La sécurité raciste de l’aéroport d’Israël humilie régulièrement les femmes arabes. Je le sais
Un recours en justice contre le traitement humiliant des passagères sur les compagnies aériennes israéliennes souligne la nature raciste et sexiste de la sécurité auxquelles sont confrontées les Palestiniennes qui prennent l’avion vers et au départ d’Israël
Plus tôt ce mois-ci, Haaretz a rapporté que trois Palestiniennes, citoyennes d’Israël, avaient attaqué les compagnies aériennes El Al et Arkia en raison du traitement humiliant dont elles avaient fait l’objet avant d’embarquer à Belgrade pour Tel-Aviv.
L’une des plaignantes a raconté à Haaretz qu’elles avaient été mises à l’écart de leur groupe et soumises à des fouilles corporelles intrusives parce que « nous sommes Arabes et aussi parce que nous sommes des femmes ».
La discrimination raciste vis-à-vis des citoyens palestiniens d’Israël a été bien documentée au fil des ans, mais la nature sexospécifique de ce racisme est parfois négligée.
Le genre s’avère être un outil efficace pour violer et humilier les gens et, le plus souvent lors de conflits et de guerres, les femmes en sont les victimes.
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Ce qui est arrivé aux femmes qui poursuivent les compagnies aériennes me rappelle un incident similaire qui m’est arrivé il y a trois ans.
Le mauvais vol
J’avais réservé un vol vers Chypre depuis l’aéroport Ben-Gourion via une compagnie aérienne que je ne connaissais pas. Malheureusement à l’époque, je n’ai pas remarqué ce qui était écrit en petit et qui indiquait que le vol était « opéré par El Al ».
En plus de boycotter cette compagnie aérienne par principe, j’aurais également évité de voler avec elle car il est bien connu qu’elle permet aux services de sécurité israéliens de fonctionner dans des aéroports étrangers sous le couvert de la sécurité de la compagnie aérienne. En effet, Al Jazeera a obtenu des câbles en 2015 qui ont révélé qu’« Israël utilise son porte-drapeaux, El Al Airlines, comme couverture pour ses agences de renseignement ».
Il est bien connu qu’El Al permet aux services de sécurité israéliens de fonctionner dans les aéroports étrangers sous le couvert de la sécurité de la compagnie aérienne
Mais je n’ai réalisé mon erreur qu’à l’aller. Au retour, je suis arrivée au comptoir de l’aéroport de Larnaca et j’ai remis mon passeport pour être immédiatement mise de côté par un gardien de sécurité chypriote qui m’a expliqué que je devais subir un « contrôle de sécurité » par la compagnie aérienne.
L’homme m’a conduite dans un couloir jusqu’à une petite pièce qui, à ma grande surprise, était couverte d’affiches « Bienvenue en Israël » qui représentaient des sites touristiques populaires tels que les plages de la mer Morte, Haïfa et Tel Aviv. C’était un signe brutal et manifeste que je me trouvais maintenant sous juridiction israélienne.
On m’a dit de m’asseoir et on m’a présenté deux agents de sécurité israéliens qui allaient superviser mon contrôle de sécurité personnalisé. Ils ont passé en revue tous les objets de mes bagages, posé de questions sur la provenance de chaque chose et ont suspicieusement désossé mon matériel électronique tandis que j’étais assise à regarder, impuissante. Ils ont ensuite procédé à une « vérification corporelle » qui m’a laissée en sous-vêtements.
Lorsqu’ils ont eu fini, ils ont assigné une femme, agent de sécurité israélienne, pour m’accompagner dans l’aéroport de manière similaire au traitement des femmes à Belgrade. Cet agent m’a même suivi aux toilettes et a attendu à l’extérieur.
Six avec une étoile
La nature inhabituelle de ce harcèlement israélien particulier en matière de sécurité réside dans le fait qu’il a eu lieu sur un sol étranger parce que, lorsque je prends l’avion depuis Ben-Gourion, ce que je fais souvent, cela se produit systématiquement. En tant que citoyenne palestinienne d’Israël, j’ai la chance que mes occupants m’accordent ce passage et cette liberté de mouvement qui est refusée à tant de mes frères et sœurs palestiniens.
L’aéroport gère un système de sécurité dont le racisme et la discrimination sont si manifestes qu’il est devenu l’objet des anecdotes préférées des étrangers
Toutefois, le processus de sortie du pays n’a jamais été facile ni direct. L’aéroport gère un système de sécurité dont le racisme et la discrimination sont si manifestes qu’il est devenu l’objet des anecdotes préférées des étrangers quittant le pays, qui se vantent souvent de la note de sécurité qu’ils reçoivent – comme s’il s’agissait d’une solidarité ultime avec les Palestiniens.
