions désormais de terroristes contre les Russes et d’autres ennemis. En faisant la guerre à travers de larges pans de l’ouest de l’Asie et de l’Afrique du Nord, la guerre devait finir par arriver chez nous. C’est le cas aujourd’hui.

Lorsqu’un coup d’État communiste a renversé le pouvoir à Kaboul en 1978, les Américains ont commencé à fournir des armes de pointe aux conservateurs islamiques d’Afghanistan. Lorsque les Russes ont lancé une invasion pour soutenir leurs alliés un an plus tard, l’aide a été renforcée en faveur de personnes que nous qualifions désormais de terroristes, y compris des groupes de combattants religieux issus des quatre coins du Moyen-Orient.

En Bosnie et au Kosovo, l’Occident a financé et approvisionné ces mêmes personnes que nous appelons aujourd’hui al-Qaïda. En 1993, les terroristes ont tenté de faire exploser le World Trade Center. Ils ont échoué, mais ils n’ont pas abandonné.

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En 1996, plus de 150 témoins ont affirmé au New York Post qu’ils avaient vu un missile être tiré en direction du vol TWA 800 au-dessus du port de New York, tuant 220 passagers et membres de l’équipage. L’enquête qui a suivi a évoqué l’explosion d’un réservoir de carburant, mais beaucoup, dont aujourd’hui le secrétaire d’État Kerry, ont déclaré qu’il s’agissait d’un attentat terroriste. Al-Qaïda avait été approvisionné en missiles surface-air dans le cadre de l’opération américaine secrète en Bosnie et les avait très probablement fait entrer en contrebande aux États-Unis pour abattre l’avion.

Un retour de flamme

Le retour de flamme de l’alliance avec des groupes extrémistes anti-occidentaux avait commencé. Quelques années plus tard, les anciens alliés de l’Occident au sein d’al-Qaïda, aidés par des agents d’un État allié du Moyen-Orient, ont attaqué Manhattan et échappé à toutes les défenses de la superpuissance pour frapper le Pentagone. Les 28 pages classifiées du rapport conjoint du Congrès de 2002, qui décrit l’implication de l’Arabie saoudite, ont finalement été publiées sans fanfare le 15 juillet 2016. Le monde était trop occupé à faire face aux conséquences sans fin du bombardement de pays musulmans dans le Moyen-Orient pour se soucier de cela.

Après le 11 septembre 2001, les États-Unis ont bombardé et envahi l’Afghanistan, où le régime taliban abritait le chef d’al-Qaïda, Oussama ben Laden. (Les talibans voulaient une preuve du rôle joué par ben Laden – le FBI a par la suite reconnu qu’il n’en disposait d’aucune.) Au bout de quatorze années d’occupation, nous sommes partis, et les Afghans ont commencé à fuir par milliers alors que les talibans menaçaient de nouveau leur existence.

En 2003, les États-Unis et leurs alliés ont envahi l’Irak, prétendument dans le but d’arrêter l’approvisionnement des terroristes en armes de destruction massive. Au final, les terroristes sont entrés et ont combattu les Américains, parvenant à les immobiliser. La guerre se poursuit encore aujourd’hui.

En 2011, l’Occident a contribué à renverser Mouammar Kadhafi, déclenchant le chaos et la violence à travers l’Afrique du Nord, mais aussi jusqu’au Nigeria, au Mali et au Tchad. Le conflit a supprimé une force frontalière et stimulé un système de trafic de masse d’êtres humains, à cause duquel des milliers de personnes se noient en Méditerranée.

En Syrie, l’Occident et ses alliés du Golfe ont soutenu les combattants militants qui ont rejoint la révolution contre le président syrien Bachar al-Assad. Ces groupes ont rapidement dominé la bataille contre le régime, éclipsant les rêves démocratiques que nourrissaient au départ les manifestants. Aujourd’hui, la Syrie est un incubateur du terrorisme et l’exporte vers l’Europe.

Pendant ce temps, aux États-Unis, la militarisation qui a commencé avec les attentats du 11 septembre a transformé la police américaine en une force dangereuse qui menace la vie des citoyens noirs, tuant chaque année des centaines de personnes. En 2014, avec le meurtre de Michael Brown à Ferguson, un nouveau mouvement pacifique a éclaté dans les villes américaines, ralliant plusieurs milliers de personnes aux manifestations du mouvement Black Lives Matter sous le slogan « Hands up, don’t shoot » (« Mains en l’air, ne tirez pas »). Les autorités ont répondu avec des chars. Sous le premier président noir des États-Unis, les espoirs de voir quelque chose changer se sont évaporés.

