En Tunisie, la candidature d’une femme à la tête de la capitale dérange
Avec 25 % des voix et 21 sièges remportés dans la municipalité de Tunis, le parti Ennahdha est sorti vainqueur des élections municipales de dimanche dernier. Sa candidate, Souad Abderrahim, pourrait devenir la future maire de Tunis. Cette pharmacienne de 53 ans est arrivée en tête des municipales dans la capitale tunisienne. Les conseillers élus devront élire les maires d’ici la mi-juin.
Souad Abderrahim est une figure de proue du parti islamo-conservateur. Souvent présentée comme un symbole d’ouverture et de modernisme, elle avait déjà remporté un siège dans l’Assemblée constituante formée après la révolution de 2011. Dans la capitale tunisienne, Souad Abdherrahim sera peut-être la première femme à devenir maire. Elle devra auparavant affronter Kamel Idir, candidat du parti au pouvoir, Nidaa Tounes, ancien haut-fonctionnaire et ancien président du club de football tunisois très populaire, le Club Africain.
La candidature de Souad Abderrahim a provoqué une levée de boucliers. Mercredi 9 mai 2018, sur la chaîne tunisienne M Tunisia, Foued Bouslama, dirigeant au sein du parti Nidaa Tounes, a critiqué la candidature d’une femme Cheikh (maire) à la tête de Tunis.
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Bouslama, qui s’est présenté comme l’actuel chargé de communication du parti, a déclaré : « Nous sommes un pays musulman, malheureusement […] chez nous, une femme ne peut pas être imam dans une mosquée, comme elle ne peut pas être présente la veille de la 27e nuit du Ramadan [nuit du Destin] dans les mosquées. C’est inadmissible ».
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Foued Bousslama faisait allusion au protocole tunisien de célébration de la nuit du Destin (« Leylat al-Qadr, la nuit la plus sacrée du Ramadan) à Tunis, qui exige la présence du maire de la capitale à la mosquée aux côtés, notamment, du président de la République et du chef du gouvernement.
Les déclarations du cadre de Nidaa Tounès, parti se définissant comme « laïc et moderniste » et se revendiquant de l’héritage du leader de l’indépendance tunisienne Habib Bourguiba, ont choqué de nombreux internautes tunisiens, qui ont dénoncé sa misogynie et son double-discours.
Le « consensus » tunisien à l’épreuve
Suite à la polémique, Nidaa Tounes, fondé par l’actuel président de la République Béji Caïd Essebsi, a publié le 9 mai un communiqué précisant que « contrairement à ce qu’a déclaré Foued Bousslama, ce dernier n’occupe pas le poste de chargé de communication » et, par conséquent, « les déclarations qu’il exprime n’engagent que sa propre personne et ne reflètent pas les positions officielles du parti Nidaa Tounes ».
Souad Abderrahim a commenté dans un entretien accordé à la radio tunisienne Jawhara FM les déclarations de Foued Bousslama : « Il est dans le droit de chaque candidat de défendre sa candidature. Ainsi, je maintiendrai ma candidature en tant que première maire de la circonscription tunisoise […] dans l’absence d’un consensus, le vote sur la mairie de Tunis aura son dernier mot et je m’y soumettrai ».
Le consensus entre les deux partis au pouvoir semble plus que fragile en effet. Malgré la déclaration postélectorale de Rached Ghannouchi, leader d’Ennahdha, dans laquelle il affirme que « le consensus [l’actuelle coalition gouvernementale entre Nidaa Tounes et Ennahdha] est le principal vainqueur des élections municipales », Hafedh Caïd Essebsi, directeur exécutif de Nidaa Tounes, a rejeté d’emblée le scénario d’une coalition au niveau municipal. « Après les résultats des municipales, le parti Nidaa Tounes ne rentrera pas en coalition avec le parti Ennahda », a déclaré le fils du président.
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