Trump doit payer un prix pour sa décision sur Jérusalem
Les médias du monde entier s’intéressent à l’annonce faite ce mercredi par le président Donald Trump, selon laquelle les États-Unis reconnaissent Jérusalem en tant que capitale d’Israël.
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Nous entendons des gouvernements du monde entier exprimer leur inquiétude face à l’idée de voir une ville conquise devenir une capitale nationale, en violation du droit international et de deux générations de précédents diplomatiques.
Des mesures fortes ?
Mais il y a quelque chose que nous n’entendons pas : nous n’entendons pas ces gouvernements s’engager à prendre des mesures concrètes contre cette violation scandaleuse commise par les États-Unis. Nous n’entendons même pas parler d’actions anticipées contre Israël même, à l’exception d’une vague menace de rupture des liens diplomatiques avec Israël émise par le président turc Recep Tayyip Erdoğan.
Nous avons entendu la France et même l’Arabie saoudite, qui a mené une campagne secrète de terre brûlée pour forcer Mahmoud Abbas à accepter le plan de paix de Trump. Le ministre saoudien des Affaires étrangères est retourné consciencieusement aux vieux éléments de langage, en vertu desquels son pays exprime sa solidarité avec les « souffrances de ses frères palestiniens ».
Le ministre allemand des Affaires étrangères a pris l’initiative sans précédent d’avertir Trump et Netanyahou des « limites de la solidarité de son pays » s’ils choisissaient de s’aventurer trop loin. Toujours consciente de son rôle de berceau du nazisme, qui a détruit la communauté juive européenne et causé la mort de plusieurs dizaines de millions de personnes durant la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne ne stipule presque jamais que son soutien à Israël ou aux États-Unis comporte une limite.
Si Trump souhaite se désolidariser de l’UE et du reste du monde civilisé et abandonner dans l’absolu les perspectives d’une résolution négociée du conflit israélo-palestinien, il doit payer un prix
Ces mots sont donc puissants et frappants. Mais que signifient-ils en fin de compte ? Si Trump était un président normal, il se rendrait compte que ces mots venus d’Allemagne sont de mauvais augure. Toutefois, Trump n’est pas un président ordinaire.
C’est un dirigeant mégalomane et dérangé. C’est un narcissique qui n’a conscience de rien ni de personne, sauf de lui-même. Pour s’opposer à une telle sociopathie, il faut non seulement un langage fort, mais également des mesures fortes.
Un prix à payer
Si ces acteurs croient vraiment ce qu’ils disent, qu’en est-il de toutes ces nations lorsqu’il est question de joindre le geste à la parole et de rappeler leurs ambassadeurs à Tel Aviv comme à Washington ?
Si Trump souhaite se désolidariser de l’UE et du reste du monde civilisé et abandonner dans l’absolu les perspectives d’une résolution négociée du conflit israélo-palestinien, il doit payer un prix.
S’il n’y a pas de prix à payer, il poursuivra ses agissements cruels comme toutes les autres brutes et fera bien pire à l’avenir. Si on lui dit « Non », sans ambages, cela l’arrêtera net.
Pour ce faire, la communauté internationale doit développer une stratégie durable pour faire face à la politique américaine et israélienne avec une alternative viable. L’Organisation des Nations unies doit reconnaître immédiatement la Palestine en tant que membre à part entière avec Jérusalem-Est comme capitale.
Les nations du monde entier doivent créer des ambassades à Jérusalem-Est (ou du moins exiger le droit de le faire et forcer Israël à leur refuser ce droit). Des instances internationales comme la CPI doivent accepter de juger Israël pour des affaires de crimes de guerre et se garder de les refuser, comme l’actuelle procureure en chef hautement politisée vient de le faire, même après qu’un groupe d’experts judiciaires lui a demandé d’ouvrir un dossier.
Un processus de paix résistant ?
Le monde défendra-t-il ses convictions ? Je ne parierais pas là-dessus. Israël a toujours misé sur la capacité d’attention limitée des acteurs mondiaux lorsqu’il est question de tels outrages. Désormais, Trump semble suivre l’exemple d’Israël.
