Exportations d’armes vers des zones de guerre : la Belgique, mauvaise élève
Le 15 mai prochain, un procès sur l’exportation de substances chimiques vers la Syrie se tiendra au tribunal correctionnel d’Anvers. Trois firmes belges de la région flamande – A.A.E. Chemie Trading, Anex Customs et Danmar Logistics – ont en effet exporté, entre mai 2014 et décembre 2016, 485 tonnes de composants chimiques dont 96 tonnes d'isopropanol pouvant servir à la production de gaz sarin, et ce sans solliciter de licences.
Ces informations ont été révélées dans le cadre d’une enquête menée par l’hebdomadaire flamand Knack en collaboration avec l’ONG allemande Syrian Archive et le bureau d’investigation britannique Bellingcat.
Ces révélations ont coïncidé avec la nouvelle attaque présumée au gaz sarin le 7 avril à Douma, en Syrie, qui a causé la mort de nombreux civils et entraîné une riposte occidentale.
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Contacté par Middle East Eye, Kristof Clerix, journaliste d’investigation et auteur de l’enquête, souligne que ces révélations « soulèvent de vraies questions sur la rigueur de la douane belge dans le contrôle des exportations de substances chimiques ».
Le journaliste explique que « la douane belge n’a découvert l’absence des autorisations requises qu’une fois les substances chimiques déjà exportées ».
« [Ces révélations] soulèvent de vraies questions sur la rigueur de la douane belge dans le contrôle des exportations de substances chimiques »
- Kristof Clerix, journaliste d’investigation
« N’aurait-elle pas dû vérifier les exportations de manière proactive ? En tenant compte de l’interdiction européenne frappant l’exportation sans licence de ces substances vers la Syrie ? », s’interroge le journaliste.
« Ces entreprises n’avaient pas de licences. La douane belge aurait dû les arrêter et empêcher ces substances dangereuses et interdites par l’UE d’arriver en Syrie, et de tomber peut être dans les mains d’un régime dictatorial », déplore Clerix, qui rappelle que pourtant, « sur la scène internationale, la Belgique se prononce fermement contre l’usage des armes chimiques ».
Un manque de volonté de la part du gouvernement belge
Suite à cette enquête, la douane belge a assigné les trois entreprises belges à comparaître devant le juge pour ne pas avoir sollicité les autorisations requises en vue de l’exportation de ces grandes quantités de substances chimiques vers la Syrie.
Pour Benoît Hellings, député du parti Écolo (opposition), « ces nouvelles révélations montrent à quel point le gouvernement belge ferme les yeux sur les activités économiques de certaines entreprises en relation commerciale avec des pays en guerre comme la Syrie ».
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Hellings, député à la Chambre des représentants de Belgique, a interpellé plusieurs ministres sur le dossier de l’exportation des armes vers des zones de conflit. En vain. « Le gouvernement belge ne dispose d’aucune liste officielle des entreprises potentiellement actives dans la vente des armes vers la Syrie », constate-t-il.
Si le gouvernement belge estime, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, que la Belgique est « à la pointe de la lutte contre les armes chimiques », Benoît Hellings déplore pour sa part que Bruxelles ait fait prévaloir « les enjeux économiques sur la sécurité et les droits humains ».
Opacité dans le contrôle de l’exportation des armes en Belgique
La Belgique est un cas particulier par rapport aux autres pays de l’UE en matière de contrôle des exportations d’armes puisque celles-ci sont gérées au niveau régional et non national. Cette particularité est considérée comme un facteur qui limite la transparence et complique le contrôle.
« [Le gouvernement belge] a fait prévaloir les enjeux économiques sur la sécurité et les droits humains »
- Benoît Hellings, député du parti d'opposition Écolo
Le chercheur épingle en particulier « la région wallonne, qui figure parmi les régions de Belgique les moins transparentes au niveau des informations sur l’exportation d’armes ».
Mais le gouvernement national belge a été lui aussi souvent pointé du doigt quant à la vente d’armes dans des zones de conflit. C’est ce que révèle le GRIP dans l’un de ses rapports sur la guerre au Yémen. « L’intervention militaire de la coalition est rendue possible grâce aux armements et munitions fournis par un grand nombre de pays occidentaux », conclut-il.
Christophe Stiernon rappelle à ce sujet que l’Arabie saoudite est considérée comme « l’un des principaux clients de l’industrie de l’armement européen, notamment de la Belgique. Et ces armes ont été exportées durant l’intervention saoudienne au Yémen », regrette-t-il.
La question des ventes d’armes à l’Arabie saoudite est revenue dans le débat politique fin avril 2017 lorsque la Chambre des représentants de Belgique a adopté une résolution exigeant que le gouvernement fédéral se concerte avec les entités fédérées pour mettre fin à leurs ventes d’armes à Ryad.
« Il est de la responsabilité du gouvernement belge et des entités fédérées de veiller à ne pas se rendre complices des graves violations des droits humains et des crimes commis par certains régimes contre leur propre population »
- Philippe Hansmans, Amnesty International Belgique
Pour Philippe Hansmans, le directeur de la section francophone d’Amnesty International Belgique, « le gouvernement belge ne respecte pas les réglementations européennes ».
« La région wallonne en Belgique continue de vendre des armes à l’Arabie saoudite qui, en plus de violer des droits humains sur son propre sol, est à l’origine, dans la guerre qu’elle mène au Yémen, de nombreuses attaques dirigées contre des civils », rappelle-t-il à MEE.
« Il est de la responsabilité du gouvernement belge et des entités fédérées de veiller à ne pas se rendre complices des graves violations des droits humains et des crimes commis par certains régimes contre leur propre population. »
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