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La nouvelle Constitution algérienne, ou le mirage de l’ouverture

Officialisation de la langue berbère, limitation des mandats présidentiels, renforcement du rôle de l’opposition : la nouvelle Constitution algérienne révélée mardi 5 janvier n’a pourtant de l’ouverture que l’odeur et la couleur
Ahmed Ouyahia, le chef de cabinet de la présidence algérienne, a présenté mardi l’avant-projet de Constitution (AFP)

ALGER – « Aucun démantèlement de la citadelle présidentielle : elle restera une forteresse imprenable. » Pour la constitutionnaliste Fatiha Benabbou, contactée par Middle East Eye, voilà ce qu’il faudra retenir de l’avant-projet de nouvelle Constitution présenté mardi 5 janvier par Ahmed Ouyahia, le directeur de cabinet du président Bouteflika. « À la différence de la Tunisie ou du Maroc, qui ont revu leur texte fondamental pour lui donner une plus grande ouverture, en Algérie, le président s’agrippe à ses prérogatives. »  

Sur le papier, des concessions sont pourtant visibles. Par exemple, le président peut désormais, sur des questions urgentes, légiférer sur ordonnance après avis du Conseil d’État. Au lieu de disposer de quatre mois pour légiférer pendant les vacances parlementaires, le chef de l’État n’en a plus que deux. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a été investi d’une nouvelle prérogative pour garantir les droits et les libertés consacrées par le texte. Et la notion d’inamovibilité des juges du Conseil constitutionnel a été introduite.

« Mais en pratique, ce n’est pas aussi simple », poursuit la spécialiste. En Algérie, le Conseil d’État n’est pas l’institution suprême qu’il devrait être. Récemment [pour une décision déclarant irrégulière une réunion du comité central du FLN, le parti au pouvoir, lors de laquelle a été élu Amar Saadani au poste de secrétaire général, réunion contestée par les opposants à Saadani qui invoque le non-respect des statuts du parti], il a été désavoué par le tribunal administratif, une juridiction pourtant inférieure [agissant sur pression de la présidence, favorable à Saadani]. Par ailleurs, les nominations des membres du Conseil constitutionnel sont faites par le président, elles restent donc très politiques… »

Un « cap à l’échelle de l’histoire humaine »

Dans ce contexte, les avancées saluées par une partie de la classe politique et de la société civile – le retour à la limitation de deux mandats pour le président de la République, la suppression des peines de prison pour les délits de presse, ou la possibilité pour l’opposition de saisir le Conseil constitutionnel sur les lois votées – paraissent toute relatives. À une exception : l’officialisation de la langue tamazighe comme langue nationale au même titre que la langue arabe, unanimement saluée.

Pour Ali Brahimi, militant et fondateur du Mouvement culturel berbère, « un cap a été franchi à l’échelle de l’histoire humaine. Après vingt siècles de négation, envisager de vivre dans, par et pour sa langue est un acquis considérable, la fin d’une mythologie, celle de l’Algérie arabe. Le peuple d’Afrique du nord est le seul à qui on demandait d’être arabe parce qu’il est musulman ! », explique-t-il à MEE, tout en étant lucide sur les difficultés à venir. « Je sais très bien que cela demande des moyens que l’État continuera à marchander, mais c’est aux militants culturalistes et politiques de la cause berbère de se concerter et de s’unir pour lancer un nouveau séminaire du Mouvement culturel berbère et une nouvelle force politique identitaire qui oblige l’État à tenir ses engagements. »

Tenir ses engagements et éclaircir certains points, c’est aussi ce que réclame l’opposition. « Concernant la protection du premier des droits du citoyen, à savoir la garantie de voir son choix électoral reconnu et respecté, le message appelle à clarification et implique la plus extrême vigilance », note-t-on au RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie, parti d’opposition).

« L’annonce de la constitutionnalisation d’une commission de surveillance des élections apparaît comme une offre en trompe l’œil destinée à entretenir la confusion pour reconduire les méthodes du passé, ce qui ne répond ni au problème crucial de la légitimité des institutions ni, par voie de conséquence, à la demande de l’opposition. »

Vote à la mi-février

Abderrezak Makri, du MSP (islamistes, opposition) regrette de son côté que « cette Constitution, ni consensuelle, ni porteuse de grandes réformes, n’exprime que les orientations du président et de son entourage », déplorant en outre que « la proposition de la classe politique concernant la mise en place de l’instance nationale indépendante pour l’organisation des élections » n’ait pas été prise en compte.

Le chef de cabinet de la présidence a précisé à ce sujet que l’avant-projet avait pris en compte 70 % des propositions formulées par les participants aux consultations sur le sujet menées depuis 2011. « Rien ne changera dès lors que c’est le ministère de l’Intérieur qui gérera le dossier des élections », insiste Makri. « Les textes n’ont jamais posé de problème en Algérie, les lois sont parfois parfaites mais ce qui pose problème, ce sont la corruption du système politique, le non-respect et la non-application des lois ».

Au FLN, Aissa Kassi, porte-parole de l’aile dissidente au secrétaire général Amar Saadani, résume, plus nuancé, à MEE : « Ce texte, qui a intégré certaines des propositions faites par le FLN en 2006, comprend des avancées réelles. Mais entre les effets d’annonce – on nous avait parlé de IIe République, d’État nouveau –, le texte et la réalité, il y a un monde », analyse-t-il, en se déclarant « optimiste avec des réserves ».

« Le régime restera très présidentiel. Disons que ce projet s’inscrit dans un processus d’élargissement des réformes et, à ce titre, est donc perfectible. Mais pour cela, il faudrait qu’il existe de réelles forces politiques agissantes qui ne soient pas folklorisées. »

Après avoir été présenté courant janvier au Conseil des ministres pour adoption, le texte sera ensuite soumis au Conseil constitutionnel pour avis, puis au parlement pour un vote vers la mi-février. 

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