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La crise du Qatar pourrait avoir des implications majeures pour la base aérienne américano-anglaise

La base aérienne d'Al-Udeid au Qatar est stratégique pour la campagne aérienne menée par les États-Unis contre l'État islamique en Irak et en Syrie
Un bombardier B-52 des forces aériennes américaines arrive sur la base d'Al-Udeid, au Qatar, le 9 avril 2016 (AFP)

L’isolement prolongé du Qatar par l’Arabie saoudite et ses alliés pourrait conduire à la faillite du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et l’entrée de la Turquie dans la région, avec de sérieuses implications pour les bases militaires américaines et britanniques dans le pays, préviennent les spécialistes.

Le Qatar accueille l’énorme base aérienne des forces américaines d’Al-Udeid, une zone de stationnement clé pour les opérations contre le groupe État islamique (EI) en Irak et en Syrie. La base, qui revendique une des plus longues pistes d’atterrissage du Moyen-Orient, est une installation stratégiquement essentielle pour la coalition menée par les Etats-Unis, et abrite 10 000 personnels américains.

Le futur de la base a été remis en cause mardi, quand le président américain Donald Trump a choisi son camp parmi les monarchies du Golfe, qui ont vu l’Arabie saoudite et ses alliés isoler le Qatar sur des allégations de soutien au terrorisme.

Les autorités militaires américaines ont pris soin d’insister sur le caractère amical des relations avec le Qatar, mais Kamal Alam, analyste du think tank spécialisé en diplomatie et défense, RUSI, explique à Middle East Eye que les tweets de Trump ont mis l’establishement militaire américain « en déroute ».

« Les implications sur le long terme, si le contentieux venait à se prolonger, sont énormes, et avec la médiation du Koweït et de la Turquie, cela échappe aux États-Unis et au Royaume-Uni »

- Kamal Alam, analyste des questions de défense

« Les implications sur le long terme, si le contentieux venait à se prolonger, sont énormes, et avec la médiation du Koweït et de la Turquie, cela échappe aux États-Unis et au Royaume-Uni. »

Selon Alam, le « pire des scénarios » serait la faillite du Conseil de coopération du Golfe ou l’exclusion du Qatar du groupe régional. « La coalition arabe islamique saoudienne pourrait éclater », souligne-t-il. « Et peut-être, si cette situation continue, nous pourrions voir les prémices d’un remplacement de la protection américaine par une protection turque. »

Son analyse a été faite au moment où le parlement turc a accéléré les choses pour permettre à ses troupes de se déployer dans une base militaire au Qatar, dans un mouvement à même d’accroître les tensions dans le Golfe. »

« Il ne semble pas (c’est le moins que l’on puisse dire) que Donald Trump ait réalisé avant son tweet que nous menons toute la guerre aérienne depuis le Qatar », a tweeté Andrew Exum, assistant adjoint du secrétaire à la Défense pour le Moyen-Orient du temps de l’administration Obama.

La base aérienne d’Al-Udeid est capitale pour l’empreinte militaire américaine dans le Golfe car elle abrite le centre de commandement américain et la puissante 379e escadre expéditionnaire américaine, qui gère des avions de chasse F-16, des avions de reconnaissance E-8C et des avions-citernes. Ces appareils seront essentiels aux mouvements américains pour soutenir les efforts visant à reprendre Raqqa, devenue de fait la capitale de l’EI.

La base a servi à lancer l’an dernier des frappes de B-52 contre l’EI en Irak et en Syrie – l’énorme avion a été vu sur la base ces dernières semaines. Quant à la 379e escadre expéditionnaire américaine, elle utilise actuellement plus de 100 avions de combat depuis Al-Udeid, avec des avions qui décollent environ toutes les dix minutes, selon le site de l’escadre.

La base aérienne d’Al-Udeid accueille aussi le quartier général des forces aériennes royales britanniques (RAF), l’escadre expéditionnaire 83, qui envoie des avions des RAF dans tout le Moyen-Orient.

Traduction : « Il est si bon de voir que la visite en Arabie saoudite avec le roi et 50 pays est déjà en train de payer. Ils ont dit qu’ils allaient adopter une ligne dure sur le financement de l’extrémisme et tout a désigné le Qatar. Peut-être que ce sera le début de la fin de l’horreur du terrorisme ! »

Après les tweets de Trump, dans lesquels il a fait le lien entre le Qatar et « l’idéologie radicale » et le financement du terrorisme, les officiels américains ont rapidement essayé de limiter les dégâts diplomatiques en rappelant la politique existante et en minimisant la portée de ces tweets.

