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Quand une école française suspend une jeune musulmane pour avoir porté une jupe longue

Après avoir obéi à des règles strictes sur le port du voile en France, les lycéennes musulmanes sont exclues de leur établissement juste pour avoir porté des jupes longues

En mai dernier, le New York Times a consacré un éditorial à l’emploi de la notion de laïcité à des fins d’exclusion, d’humiliation et de domination des citoyens musulmans en France.

Cet article avait été inspiré par une chasse aux sorcières initiée contre des étudiantes musulmanes françaises expulsées ou suspendues de leur établissement scolaire pour avoir porté des jupes jugées trop longues par leurs professeurs ou proviseurs.

Ces incidents ont provoqué un vague d’indignation internationale et ont été ridiculisés dans certains milieux en France, mais cela n’a pas changé la position de la ministre de l’Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, sur la question : elle a apporté son soutien aux autorités scolaires.

Plutôt que des cas isolés, ces règles semblent mettre en exergue une politique officielle de profilage religieux des musulmans qui est soutenue par la ministre de l’Éducation en personne.

Par exemple, il y a environ un an, le rectorat du Loiret, un département du centre-nord de la France, a envoyé une lettre aux directeurs d’établissements scolaires pour leur dire que les parents d’élèves « habillés trop religieusement » devaient être signalés. Cette politique a été secrètement appliquée jusqu’à ce que la note soit divulguée, poussant le rectorat à la retirer sous la pression.

Le fondamentalisme laïc en France est devenu une source majeure de tensions sociales. Utiliser la laïcité comme prétexte met les étudiants musulmans dans une situation particulièrement difficile. Bien que plusieurs dizaines de cas aient été signalés au Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), une ONG de défense des droits des musulmans, et aient fait la une des journaux, rien ne semble décourager ce qui apparaît comme rien de moins qu’une islamophobie cautionnée par l’État.

Après le voile, la jupe

Le CCIF a reçu la semaine dernière une autre plainte d’un parent dont la fille s’est vu refuser l’accès à l’éducation parce qu’elle portait des jupes longues en cours.

Fannie (nom d’emprunt), une adolescente de 16 ans résidant dans les Yvelines, à l’ouest de Paris, s’est convertie à l’islam il y a environ un an. En conformité avec la loi de 2004 l’interdisant d’aller à l’école voilée, Fannie retirait son foulard chaque matin aux portes de son établissement.

Malgré l’humiliation que ceci lui causait chaque matin, Fannie a scrupuleusement obéi à la règle. Cela ne semble toutefois pas avoir suffi à sa proviseure, qui a poussé plus loin l’application de la loi jusqu’à demander à ce qu’elle porte une jupe plus courte.

Le 2 mai, la proviseure a signalé à l’étudiante qu’elle ne pourrait plus accéder au lycée tant qu’elle continuerait à porter des robes ou des jupes longues. Sans prévenir ses parents, la proviseure a demandé à Fannie de quitter les lieux.

La mère a essayé en vain de parler à la chef d’établissement, mais cette dernière n’a pas répondu à ses appels. Puis, le 3 mai, le lycée a confirmé que Fannie était exclue parce que ses vêtements étaient jugés « trop longs ».

La mère de Fannie, qui est catholique, est tout à fait consciente de l’injustice religieuse que l’on fait subir à sa fille. Elle a décidé de tout faire pour protéger le droit de sa fille de s’habiller comme elle le souhaite.

En réponse, la proviseure du lycée a exprimé son « choc » face au soutien de la mère pour le choix de sa fille.

L’équipe légale du CCIF travaille actuellement sur ce cas, qui est malheureusement loin d’être isolé. Un autre lycée, à Montpellier, a appliqué le même genre de discrimination religieuse et de harcèlement des mineures musulmanes en raison de leur tenue vestimentaire.

Suite à l’intervention du CCIF sur cette affaire, la proviseure du lycée a de fait mis en danger la vie de la jeune étudiante en référant son cas au préfet, l’accusant à tort de se préparer à partir pour la Syrie.

Une discrimination religieuse endémique dans les établissements scolaires

En France, ces cas ont outragé ceux qui voient cela comme du racisme déguisé sous la notion de laïcité et sponsorisé par l’État. Au printemps dernier, une campagne a été lancée avec le hashtag #JePorteMaJupeCommeJeVeux.

Au moment de la rédaction de cet article, trois nouveaux cas ont été signalés au CCIF. Dans l’un d’entre eux, les services sociaux sont entrés directement dans l’établissement scolaire pour parler avec une élève sans même prévenir ses parents.

Ceci s’est produit alors que les étudiants revenaient juste de vacances et à quelques semaines des examens de fin d’année. Si l’on voulait les perturber et accroître leurs chances d’échouer à leurs examens, on n’aurait pas pu trouver un meilleur moment.

Laboratoire d’islamophobie

L’islamophobie se déchaîne en France et semble viser la présence même des musulmans. Récemment, le Premier ministre français Manuel Valls a répété qu’il continuerait de combattre le voile musulman et l’interdirait également dans les universités. Fin mars, la ministre des Droits des femmes est même allée jusqu’à déclarer que les musulmanes portant le voile étaient comme les « n*** américains qui étaient pour l’esclavage ».

Cette déclaration a provoqué un recours en justice collectif de près de 400 plaignants.

La France compte la plus grande minorité musulmane d’Europe, et pourtant c’est là que la présence des musulmans est confrontée aux plus grands défis. Bien qu’ils vivent en France depuis des générations, ils sont encore perçus comme des citoyens de seconde zone. Être musulman en France signifie avoir moins de chances de trouver un emploi.

Les musulmans ont également été les premières cibles du brutal état d’urgence mis en place par le gouvernement après les attentats de novembre à Paris. Malgré leurs efforts d’intégration, prouvés notamment par un rapport de l’Institut national d’études démographiques intitulé « Trajectoires et Origines », le système a échoué.

- Yasser Louati est le porte-parole du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et chef du service relations internationales de cet organisme. Vous pouvez le suivre sur Twitter @yasserlouati

Les opinions exprimées dans cet article appartiennent à l'auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale du Middle East Eye.

Photo : des élèves étudient dans une salle de classe pendant une visite de la ministre de l’Éducation nationale le 22 février 2016 au Havre, dans le nord-ouest de la France (AFP).

Traduit de l’anglais (original). 

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