La décision de Trump a été soutenue à la fois par son gendre et représentant au Moyen-Orient, Jared Kushner, et par son envoyé spécial Jason D. Greenblatt, qui avait conclu qu’un bouleversement du statu quo pouvait contribuer aux efforts de paix au lieu de les compromettre.
Les nations du monde entier doivent créer des ambassades à Jérusalem-Est (ou du moins exiger le droit de le faire et forcer Israël à leur refuser ce droit)
Même si Kushner et Greenblatt affirment que cette initiative provoquerait un tollé immédiat – notamment en éloignant potentiellement les Palestiniens de la table de négociations pendant un certain temps –, le processus est selon eux suffisamment résistant pour encaisser le choc.
Cela montre non seulement le parti-pris désespérément pro-israélien de ces néophytes, mais aussi leur manque de compréhension de ce qu’est un processus de paix, a fortiori enraciné dans l’environnement incroyablement délicat du Moyen-Orient.
Il n’existe pas de processus de paix résistant. Cela indique également que Trump incitera bien plus probablement à la guerre qu’il ne cherchera à faire la paix.
Une source des services de sécurité israéliens que j’ai pu consulter s’est rangée du côté de Trump. Cet homme a affirmé s’attendre à des manifestations palestiniennes tout au long de cette semaine. Mais en raison du froid hivernal, il a expliqué qu’il ne s’attendait pas à une même intensité que lors des protestations d’al-Aqsa, lancées en juillet contre l’installation de caméras de sécurité à l’extérieur du troisième site le plus sacré de l’islam. Il pourrait bien se tromper.
Un cadeau pour l’État islamique
Pour en revenir aux moyens de s’opposer à la nouvelle politique américaine, si les musulmans suivent par dizaines de milliers l’appel lancé par le Hamas pour que la prière du vendredi devienne un jour de colère et si la protestation s’étend au-delà de Jérusalem pour gagner l’ensemble du monde musulman, il pourrait alors y avoir cette lame de fond. Les Saoudiens – qui, il y a quelques jours seulement, semblaient prêts à abandonner la Palestine pour se concentrer plus pleinement sur l’ennemi iranien – pourraient se rendre compte que suivre Trump dans la gueule de l’enfer n’est peut-être pas la meilleure approche s’ils veulent rester les Gardiens de la foi (musulmane).
C’est le seul moyen de faire céder Trump et ses alliés dans cette épouvantable affaire.
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Il pourrait aussi y avoir un prix financier à payer : le recul massif du marché boursier asiatique survenu mercredi a traduit une secousse profonde subie suite à la déclaration de Trump. Le président aime renvoyer aux gains enregistrés sur le marché pour prouver qu’il est bénéfique pour le portefeuille américain.
Laissez-le faire face à une série de déclins du marché et à une situation d’incertitude, puis se vanter. Peut-être que les producteurs de pétrole arabes devraient brandir la menace d’une « paralysie » sur le marché. Même un simple à-coup secouerait les investisseurs.
Un autre « coût » pour les États-Unis pourrait être l’hostilité croissante envers les intérêts américains dans le monde arabo-musulman. Le général David Petraeus a autrefois averti que les soldats américains étaient de plus en plus en péril tant que le conflit israélo-palestinien s’envenimait.
Imaginez des cibles non seulement sur le dos de nos soldats, mais aussi sur celui de nos diplomates, de nos journalistes et de nos défenseurs des droits de l’homme qui opèrent dans le monde entier. Trump vient d’offrir un cadeau à l’État islamique et à al-Qaïda, un formidable outil de recrutement.
- Richard Silverstein est l’auteur du blog « Tikum Olam » qui révèle les excès de la politique de sécurité nationale israélienne. Son travail a été publié dans Haaretz, le Forward, le Seattle Times et le Los Angeles Times. Il a contribué au recueil d’essais dédié à la guerre du Liban de 2006, A Time to speak out (Verso) et est l’auteur d’un autre essai dans une collection à venir, Israel and Palestine: Alternate Perspectives on Statehood (Rowman & Littlefield).
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : Trump n’est pas un président ordinaire. C’est un dirigeant mégalomane et dérangé (Reuters).
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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