Le soutien du Ghana rapproche Israël du siège convoité à l’Union africaine
Lors d’une récente visite en Israël, la ministre des Affaires étrangères du Ghana a confirmé que son gouvernement aiderait Israël à obtenir le statut d’observateur auprès de l’Union africaine (UA).
Accra devient la dernière nation africaine à soutenir publiquement la demande d’Israël de siéger à cette instance continentale. Le Kenya et l’Éthiopie ont déjà approuvé la candidature d’Israël en qualité de membre observateur, lorsque le vote aura lieu en février.
Les membres observateurs auprès de l’UA ont la possibilité d’accéder à tous les États membres et de s’adresser à eux collectivement. C’est l’occasion de renforcer les liens politiques avec le continent. Voici l’une des raisons pour lesquelles le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a fait pression pour obtenir le statut d’observateur : contrer l’influence de la Palestine auprès de l’UA, qui a toujours adopté une position plutôt pro-palestinienne.
La Palestine a obtenu le statut d’observateur en 2013, comme la Turquie en 2005.
Retour dans la communauté
Selon un communiqué publié le 6 novembre, la ministre ghanéenne des Affaires étrangères, Shirley Ayorkor Botchwey, a donné des « assurances » à Avraham Neguise, président du Likoud (parti de la coalition gouvernementale israélienne) que son pays soutiendrait le « retour d’Israël au sein de la communauté africaine ».
« Au cours des deux dernières années, Israël et certains pays d’Afrique ont travaillé dur pour laisser le passé derrière eux et aller de l’avant avec optimisme en renouvelant leur lien d’amitié », explique le communiqué.
« Beaucoup d’efforts sont déployés pour dépeindre Israël comme une nation bienveillante, craignant Dieu, et soucieuse de l’Afrique. Mais nous savons qu’il n’en est rien »
- Ras Moubarak, député ghanéen
Les responsables israéliens affirment que leur intérêt pour l’Afrique est motivé par leur intérêt mutuel en matière de commerce, de développement et de sécurité. Ces activités ont également caractérisé leur rayonnement dans les pays d’Amérique latine et d’Asie du sud, en particulier en Inde.
La détermination d’Israël à forger de nouvelles amitiés avec les nations africaines dépend toutefois de sa capacité à obtenir de l’ONU un soutien à ses politiques, voire des financements.
Alors que les sympathies africaines ont traditionnellement penché en faveur des Palestiniens, aujourd’hui, de nombreux dirigeants africains sont plus enclins à privilégier leur intérêt personnel, associé à une approche plus pragmatique de la politique étrangère. Cela s’est traduit par des relations de travail avec Israël plus ouvertement publiques, alors qu’elles ont longtemps été beaucoup plus discrètes.
Que représente vraiment le Ghana ?
Le Ghana fut l’un des premiers pays africains à reconnaître le nouvel État d’Israël. L’appui d’un poids lourd africain de l’époque donna le ton à d’autres partenariats sur le continent. « La mission israélienne à Accra aurait une telle influence qu’elle susciterait l’envie de tout le corps diplomatique de la capitale ", commentait le Times of India en 1958.
Le Ghana, comme tant d’autres pays africains, a rompu ses relations diplomatiques avec Israël en 1973 suite à la guerre israélo-arabe, mais ils ont toujours gardé des liens.
Certes, des poches de dissidence subsistent (au Ghana), mais elles ont été en grande partie ébranlées par l’intégration du sentiment pro-israélien ainsi que par la réputation du pays pour ses si précieuses prouesses techniques
Ce n’est qu’en 2011 que le Ghana a renoua des relations diplomatiques pleines et entières avec Israël. En dépit d’une pause de près de quatre décennies, la perception de l’opinion publique à l’égard d’Israël est manifestement positive en raison de l’influence du mouvement chrétiens évangélique dans le pays.
L’abondante utilisation par Israël des chrétiens évangéliques pour répandre la propagande sioniste et israélienne aux États-Unis a également constitué une méthode servant à rallier soutien, sympathie et loyauté envers Israël au Ghana. Certes, des poches de dissidence subsistent (au Ghana), mais elles ont été en grande partie ébranlées par l’intégration du sentiment pro-israélien ainsi que par la réputation du pays pour ses si précieuses prouesses techniques.
