Le Maroc rompt avec l'Iran en accusant le Hezbollah de livrer des armes au Polisario via Alger
RABAT – Invoquant le « soutien militaire de son allié, le mouvement Hezbollah, au [Front] Polisario », le Maroc a annoncé, ce mardi 1er avril, la rupture de ses relations avec l’Iran. L'annonce a été faite lors d'une conférence de presse du ministre marocain des Affaires étrangères.
« Je viens de rentrer d'une visite en République islamique d'Iran. J'ai rencontré le ministre des Affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif, et l'ai informé de la décision du royaume du Maroc de rompre ses relations avec l'Iran », a déclaré Nasser Bourita, le chef de la diplomatie marocaine.
L'ambassadeur du Maroc a Téhéran a d'ores et déjà quitté le territoire iranien, et Nasser Bourita a ajouté qu’il avait reçu « le chargé d'affaires de l'ambassade d'Iran pour lui demander de quitter le territoire national ».
Une « première livraison d'armes a été récemment fournie au Polisario » le mouvement indépendantiste sahraoui soutenu par l'Algérie, via un « élément » à l'ambassade iranienne à Alger, a affirmé Nasser Bourita.
« Le Maroc dispose de preuves irréfutables, de noms identifiés et de faits précis qui corroborent cette connivence entre le Polisario et le Hezbollah contre les intérêts suprêmes du royaume. »
« Des artificiers et des instructeurs militaires du Hezbollah se sont rendus à Tindouf pour former les commandos du Front Polisario, et lui ont livré le même mois des missiles SAM-9, SAM-11 et Strella »
- Nasser Bourita
« Des artificiers et des instructeurs militaires du Hezbollah » se seraient rendus à Tindouf pour former les commandos du Front Polisario, et auraient livré le même mois des missiles SAM-9, SAM-11 et Strella, selon le ministre qui s'est exprimé à l'agence de presse espagnole EFE et a tenu à démentir tout lien avec le contexte syrien ou avec la situation au Moyen-Orient en général, soulignant que la décision de rompre avec l’Iran obéissait à des « intérêts strictement bilatéraux ».
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Cette annonce intervient moins de deux ans après la nomination d'un ambassadeur du Maroc en Iran, avec lequel le royaume a rompu ses relations diplomatiques en 2009, avant de décider de les rétablir en 2014.
En 2009, suite à une déclaration publique d’un haut responsable iranien selon lequel Bahreïn était « la quatorzième province iranienne », le Maroc avait décidé de rompre ses relations avec l'Iran en solidarité avec l'État du Golfe.
Traduction : « Le timing de cette décision souveraine est très surprenant »
Parmi les autres raisons qui auraient motivé cette décision : les activités de prosélytisme chiite menées par l'Iran dans le royaume, « visant à altérer les fondamentaux religieux du royaume et à tenter de menacer l’unicité du culte musulman et le rite malékite sunnite au Maroc », précisait une dépêche de l'agence de presse officielle marocain (MAP) au lendemain de la rupture des relations entre les deux pays.
Selon le quotidien français Le Monde, qui cite un câble publié par WikiLeaks, l’Arabie saoudite aurait également incité le royaume à rompre avec l'Iran, dans le cadre de « sa stratégie globale d’opposition à l’influence iranienne ».
Une reprise « graduelle »
En 2014, décision a été prise de reprendre les relations avec l'Iran. Cela s’est fait de manière graduelle, la principale préoccupation du Maroc était de convaincre les puissances du Golfe que la réconciliation « ne se faisait pas, et ne se fera pas aux dépens des relations du Maroc avec les pays arabes frères, ni avec les pays partenaires, ou au détriment des prises de position du Maroc sur les affaires régionales et internationales », comme l'annonçait de manière prudente Nasser Bourita, à l'époque secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, dans un courrier divulgué par le hacker Chris Coleman.
Plusieurs échanges informels entre des ambassadeurs du royaume et des représentants de la république islamique se sont tenus dans la foulée.
