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Israël : vers une amélioration des liens avec les États du Golfe

Israël et les Émirats arabes unis partagent de nombreuses priorités politiques, notamment leur opposition à l’Iran et aux Frères musulmans
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou écoute le directeur général du ministère des Affaires étrangères, Dore Gold (AFP)

Israël espère que ses relations avec les États du Golfe arabe continueront à s’améliorer suite au développement ces dernières années de ses liens avec des pays, dont les Émirats arabes unis, sur les questions telles que l’opposition à l’Iran, selon les propos tenus par des responsables et des spécialistes de la région à Middle East Eye.

Le ministre de l’Énergie israélien Yuval Steinitz est rentré d’un « voyage secret » à Abu Dhabi où il a discuté de « préoccupations communes » sur l’Iran, l’État islamique (EI) et d’autres sujets non divulgués, selon la chaîne israélienne Channel 2.

L’article indique que le ministère israélien des Affaires étrangères souhaite ouvrir un bureau à Abu Dhabi, suite à l’annonce en décembre 2015 de l’ouverture d’un bureau public israélien au siège de l’Agence internationale des énergies renouvelables (IRENA) aux Émirats arabes unis, à Abu Dhabi plus précisément.

Bien que le bureau de l’IRENA soit nullement diplomatique et fasse plutôt partie d’une agence internationale de l’énergie, l’annonce a étonné : c’est la première fois en plus de 15 ans qu’Israël est officiellement présent sur le territoire d’un État du Golfe arabe.

Le Qatar et Oman ont ouvert des bureaux commerciaux israéliens en 1996, mais ceux-ci ont été fermés en 2000 après le déclenchement de la deuxième Intifada palestinienne.

Une source israélienne a déclaré à Middle East Eye sous couvert d’anonymat que le bureau aux EAU vise à établir une présence dans l’ensemble de la péninsule arabique.

« Cette évolution a été entièrement dirigée par le ministre des Affaires étrangères israélien et ce pour une raison très claire : mettre un pied dans le Golfe », a affirmé la source, qui a visité le siège de l’IRENA à Abu Dhabi, sous couvert d’anonymat.

La source a déclaré que trois ressortissants israéliens géreront ce bureau. Le premier sera un diplomate qui servira de représentant officiel à l’IRENA, le second sera un professionnel des énergies renouvelables et le troisième viendra des services de sécurité israéliens.

Le journal israélien Haaretz a signalé en décembre que le diplomate Rami Hatan ira à Abu Dhabi pour diriger la mission en tant que représentant officiel de l’IRENA.

L’IRENA indique sur son site Web qu’elle est une « organisation internationale qui sert de plate-forme pour la coopération internationale » sur les questions relatives aux énergies renouvelables.

Fondée en 2009, Israël a soutenu le choix des EAU en tant que siège de l’agence, du moment que les responsables israéliens pouvaient librement prendre part aux activités de l’organisation.

C’est la deuxième fois qu’Israël utilisait les agences internationales comme moyen de pression sur les Émirats arabes unis. Les responsables israéliens ont déclaré qu’ils appuyaient l’adhésion de Dubaï à la Fédération mondiale des bourses de diamants en 2004 tant que les membres israéliens de l’organisation pouvaient librement se rendre à Dubaï.

Les architectes à l’origine du bureau israélien de l’IRENA à Abu Dhabi sont le directeur général du ministère israélien des Affaires étrangères, Dore Gold, et l’envoyé spécial de l’énergie au ministère des Affaires étrangères, Ron Adam.

Depuis la création de l’IRENA en 2009, les ministres israéliens se sont rendus par intermittence aux Émirats arabes unis – où les Israéliens ne peuvent entrer officiellement – pour participer à des conférences de l’IRENA.

L’ancien ministre des Infrastructures Uzi Landau fut le premier ministre israélien à se rendre aux Émirats arabes unis dans le cadre d’une visite officielle aux bureaux de l’IRENA en 2010.

Cependant, après l’assassinat d’un membre du mouvement islamiste palestinien Hamas à Dubaï cette même année, les autorités émiraties ont accusé les services secrets israéliens du Mossad d’avoir commis cet assassinat.

En 2014, les tensions s’étaient relâchées et le ministre des Infrastructures de l’époque, Silvan Shalom, s’était rendu à Abu Dhabi pour aller au bureau de l’IRENA.

L’ouverture d’un bureau officiel israélien au siège de l’IRENA à Abu Dhabi est la dernière étape entreprise par Israël pour tenter de construire une relation stratégique plus ouverte avec les Émirats arabes unis, ce qui peut ouvrir la porte à des relations avec les autres États arabes du Golfe, selon les spécialistes de la région.

« Alors que le futur bureau aux Émirats ne semble pas être très profitable pour le moment, on peut supposer que si les Émirats constatent qu’il n’y a pas de réaction négative, cela ouvrira la porte à l’étape suivante », a déclaré le Dr Shaul Yanai, chercheur au Forum for Regional Thinking, qui se concentre sur les pays arabes du Golfe.

