N’oublions pas que l’Iran est un État extrémiste
Tandis que le monde ne semble pas se guérir de son exubérance au sujet de l’Iran, notamment à la lumière de l’accord calamiteux sur le nucléaire iranien conclu par le président américain Barack Obama avec les mollahs de Téhéran, il vaut la peine de garder à l’esprit un fait important qui demeure inchangé : l’Iran est un État extrémiste, et un État qui promeut le terrorisme.
De grandes entreprises immorales à travers le monde, particulièrement dans les secteurs gazier et pétrolier, meurent d’impatience d’investir en Iran, surtout après que la compagnie pétrolière Total a accepté d’acheter du brut iranien. Suite à la levée de la plupart des sanctions contre l’Iran, le régime iranien courtise désormais les investissements directs étrangers pour ranimer son économie moribonde. Si les entreprises américaines n’ont toujours pas l’autorisation d’investir en Iran, ce n’est pas le cas des sociétés européennes comme Airbus et Peugeot, ou des économies développées d’Asie comme le Japon et Singapour, qui ont déjà investi des milliards dans le pays.
Le potentiel de l’Iran dans le domaine économique prendrait-il le dessus sur les inquiétudes relatives aux violations des droits de l’homme, au terrorisme et à l’extrémisme ? Pour le moment, il semble que la realpolitik d’un Occident instable et en situation précaire sur le plan économique ait en effet triomphé du besoin de contenir la plus grande menace pour la stabilité régionale, et par extension internationale, à laquelle le monde soit confronté aujourd’hui.
Après tout, qui d’autre que l’Iran (avec l’aide américaine) a introduit le terrorisme à une échelle industrielle dans l’Irak post-2003 ? Qui d’autre que l’Iran a attisé les flammes effrayantes du meurtre et de la guerre sectaires non seulement en Irak mais aussi en Syrie, au Liban, à Bahreïn et au Yémen ? Le fait est, simplement, que le dénommé État islamique (EI) n’aurait tout bonnement jamais existé sans l’Iran. N’oublions pas que l’Iran et al-Qaïda entretiennent des liens depuis les années 1990, et que l’Iran est un État extrémiste.
Le dernier exemple en date d’extrémisme iranien et de l’adhésion du pays au takfirisme – l’idée associée essentiellement à l’EI et al-Qaïda consistant à traiter d’autres musulmans d’apostats afin de justifier leur assassinat – est la déclaration du guide suprême Ali Khamenei selon laquelle la jeunesse iranienne devrait se porter volontaire pour combattre le « kufr », ou l’athéisme, en Syrie. Comme chacun le sait, l’Iran soutient directement le régime baasiste alaouite de Bachar al-Assad en Syrie dans sa campagne d’extermination du peuple syrien. Par conséquent, cet exemple de takfir vise directement l’opposition syrienne anti-Assad de tous bords.
Au cours de la même annonce, Khamenei a déclaré que la porte du martyre « est désormais ouverte en Syrie… où l’islam se bat contre le kufr comme cela a été le cas pendant la guerre Iran-Irak ». Khamenei, suivant les traces malveillantes de son prédécesseur l’ayatollah Khomeini, a déclaré en substance que la totalité de l’armée irakienne, de l’État irakien et tous ceux qui, en Irak, se sont opposés à l’expansionnisme iranien et à l’exportation de son idéologie extrémiste dans les années 1980 étaient des kafir, ou apostats. À nouveau, n’oublions pas que l’Iran est un État extrémiste, qui ne diffère pas des fanatiques terroristes du groupe EI.
Alors pourquoi le monde est-il tellement obsédé par l’EI alors que l’Iran n’est pas bien différent sur le plan idéologique ? En réalité, l’Iran est une menace bien plus grande en raison du fait qu’il s’agit d’un État bien réel disposant de vastes ressources énergétiques, d’une armée, d’un programme de missiles balistiques de longue portée et, très probablement, de l’ambition d’acquérir des armes dévastatrices de destruction massive sous la forme d’armes nucléaires qui viendraient s’ajouter à son arsenal existant d’armes chimiques.