Traduction : « De gauche à droite : l’ambassadrice du Ghana en Israël, Hannah Nyarko, la ministre des Affaires étrangères et de l’Intégration régionale Shirley Ayorkor Botchwey et l’ambassadrice d’Israël au Ghana Shani Cooper, sur le plateau du Golan à la frontière israélo-syrienne »
En avril, l’un des rares détracteurs déclarés d’Israël, Ras Moubarak, député d’Accra, s’est vu refuser l’entrée en Israël. Il devait donner une conférence en Cisjordanie occupée, mais fut renvoyé à la frontière jordanienne. Moubarak explique à Middle East Eye que la décision du Ghana de soutenir Israël « va à l’encontre de ce que prône le Ghana ».
« Cette administration [ghanéenne] a voté avec les Palestiniens [à l’ONU], alors je ne sais pas pourquoi le ministère des Affaires étrangères a soutenu Israël pour obtenir son siège d’observateur... J’ai l’intention de soulever cette question au Parlement », promet-il.
« Israël fait beaucoup d’ouvertures. Le président du Parlement, quelques hauts fonctionnaires du gouvernement et des membres du Parlement se sont tous rendus en Israël. Beaucoup d’efforts sont déployés pour dépeindre Israël comme une nation bienveillante, craignant Dieu, et soucieuse de l’Afrique. Mais nous savons qu’il n’en est rien. »
Les relations entre Israël et le Ghana n’ont fait que s’intensifier. En août, Israël a nommé un nouvel ambassadeur à Accra et ouvert un nouveau bureau commercial au sein même de l’ambassade.
Charme offensif
Le Ghana n’est pas le seul pays africain qu’Israël courtise ces derniers temps.
Tel-Aviv a investi dans une offensive de charme tous azimuts sur le continent au cours de la dernière décennie, emboîtant le pas à ses entrepreneurs, qui ont déjà installé de prestigieuses entreprises en Afrique.
Le gouvernement israélien fournit déjà son expertise énergétique, technologique et agricole à toute une série de pays africains. Il a également fourni des armes lors des conflits naissants au Sud-Soudan et au Burundi et apporté son aide en 2014 pour faire face à l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest.
Depuis qu’il est devenu Premier ministre, Benyamin Netanyahou s’est rendu trois fois sur le continent et a qualifié le renouvellement des relations avec les nations africaines d’« objectif stratégique » pour son gouvernement. Ce fut également le premier dirigeant d’un État non membre à s’adresser aux dirigeants lors du sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) au Liberia.
Ici, il a essayé de persuader les dirigeants ouest-africains de voter pour qu’Israël devienne membre observateur de l’UA. « C’est incontestablement dans notre intérêt... Je crois fermement que c’est aussi dans votre intérêt. »
Israël a maintes fois exagéré l’amélioration de ses relations avec le monde arabe (comprendre : Arabie saoudite et Émirats arabes unis) pour convaincre les nations africaines de changer leur approche, au risque, sinon, d’être laissées pour compte.
Netanyahou a également cherché à se lier d’amitié avec des pays à forte population musulmane, afin de diluer leur soutien à la cause palestinienne.
Un pas de plus
En 2016, la République de Guinée, pays à majorité musulmane d’Afrique de l’Ouest, est devenue le dernier pays à renouveler ses relations diplomatiques avec Israël depuis la rupture de ses liens en 1967. En mai, la Tanzanie a ouvert une ambassade à Tel-Aviv. Il y a deux mois, le Rwanda et Israël ont fait savoir qu’ils ouvriraient des ambassades dans chacun des pays.
Le mois dernier, il a été signalé qu’une délégation israélienne s’était rendue au Tchad pour évoquer la possibilité de renouer des liens. Le Tchad et Israël n’ont pas de relations officielles depuis 1973.
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Lorsque les États-Unis ont ouvert leur ambassade à Jérusalem en début d’année, de nombreux alliés des États-Unis ont décidé de ne pas assister à l’inauguration. Mais onze pays africains ont envoyé des représentants, ce qui était impensable il y a seulement dix ans.
Israël convoite un siège d’observateur à l’UA depuis plusieurs années. Et cette question sera sans doute soulevée en février, lorsque les pays membres de l’UA se réuniront dans la capitale éthiopienne, Addis-Abeba.
Bien que le résultat ne soit pas acquis d’avance, obtenir le soutien du Ghana permettra à Israël de faire un pas de plus dans la direction souhaitée.
- Azad Essa est journaliste à New York.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : le président du Ghana, Nana Akufo-Addo, avec le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou (Twitter).
Traduit de l’anglais (original) par Dominique Macabies.
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