En février 2014, Salaheddine Mezouar, alors ministre des Affaires étrangères, s'était entretenu avec son homologue iranien, et avait porté à sa connaissance « de manière franche et claire, les raisons qui ont poussé le royaume du Maroc à rompre ses relations diplomatiques avec la République iranienne en 2009 ».
Le ministre iranien avait exprimé son regret quant à la rupture des relations diplomatiques, et avait rassuré quant au « respect de l'Iran envers les constates du royaume du Maroc », ainsi que « l'appréciation de l'Iran du rôle que joue le roi Mohammed VI ».
Suite à ces échanges, le Maroc avait décidé de rétablir ses relations avec l'Iran « dans le cadre du respect mutuel et de la non-ingérence », précise la note.
Il a fallu attendre 2016 pour que le roi Mohammed VI nomme officiellement un ambassadeur en Iran, en la personne de Hassan Hami. En décembre 2016, Hassan Hami a présenté ses lettres de créance au président iranien Hassan Rohani, lors d'une cérémonie durant laquelle le président iranien a appelé au « développement des liens entre l'Iran et le Maroc dans l'intérêt des deux pays et de la région », et à l'exploitation des «capacités et des potentiels existants pour élargir et renforcer les liens et la coopération entre les deux pays », rapportait l'agence de presse iranienne Tasnim News Agency.
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En tant qu'ex-ambassadeur du Maroc en Azerbaïdjan, Hassan Hami disposait d'une grande connaissance du dossier iranien, puisque depuis la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, l'ambassade du Maroc à Bakou était évoquée pour la gestion des affaires courantes avec l'Iran.
Sur Twitter, le ministre émirati des Affaires étrangères, Anwar Mohammed Qarqash, a exprimé son soutien à Rabat.
Traduction : « Nous soutenons le Maroc dans sa préoccupation pour ses questions nationales et contre l'ingérence iranienne dans ses affaires intérieures. Notre politique et notre soutien vis-à-vis du Maroc est un héritage historique, établi par Cheikh Zayed et le roi Hassan, et notre position est constante »
Le Hezbollah a démenti les accusations du Maroc dans un communiqué publié en début de soirée : « Il est regrettable que le Maroc, sous la pression des États-Unis, d'Israël et de l'Arabie saoudite, ait recours à ces accusations », ajoute le communiqué qui estime que « le ministère marocain des Affaires étrangères aurait dû chercher des arguments plus convaincants pour rompre ses relations avec l'Iran. »
Selon Nasser Bourita, « l'implication du Hezbollah a commencé il y a deux ans », a-t-il déclaré aujourd’hui à Rabat. Le ministre a également indiqué que le Maroc avait demandé des explications à Téhéran, sans succès. Ce qui a poussé Rabat à opter pour la rupture.
Mercredi, Téhéran a démenti « fermement » les accusations du Maroc. Le ministère des Affaires étrangères iranien a dénoncé dans un communiqué un « prétexte » à une rupture diplomatique. « Cette affaire est totalement dénuée de fondement », a poursuivi le ministère, assurant que la République islamique avait toujours eu comme ligne de conduite le « respect » de la « souveraineté et la sécurité » des pays avec lesquels elle entretient des relations diplomatiques, et « la non ingérence dans [leurs] affaires ».
L'autre pays à réagir a été l'Arabie saoudite. Dans un communiqué officiel, Ryad a condamné « fermement l'ingérence iranienne dans les affaires intérieures du Maroc via son instrument, la milice "terroriste" du Hezbollah, qui entraîne les éléments du soi-disant groupe "Polisario" en vue de déstabiliser la sécurité et la stabilité » du royaume chérifien. L'Arabie saoudite « se tient aux côtés du royaume frère du Maroc pour tout ce qui garantit sa sécurité et sa stabilité, y compris sa décision » de mardi.
Mercredi toujours, le porte-parole des Affaires étrangères algériennes a rejeté les propos « totalement infondés » de son homologue marocain et annoncé que l'ambassadeur du Maroc à Alger avait été convoqué.
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