Mais pas seulement. Depuis que l’Iran a réalisé qu’il est bien trop coûteux de s’engager dans une guerre conventionnelle après sa défaite contre l’Irak en 1988, le pays a été l’un des exportateurs principaux de radicalisation et de terrorisme. Il suffit de prendre pour exemples la pléthore de milices et d’escadrons de la mort chiites en Irak, le Hezbollah au Liban, et la multitude de groupes terroristes entraînés, financés et soutenus par l’Iran. Même ceux qui étaient actifs dans le terrorisme dans les années 1970 et au-delà, comme le parti Da’wa au pouvoir en Irak, doivent leur existence et leurs positions à la tête de l’État irakien à l’Iran.
L’Iran est en train d’être réhabilité dans la conscience occidentale simplement parce que certains aimeraient restaurer le rôle qu’il a joué comme gendarme de l’Occident au Moyen-Orient pendant le règne du chah, renversé par Khomeini en 1979. Comme il apparaît clairement de la multitude de lignes rouges d’Obama franchies à plusieurs reprises par Assad, l’Occident est en train de se désengager du Moyen-Orient tout en voulant maintenir une connexion et une force de dissuasion dans la région. En laissant les riches États arabes se faire intimider par l’Iran, l’Occident continuera de bénéficier de ces mêmes États arabes qui se tourneront vers l’Ouest pour les protéger et leur vendre des milliards de dollars d’armes.
Pendant ce temps, les médias font commodément remarquer en bas de page que des groupes directement connectés aux Gardiens de la révolution islamique, ou Pasdaran en farsi, ont récemment augmenté de 600 000 dollars la prime pour la tête de Salman Rushdie, auteur des controversés Versets sataniques. Khomeini a énoncé la première fatwa appelant à la mort de Rushdie en 1989, et il semble que l’Iran, un pays qui a condamné les attentats de Charlie Hebdo, fasse de son mieux pour s’assurer qu’un autre blasphémateur paie le prix ultime. Bien que l’Iran fasse preuve d’un « deux poids, deux mesures » aussi éhonté dans son traitement du blasphème, et bien que l’Occident prétende s’opposer aux tendances extrémistes de l’Iran, nous n’avons toujours pas entendu ne serait-ce qu’un seul homme politique occidental condamner publiquement cette exhortation faite aux fanatiques religieux de prendre la loi entre leurs mains et d’exécuter Rushdie en échange d’une prime considérable et de la promesse du plaisir divin.
Une autre question qui n’a attiré qu’un silence assourdissant est le bilan atroce de l’Iran en matière d’application de la peine de mort. Les Nations unies ont récemment rapporté que l’Iran a exécuté environ 1 000 personnes rien qu’en 2015, dont des enfants et des délinquants mineurs. En outre, l’Iran, tristement célèbre pour le trafic de drogues et la toxicomanie qui y sévissent en raison d’une injuste répartition de la richesse de la nation, aurait aussi selon des rapports fait exécuter tous les hommes et garçons d’un village de la province du Sistan-et-Balouchistan. Si un État exécute toutes les personnes de sexe masculin d’un village pour le même délit, peut-être cela devrait-il indiquer audit État qu’il y a quelque chose de profondément et structurellement défaillant dans sa manière de gouverner, au point qu’un village entier en vienne au crime. Mais pas en Iran, et pas pour la presse et les politiciens qui font de leur mieux pour ramener l’Iran au bercail tout en publiant sans discontinuer des articles sur le bilan de l’Arabie saoudite en matière de peine capitale – un bilan bien maigre en comparaison avec celui de son rival chiite.
Compte tenu du soutien de l’Iran pour certaines des pires organisations terroristes que le monde ait jamais connues, de son soutien fervent pour le régime d’Assad, du fait qu’il encourage ses citoyens à assassiner des écrivains, et de son bilan effarant en matière d’exécutions, il est temps de nous rappeler ce que l’Iran est véritablement : un État extrémiste.
- Tallha Abdulrazaq est chercheur à l’Institut de sécurité et de stratégie de l’Université d’Exeter. Il a été récompensé par le Young Researcher Award de la chaîne Al Jazeera. Vous pouvez consulter son blog à l’adresse thewarjournal.co.uk et le suivre sur Twitter (@thewarjournal).
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : un tank T-72 passe devant un portrait du guide suprême d’Iran Ali Khamenei pendant le défilé de la Journée de l’armé à Téhéran le 18 avril 2015 (AFP).
Traduit de l’anglais (original).
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