Que fera Trump au lendemain de son « 11 septembre » ?
Le fascisme ne frappe jamais à la porte de devant pour annoncer son arrivée. Comme tous les méchants, les voleurs et les escrocs sans scrupules, il attend, avec opportunisme et patience, qu’une fenêtre soit laissée entrouverte.
Au cours des dix-huit derniers mois, le président élu des États-Unis Donald Trump a promis un éventail de propositions qui ne peuvent être décrites que comme les véritables principes fondateurs du fascisme autoritaire.
Trump a promis le fascisme. Les électeurs ont choisi ses idées fascistes, et désormais, les institutions politiques ratifient son fascisme. Bref, qu’est-ce qui peut mal tourner ?
Trump a menacé d’emprisonner certains de ses adversaires politiques et a déclaré la guerre à la presse en menaçant de mettre en œuvre des lois sur la diffamation contre les journalistes. Il a isolé les musulmans américains en les désignant comme des ennemis de l’État tout en se vendant comme une figure messianique, en affirmant aux Américains que lui et lui seul rendrait non seulement sa grandeur à l’Amérique, mais sauverait également les blancs en colère de tous les ennemis qu’ils perçoivent et imaginent.
Tel est l’avenir fasciste promis par celui qui sera bientôt le 45e président des États-Unis.
Mais les promesses de campagne ne sont que des promesses de campagne. Pour que le fascisme prenne racine, pour qu’il déracine les institutions démocratiques et civiques, il doit d’abord être normalisé. En d’autres termes, le fascisme nécessite la volonté du peuple.
L’abîme impensable
Le discours dans lequel Hillary Clinton a admis sa défaite, et annoncé que les Américains devaient désormais se rassembler pour soutenir le président élu Trump, a été la première étape vers la normalisation des propositions fascistes de Trump. Quelques instants plus tard, des démocrates de tous les horizons – y compris d’extrême gauche – se sont joints à l’appel à l’unité de Clinton.
Ce sont ces appels qui sanctifient et normalisent le fascisme de Trump, car ils ratifient toutes les promesses anticonstitutionnelles et anti-droits civiques que Trump a faites au cours des dix-huit derniers mois.
Trump a promis le fascisme. Les électeurs ont choisi ses idées fascistes, et désormais, les institutions politiques ratifient son fascisme. Bref, qu’est-ce qui peut mal tourner ?
Eh bien, beaucoup de choses si vous avez déjà été déclaré ennemi de l’État. En d’autres termes, le fascisme est déjà une réalité pour les trois millions de musulmans aux États-Unis et les choses sont sur le point de fortement empirer.
Trump n’a pas encore pris ses fonctions que des membres de haut rang de son équipe de transition ont réaffirmé son engagement à enregistrer de force chacun des trois millions de musulmans d’Amérique sur une liste de surveillance gouvernementale et à mettre en place un « contrôle poussé » des touristes ou migrants musulmans entrant dans le pays.
Kris Kobach, secrétaire d’État du Kansas et conseiller principal de Trump, largement pressenti pour devenir le prochain procureur général des États-Unis, a confirmé que l’équipe de transition « réfléchi[ssait] » à l’idée de rétablir un registre de l’ensemble des immigrés en provenance de pays musulmans.
On ne dira jamais assez à quel point la démocratie américaine et les trois millions de musulmans d’Amérique se trouvent au bord de l’abîme impensable.
À la rencontre de l’équipe de Trump
Réfléchissez à ceux qui constituent l’orbe intérieur de Trump : son nouveau stratège en chef, Steve Bannon, est un suprématiste blanc antisémite ; son conseiller militaire, le général Michael Flynn, a déclaré que « l’islam est un cancer » ; son nouveau ministre de la Justice, Jeff Sessions, sénateur républicain de l’Alabama, a exprimé sa sympathie pour le Ku Klux Klan.
Il n’est désormais pas déraisonnable de décrire la Maison Blanche de Trump comme un groupe haineux antimusulman
En réalité, il n’est désormais pas déraisonnable de décrire la Maison Blanche de Trump comme un groupe haineux antimusulman ; et si l’assortiment d’individus déplorables présenté ci-dessus ne vous suffit pas pour recevoir un signal d’avertissement émanant du milieu du XXe siècle, je vous invite à rencontrer le dernier membre pressenti en date de l’équipe de transition de Trump : Frank Gaffney.