Puis, en juillet 2016, les États-Unis ont vu ce qui arrive lorsque la police se comporte comme une armée d’occupation vis-à-vis des groupes minoritaires. À Bâton-Rouge et à Dallas, les États-Unis ont été témoins de scènes plus familières au Moyen-Orient. Les tireurs qui ont visé des agents de police étaient tous deux des vétérans des guerres américaines. Micah Xavier Johnson, qui a abattu cinq policiers et blessé neuf autres à Dallas le 7 juillet, était un réserviste de l’armée qui avait servi en Afghanistan. Le tireur de Bâton-Rouge, Gavin Long, était un ancien marine décoré qui avait été déployé en Irak entre 2008 et 2009.

Après le massacre de 49 personnes perpétré en juin à Orlando par Omar Mateen, un Afghano-Américain détraqué qui a déclaré son soutien à l’État islamique, les guerres menées dans des pays lointains semblaient arriver chez nous. Comme l’a écrit Nafeez Ahmed, Mateen était un employé de longue date de G4S, la plus grande société de sécurité au monde et l’un des principaux bénéficiaires du complexe industriel sécuritaire qui a connu une croissance exponentielle en raison de la « guerre contre le terrorisme ».

Une guerre sans fin

Fondamentalement, nous vivons aujourd’hui dans un modèle de capitalisme militaro-industriel qui se nourrit de conflits sans fin. Sur le plan politique, les figures politiques néolibérales s’appuient sur l’existence d’ennemis à l’étranger – et chez nous – pour créer des citoyens dociles et craintifs. Si vous ne pouvez pas apporter la sécurité sociale et l’espoir pour l’avenir, la peur représente un très bon substitut. À l’étranger, de vastes profits sont réalisés grâce aux ventes d’armes et à l’influence politique liée sur les régimes des États clients. On se demande combien de ces régimes clients sont désormais la queue qui commande la tête.

Les adversaires de ce modèle d’impérialisme tardif – et il y en a des millions dans le monde entier – ont mis en garde contre le fait que cela pourrait finalement apporter le chaos et la violence, non seulement dans les régions directement touchées, mais aussi en Occident. Nous ne pouvons pas bombarder les terroristes à l’étranger pour les précipiter dans l’oubli et espérer avoir la paix chez nous. Comme le stipule la troisième loi du mouvement de Newton, chaque action provoque une réaction égale et opposée.

Les attentats en France et en Allemagne comportent des aspects uniques : en France, le passé colonial du pays en Afrique du Nord et les tensions raciales existantes, et en Allemagne, l’afflux soudain de réfugiés en provenance de zones de guerre.

Pour les personnalités politiques de droite, c’est un cadeau tombé du ciel. Pourtant, n’allons pas dire que le danger vient seulement de populistes xénophobes tels que Donald Trump et Marine Le Pen et de leur vision binaire de la réalité dans laquelle « nous » nous protégeons contre « eux ». Après tout, ce sont les personnalités politiques traditionnelles – Barack Obama, Hillary Clinton, François Hollande ou encore Tony Blair – qui ont poursuivi une approche militariste de la politique étrangère en dépit de ses effets mortels à long terme. Vladimir Poutine en Russie, Recep Tayyip Erdoğan en Turquie, tout comme Bachar al-Assad en Syrie et Benjamin Netanyahou en Israël, ont également utilisé l’argument de l’opposition binaire entre « nous » et les terroristes pour renforcer leur pouvoir.

Le militarisme high-tech moderne constitue la réponse facile aux puissances hégémoniques depuis au moins la guerre du Golfe de 1991. Toutefois, l’effet de goutte-à-goutte du traumatisme psychologique mais aussi la souffrance et la haine engendrées par ce modèle militariste sont en train de prendre une forme pathologique, alimentée par les chaînes d’information en continu et les médias sociaux, en Occident tout comme dans le monde musulman. La guerre est arrivée chez nous et mieux vaut s’y habituer.

Alors qu’un choix entre Trump, le populiste qui attise la haine, et Clinton, l’impopulaire faucon de guerre, se profile à l’horizon avec les élections américaines, cette période de guerre sans fin, de flux massifs de personnes désespérées et de violence aléatoire pourrait être le prélude de quelque chose d’encore pire.

- Joe Gill a vécu en tant que journaliste à Oman, à Londres, au Venezuela et aux États-Unis et travaillé pour des journaux tels que le Financial Times, Brand Republic, Morning Star et le Caracas Daily Journal. Il a poursuivi des études de maîtrise en politique de l’économie mondiale à la London School of Economics.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : un homme se tient devant des drapeaux français et des messages affichés sur le monument de la place de la République, à Paris, le 26 juillet 2016, après l’assassinat d’un prêtre dans la ville normande de Saint-Étienne-du-Rouvray, dernière attaque en date d’une série d’attentats contre des cibles occidentales revendiqués par l’État islamique ou attribués au groupe (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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