Ce système de sécurité fonctionne de manière très peu sophistiquée. Après avoir posé une série de questions à l’arrivée, le personnel de sécurité vous donnera un code-barres commençant par un numéro allant de un à six. Le un est la note de sécurité la plus basse et est attribuée aux juifs israéliens, et six est la plus élevée, attribué aux Palestiniens, aux autres personnes de couleur et aux ONG ou aux employés de l’ONU.
Une note de quatre et plus signifie que vous serez soumis à un long contrôle de sécurité. Depuis plus de dix ans, on m’attribue un six, et trois fois j’ai obtenu un six avec une étoile, indiquant probablement une certaine forme de « risque » de sécurité supplémentaire.
Le contrôle de sécurité qui suit consiste en un long processus de vérification de chaque article composant vos bagages à main, des prélèvements et une fouille corporelle. Le plus souvent, on m’assigne deux membres de l’équipe de sécurité qui m’interrogent généralement sur mon identité et sur ma famille.
Conçu pour humilier
À maintes reprises, cette routine revêt une nature sexiste conçue pour humilier. Une fois, ils ont trouvé un tampon qui se trouvait au fond de mon sac, l’ont soulevé et, sur un ton accusateur, ont demandé à voix haute : « Qu’est-ce que c’est ? »
Tous les autres agents de sécurité et passagers se sont tournés pour regarder. « C’est un tampon », ai-je expliqué.
« Un quoi ? À quoi ça sert ? », a demandé un des gardes.
« Sérieusement ? C’est utilisé pour les menstruations », ai-je rétorqué.
Après un long silence et un haussement de sourcils, un garde a répondu : « Ok, ok, je comprends bien. »
Après quelques ricanements sur le tampon, ils m’ont ensuite emmenée pour une radiographie complète. Après la radiographie, le même garde de sécurité a appelé un autre membre du personnel.
« Je dois vous poser une question personnelle. Portez-vous un soutien-gorge push up ? »
– Question posée par la sécurité de l’aéroport israélien
« Bonjour, je suis le chef de la sécurité », a déclaré le nouveau membre du personnel. « Je dois vous poser une question personnelle. Portez-vous un soutien-gorge push-up ? »
Une autre fois, après une radiographie complète du corps, ils ont décidé que mon vagin constituait une menace pour la sécurité et ce n’est pas une, mais deux femmes agents de sécurité qui ont été désignées pour contrôler cette région de mon anatomie.
Cette forme d’humiliation sexuelle se produit fréquemment aux points de contrôle routiers. À plusieurs reprises, lorsque l’armée israélienne m’a arrêtée, j’ai été interrogée sur ma situation matrimoniale et il arrive que l’on demande à d’autres soldats de me reluquer.
Ces incidents peuvent sembler mesquins et insignifiants, mais lorsqu’ils surviennent fréquemment dans votre vie et votre routine, il est clair qu’ils sont conçus pour vous soumettre. Souvent, il m’a été suggéré par la sécurité de l’aéroport, que si je n’appréciais pas ce traitement, je devrais voyager via la Jordanie.
Malheureusement, il est peu probable que le recours en justice de ces femmes contre les compagnies aériennes aboutisse. La discrimination raciale et la violence sont intégrées dans le tissu même de l’État d’Israël, et les recours judiciaires de l’intérieur sont peu susceptibles de changer ces structures du pouvoir. Cependant, les actions de ces femmes sont courageuses et donnent l’exemple à d’autres pour contester les aspects sexospécifiques particulièrement humiliants d’un régime colonial.
- Yara Hawari est une militante universitaire britanno-palestinienne dont l’écriture continue d’être façonnée par son engagement envers la décolonisation. Originaire de Galilée, elle a passé sa vie entre la Palestine et le Royaume-Uni. Elle est actuellement candidate à un doctorat au Centre européen d’études sur la Palestine à l’Université d’Exeter. Elle est également membre du think tank Al-Shabaka et écrit pour divers médias, y compris the Electronic Intifada et l’Independent.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : Un agent de sécurité tient un chien tandis qu’ils patrouillent à l’entrée de l’aéroport international Ben-Gurion, près de Tel Aviv, le 21 août 2014 (AFP).
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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