Gaffney est connu pour avoir diffusé par le passé une propagande antimusulmane dans le corps politique de l’Amérique. Il a non seulement accusé le président Obama d’être un musulman caché, mais il a également prétendu que les institutions politiques américaines et les groupes d’activistes libéraux étaient subvertis par des membres des Frères musulmans, mettant en garde contre une « cinquième colonne islamiste opérant à l’intérieur de notre propre pays, avec une capacité inhérente à exploiter les vulnérabilités et les libertés civiles de notre société ». La liste des allégations conspirationnistes et antimusulmanes de Gaffney est exhaustive.
« Plus jamais ça » ?
La semaine dernière, je me trouvais à Berlin pour le jour du Souvenir, où le monde promet de ne jamais oublier et proclame « Plus jamais ça ». Alors que les analogies entre Trump et le nazisme sont souvent trop faciles, celles-ci sont dans le même temps bien trop inquiétantes pour être ignorées, en particulier si vous êtes musulman.
« La nomination d’Hitler comme chancelier du Reich a annoncé la destruction de la démocratie de Weimar. La séparation des pouvoirs, les droits fondamentaux, la liberté de la presse, le pluralisme et le fédéralisme ont tous été abolis », indique l’écran situé dans l’entrée du musée « The Topography of Terror » (« Topographie de la terreur ») de Berlin, construit pour faire en sorte que l’histoire n’oublie jamais les horreurs commises par le régime nazi.
Je vous exhorte aujourd’hui à revoir les promesses de campagne de Trump, ses menaces et son engagement réaffirmé à cibler les musulmans, tout en examinant comment et dans quel ordre les nazis ont démantelé la démocratie et le pluralisme en Allemagne il y a seulement sept décennies.
Il est tentant d’écarter les promesses et menaces fascistes de Trump aussi vite et aussi facilement, tout comme il est tentant d’écarter Trump lui-même comme un bouffon ignorant. Mais les promesses et les menaces de Trump posent des questions qui mènent en des lieux effrayants : que se passera-t-il, par exemple, au lendemain du prochain attentat terroriste majeur perpétré par un musulman aux États-Unis ?
Pensez-vous que dans un tel moment de crainte et d’anxiété publique généralisée, Trump cherchera à calmer et apaiser les craintes et les inquiétudes, de la même manière qu’Obama est parvenu à le faire dans la foulée d’une telle folie ?
Ou pensez-vous que Trump, entouré d’un cercle intérieur de racistes et d’intolérants antimusulmans qui ont passé la dernière décennie à diaboliser les musulmans, alimentera encore ces craintes et ces inquiétudes pour rassasier un public déjà islamophobe ?
Si, après avoir assisté aux innombrables réactions émotionnelles puériles de Trump aux défis politiques au cours des dix-huit derniers mois, vous choisissez la première possibilité et non la seconde, il se pourrait que vous soyez un flagorneur de Trump qui voit en lui une facette que le reste de l’univers démocratique libéral ne voit pas.
Bien sûr, nous devrions nous attendre à la seconde possibilité. Trump tournera un acte de violence politique perpétré par un musulman à son propre avantage politique. C’est ce que font ceux qui ont des tendances autoritaires fascistes.
Au bord du gouffre
Hitler s’est servi de l’incendie du Reichstag de 1933 pour étendre ses pouvoirs exécutifs en vilipendant les ennemis perçus et imaginés de l’État allemand, en promulguant des lois d’urgence qui suspendaient les libertés civiles et les droits de l’homme fondamentaux, en particulier pour les juifs et les membres de partis politiques rivaux.
Si un attentat terroriste devait survenir au cours du premier mandat de Trump, où le soutien d’une Chambre des représentants et d’un Sénat contrôlés par le Parti républicain lui est presque garanti, il est impossible d’imaginer Trump dans cette situation d’appel au calme et à la retenue.
C’est cette impossibilité perçue qui pousse l’expérience américaine de la démocratie et du pluralisme au bord du gouffre.
Ceci n’est pas un exercice intellectuel, ni un exercice hypothétique construit dans l’abstrait. Les crimes de haine contre les musulmans américains ont augmenté de 67 % au cours des douze derniers mois, atteignant un niveau inédit depuis les premiers mois qui ont suivi le 11 septembre 2001. C’est dans ce contexte que Trump et sa troupe de bigots antimusulmans règnent sur l’Amérique.
- CJ Werleman est l’auteur de Crucifying America, God Hates You. Hate Him Back et Koran Curious. Il est également l’animateur du podcast « Foreign Object ». Vous pouvez le suivre sur Twitter : @cjwerleman.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : Donald Trump s’exprime lors d’un meeting de campagne à North Charleston, en Caroline du Sud (États-Unis), en février 2016 (AFP).
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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