Il est extrêmement délicat pour les États arabes du Golfe, notamment les Émirats arabes unis, d’entretenir ouvertement des relations publiques avec Israël parce que leurs citoyens sont largement favorables à la cause palestinienne.

En dépit de cela, les relations officieuses entre Israël et les Émirats arabes unis en particulier se sont développées au cours des dernières années.

Israël et le Golfe unis contre l’Iran

Le potentiel d’une relation stratégique entre Israël et les Émirats arabes unis – et d’autres États arabes du Golfe – s’est accru à mesure que leurs priorités politiques régionales se rejoignaient.

« Pendant les négociations sur le nucléaire iranien, la communauté du renseignement d’Israël a noué des liens plus efficaces avec les pays du Golfe », a déclaré Zvi Mazel, ancien ambassadeur d’Israël en Égypte, à Middle East Eye.

« Les Émirats ont des liens avec nous à cause de nos intérêts communs par rapport à l’Iran et aux Frères musulmans. On constate clairement que dans certains domaines les pays du Golfe et Israël sont de plus en plus proches », a poursuivi Mazel, qui est désormais chercheur associé au Centre de Jérusalem pour les Affaires publiques.

Bien que tous deux font de la lutte contre les Frères musulmans et l’Iran leur priorité, le caractère sensible de cette relation implique qu’on sait peu de choses sur l’étendue des liens d’Israël avec plusieurs États arabes du Golfe.

« En 2009, il était clair que des professionnels chevronnés dans les domaines de la sécurité et des renseignements d’Israël et des pays du Golfe collaboraient, mais cela ne signifiait pas un quelconque progrès diplomatique majeur », a déclaré Eran Etzion, ancien chef de la planification politique au ministère israélien des Affaires étrangères.

« Il y a une séparation nette entre les rangs professionnels et politiques et Israël est souvent appelée "la maîtresse", allusion au fait que ces pays acceptent certains liens, à condition que tout reste dans l’ombre. »

Alors que la relation naissante des Émirats arabes unis avec Israël émerge lentement à travers des annonces telles que le bureau de l’IRENA, ses liens avec d’autres États arabes du Golfe restent très obscurs.

L’Arabie saoudite, qui, comme Israël, considère l’Iran comme une menace régionale, a exercé de fortes pressions contre le récent accord sur le nucléaire qui a mis fin aux sanctions contre Téhéran en échange d’assurances que les Iraniens ne cherchent pas à construire des armes nucléaires.

Etzion a ajouté que les responsables saoudiens et israéliens ont eu recours aux mêmes tactiques et informations lors de leur lobbying contre l’Iran à Washington.

« Au cours des deux années précédant l’accord avec l’Iran, il y a sans aucun doute eu des cas de coordination », a-t-il déclaré. « Une délégation israélienne pouvait venir faire pression contre l’accord et, comme par hasard, quelques semaines plus tôt la délégation saoudienne était là. Les deux délégations se sont préparées de la même manière et ont utilisé des livres similaires. »

Un câble de Wikileaks publié en 2010 a souligné que les États arabes du Golfe pensaient qu’ils pourraient « compter sur Israël contre l’Iran ».

Un responsable israélien du ministère des Affaires étrangères, Yacov Hadas, a déclaré : « Ils [les États du Golfe] pensent qu’Israël peut faire des miracles. »

Tandis qu’un accord avec l’Iran était sur le point d’être conclu en 2015, un journaliste et rédacteur en chef saoudien d’Al Arabiya a écrit un édito provocateur appelant le président américain Barack Obama à « écouter Netanyahou sur l’Iran », dans un article qui a été considéré comme représentant la coalescence de la politique d’Israël et du Golfe sur les négociations nucléaires.

Des accords commerciaux « secrets »

L’ouverture d’un bureau israélien au siège de l’IRENA à Abu Dhabi marque une étape sur un chemin qui peut se terminer par l’établissement de relations diplomatiques entre les deux pays, mais on en est encore assez loin pour l’instant.

Le bureau de l’IRENA n’est qu’un exemple de la façon dont Israël est capable de légitimer le fait que ses responsables et ses citoyens peuvent entrer aux Émirats arabes unis, où le commerce a discrètement repris pour Israël ces dernières années.

Alors que le Bureau central des statistiques d’Israël indique que Tel Aviv a exporté pour 4,9 millions d’euros de biens aux EAU en 2013, en réalité, les chiffres pourraient être beaucoup plus élevés selon des experts du marché.

« L’exportation officielle israélienne ne constitue pas la majeure partie des échanges commerciaux, lesquels sont le fait de sociétés privées, dont la plupart ont des succursales à l’étranger », a déclaré le Dr Nachum Shiloh, un spécialiste israélien des pays du Golfe et propriétaire de Gulf Markets Intelligence (GMI).