Le département de la Défense a salué le Qatar pour son accueil des troupes américaines et son « engagement durable pour la sécurité régionale », pendant qu’un porte-parole du Pentagone a esquivé les questions des journalistes qui cherchaient à savoir si le Qatar soutenait le terrorisme.

Néanmoins, la dispute entre le petit Émirat du Golfe et ses alliés membres du CCG est une des crises diplomatiques les plus importantes dans la région depuis la guerre du Golfe en 1991, souligne Alam.

Il ajoute que sur le long terme, une crise pourrait aboutir des répercussions substantielles à l’intérieur du groupe, car des représentants qataris sont toujours en place dans des postes liés à la sécurité au quartier général du CCG à Riyad.

Il suggère également que les États-Unis seraient peut-être disposés à relocaliser leur base à Oman, aux EAU ou à Bahreïn si la crise venait à se prolonger. « Cela n’arriverait pas tout de suite », précise-t-il avant d’ajouter que cela serait plus probable si l’influence turque augmente et remplace la protection des États-Unis.

Ilan Goldenberg, ancien haut fonctionnaire du Département d’État, qui travaille désormais au Centre for a New American Security a déclaré que les tweets de Trump étaient comme « de l’huile sur le feu ».

Toutefois, Alam a déclaré que « dans les coulisses, la crise n’est pas aussi grave qu’elle en a l‘air » et que les « implications sur le court terme » pour les armées américaines et britanniques au Qatar sont « relativement peu importantes ».

Un porte-parole de la coalition internationale pour l’opération « Inherent Resolve », la campagne menée par les États-Unis contre l’EI en Syrie et en Irak, a également minimisé la gravité de la crise et de son impact sur les opérations de la coalition.

Ils ont déclaré à MEE : « Les avions de la coalition continuent à effectuer des missions depuis la base aérienne Al-Udeid en soutien aux opérations en cours contre l’EI en Irak et en Syrie. »

« La coalition est reconnaissante envers les Qataris pour leur soutien de longue date à notre présence et pour leur engagement pour la sécurité régionale. Nous encourageons tous nos partenaires dans la région à œuvrer à des solutions communes en faveur de la sécurité régionale. »

Les Britanniques arrivent, ou repartent

La crise actuelle du Qatar peut également accentuer la présence militaire britannique dans l’émirat stratégiquement placé.

La présence militaire au Qatar est bien plus réduite que celle des États-Unis – l’armée britannique compte davantage de militaires en Arabie saoudite et à Bahreïn, où elle possède une nouvelle base navale – mais elle est essentielle pour coordonner les opérations de la RAF contre l’État islamique en Irak et en Syrie.

La RAF a exploité des avions de surveillance Rivet Joint depuis la base. Ces avions sont équipés de dispositifs d’écoute avancés pour permettre aux avions de combat britanniques qui opèrent en Irak et en Syrie de localiser les cibles de l’EI.

Le ministère de la Défense a refusé de révéler le nombre réel de troupes au Qatar, pour des « raisons de protection de la sécurité opérationnelle », mais une source de la RAF confie à MEE que la crise n’a, jusqu’ici, « eu aucun impact » sur les opérations car le Royaume-Uni ne « base pas systématiquement d’avions à Al-Udeid ».

Selon cette source, le Qatar a depuis longtemps préféré minimiser le rôle britannique sur la base. Les informations des tabloïds britanniques selon lesquelles des drones « Reaper » MQ-9 britanniques opèrent au Qatar sont erronées.

Selon les informations recueillies par MEE, les forces britanniques de drones armés opèrent depuis une base dans le désert au Koweït.

Des options pour une nouvelle base

Toute minimisation de la part des États-Unis à propos de ses opérations au Qatar aurait des répercussions sur les opérations britanniques qui s’y déroulent. Le mois dernier, l’ancien ministre de la Défense américain Robert Gates a déclaré que l’armée américaine « ne possède pas de bases irremplaçables », au milieu de spéculations d’une rupture dans les relations entre le Qatar et les États-Unis.

Lors de son allocution, pendant une conférence intitulée « Le Qatar et les filiales mondiales des Frères musulmans », Gates a déclaré que le Qatar était source d’inquiétudes. Selon lui, « le problème est en dehors de la relation militaire. La relation militaire, telle que nous la connaissons, est très bonne. C’est tout ce qui est en dehors de cette relation militaire qui nous préoccupe. »

Ed Royce, président du comité des Affaires étrangères de la Maison Blanche, qui s’exprimait également à la conférence tenue à l’université George Washington devant des responsables de la Maison Blanche : « Je pense que s’il n’y a pas de changement d’attitude, il y aurait potentiellement une volonté de considérer d’autres options pour les bases. »

Traduit de l’anglais (original).

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