« Les pays du Golfe ne sont pas considérés comme des pays ennemis et donc des hommes d’affaires israéliens sont autorisés à commercer librement avec ceux-ci. »

Shiloh a cité la technologie agricole, la technologie médicale, les systèmes de communication, les systèmes de contrôle aérien et les produits de sécurité intérieure comme étant les marchandises les plus exportées d’Israël vers les Émirats arabes unis.

La sécurité intérieure est un domaine très secret des échanges entre Israël et les Émirats arabes unis, mais il constitue un secteur clé pour les deux nations et il est la preuve de leur relation en pleine expansion.

En novembre 2014, Middle East Eye avait révélé qu’un jet privé faisait régulièrement la liaison entre Tel Aviv et Abu Dhabi et avait rapporté ensuite en février 2015 qu’Israël avait vendu et installé un système de surveillance de masse à Abu Dhabi, lequel est connu sous le nom de « Falcon Eye ».

Le plan de vol du jet privé entre Israël et les Émirats arabes unis, tel que retracé par Middle East Eye, comprenait un bref arrêt dans la capitale jordanienne, Amman.

La raison derrière cette escale tient peut-être au fait que l’essentiel du commerce entre Israël et les Émirats arabes unis est mené par des pays tiers, y compris la Jordanie. Des hommes d’affaires israéliens avec des seconds passeports emmènent les produits israéliens aux Émirats arabes unis, parfois avec l’aide de sociétés jordaniennes.

« Officieusement, certaines sociétés jordaniennes aident des hommes d’affaires israéliens à accéder au Golfe, parfois à travers la création d’entreprises communes », a déclaré une source appartenant au secteur israélien des affaires, qui connait la question.

Traditionnellement, les États arabes du Golfe ont imposé un boycott sur les produits israéliens. Toutefois, ce boycott a été assoupli en 1994, lorsque les membres du Conseil de coopération du Golfe ont mis fin à un boycott sur les entreprises qui commercent avec Israël et ont annoncé qu’ils ne feraient que renforcer l’interdiction des sociétés israéliennes elles-mêmes.

L’explosion des sociétés multinationales au cours des deux dernières décennies a rendu difficile pour quiconque boycotte Israël – ou ses sociétés comme c’est le cas pour le Golfe – d’identifier l’implication d’Israël dans les produits qui peuvent être fabriqués dans plusieurs États.

« Du fait de la mondialisation du monde de l’entreprise et de la nature des produits israéliens, il est très difficile de faire respecter le boycott », selon les déclarations d’un ancien haut responsable du gouvernement, qui connaît bien le sujet et s’est rendu dans le Golfe, à Middle East Eye.

« De nombreux produits israéliens sont des produits intermédiaires qui font partie de systèmes plus grands, ce qui rend impossible d’établir le pays de fabrication. »

Contourner le boycott

Cette difficulté à identifier la source des produits a rendu plus facile le contournement du boycott par les entreprises israéliennes et le libre commerce avec les différents pays, dont les Émirats arabes unis, avec l’approbation des responsables des deux côtés.

L’implication d’Israël dans le système de surveillance Falcon Eye d’Abu Dhabi a été brouillée par le biais de sociétés internationales.

L’homme d’affaires israélien Mati Kochavi aurait vendu le système d’Abu Dhabi à travers sa société basée en Suisse Asia Global Technology, le système ayant été mis au point par sa filiale israélienne Logic.

Le ministère de la Sécurité israélien a approuvé la vente du système, laquelle a été suivie en 2015 par la création par l’ancien officier du renseignement israélien David Meidan d’une société chargée de négocier la vente de technologies en cyber-sécurité aux Émirats arabes unis.

Meidan avait été un des principaux candidats à la direction du service de sécurité israélien, le Mossad, et travaillant auparavant à l’agence de sécurité, il avait dirigé la division « Tevel », laquelle était responsable des relations avec les agences de renseignement à l’étranger.

C’est peut-être pendant qu’il était au Mossad que Meidan a noué des liens avec des hommes d’affaires et des responsables du renseignement dans le Golfe, dont les Émirats arabes unis.

L’ancien haut fonctionnaire du gouvernement a déclaré que le mélange des secteurs privé et public dans le Golfe a facilité l’établissement par Israël d’une relation commerciale avec les Émirats arabes unis et a ajouté que cela pourrait ouvrir la voie à une relation pleine et entière à l’avenir.

« Certains hommes d’affaires israéliens semblent avoir des liens avec des responsables dans le Golfe et le fait que les secteurs des affaires et politique dans ces pays ne sont pas séparés nous fait espérer que cela ouvrira la voie à la normalisation », a-t-il ajouté.

« Mais alors que les dirigeants du Golfe ne semblent pas avoir de problème avec le fait d’échanger avec les hommes d’affaires israéliens, tout se fait encore en secret via des sociétés étrangères ou des organisations internationales. »

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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