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Les chrétiens d’Irak se retrouvent seuls face à Daech pour prendre soin d’une synagogue abandonnée

La communauté juive irakienne d’al-Qosh ayant déserté les lieux depuis longtemps, ce sont les familles chrétiennes locales qui prennent soin de la synagogue abandonnée
Des inscriptions en hébreu sont gravées sur les murs intérieurs de la synagogue (MEE/Andrea Dicenzo)

AL-QOSH, Irak – Le chemin menant à la porte en bois de la synagogue est envahi par les mauvaises herbes et les arbustes ; ses murs sont en train de s’effondrer et se sont, à certains endroits, complètement écroulés.

La porte en bois de la synagogue est en général fermée, à moins que Nasir ou sa femme ouvre le corridor pour faire le ménage ou laisser entrer les visiteurs (MEE/Andrea Dicenzo)

Un toit de tôle rouge et des échafaudages en métal maintiennent en place la structure vacillante. Une clôture de barbelés couvre les trous dans les murs pour empêcher les enfants et les animaux errants de pénétrer à l’intérieur, mais elle est aisément franchissable par les adultes.

« Mon père et mon grand-père ont grandi ici avec les juifs », explique Sami Nasir à Middle East Eye.

Un échafaudage en métal a été installé sur certaines parties du site pour éviter qu’il ne s’écroule (MEE/Andrea Dicenzo)

Nichée entre une zone résidentielle densément bâtie et les anciennes églises assyriennes d’al-Qosh, la synagogue vieille de 800 ans, qui serait selon la croyance le lieu de sépulture du prophète biblique Nahum, est pratiquement en ruines.  

Ruines de murs effondrés à l’intérieur de la synagogue. Une clôture de barbelés a été installée pour empêcher aux gens d’entrer (MEE/Andrea Dicenzo)

Après que les juifs d’al-Qosh ont quitté les lieux, nombreux ayant fui après la création de l’État d’Israël en 1948, Nasir et sa famille élargie ont pris en main l’entretien de la synagogue abandonnée. Ils ouvrent les portes cadenassées, nettoient le sol et enlèvent les détritus amenés par le vent ou les visiteurs de passage peu respectueux. Nasir a hérité cette responsabilité de son père, et prend la tâche très au sérieux.

L’intérieur de la synagogue (MEE/Andrea Dicenzo)

Avant de décéder, son père lui a confié : « Peu importe ce que Dieu te donne dans cette vie, tu dois prendre soin de cet endroit ».

Nasir est un chrétien assyrien, comme la vaste majorité des habitants d’al-Qosh. La bourgade se situe dans la plaine de Ninive, qui dispose d’un important patrimoine chrétien remontant à des temps très anciens, comme en atteste tout particulièrement le monastère chaldéen, sculpté dans la profondeur des falaises escarpées de la montagne, à l’entrée nord du village.

La maison d’une famille chrétienne irako-kurde au décor peint vivement coloré, al-Qosh, Irak (MEE/Andrea Dicenzo)

De nombreux villages chrétiens de la plaine de Ninive sont tombés entre les mains des miliciens du groupe État islamique (EI ou Daech).

Le plus grand de ces villages, Qaraqosh, est situé à 30 km au sud-ouest de Mossoul – la capitale régionale du Kurdistan irakien qui est toujours sous le contrôle de l’EI. En août 2015, les habitants de Qaraqosh et d’autres villages chrétiens assiégés par l’EI ont fui vers des zones plus sûres du Kurdistan, grevant de 100 000 personnes déplacées supplémentaires la crise humanitaire croissante de la région.  

Les combats n’ont pas encore atteint le village d’al-Qosh, mais celui de Tel Skuf, à seulement 17 km (environ 20 minutes en voiture) a été assiégé, puis repris des mains de Daech. Il fait aujourd’hui toujours l’objet de combats féroces entre les miliciens de l’EI, les forces peshmergas et les factions chrétiennes qui ont émergé du conflit.

La synagogue semble quant à elle largement oubliée. « Seulement quelques personnes viennent ici. Parfois des étrangers. Il y a eu des visiteurs d’Hollande, du Danemark et d’Allemagne », indique Nasir à Middle East Eye. « Ils croient dans la culture, dans le Prophète et le Vieux Testament. »

Sami Nasir et deux de ses enfants, Sarah et Sami. Nasir a hérité de son père la responsabilité de s’occuper de la synagogue après le départ des juifs (MEE/Andrea Dicenzo)

« C’est un endroit très historique et si nous n’en prenons pas soin, il sera détruit et disparaîtra. Peut-être dans dix ans à peine, cet endroit sera détruit », déclare Nasir à MEE.

Cela inquiète beaucoup Nasir, qui répète à l’envi son grand amour pour ce lieu saint. « Je l’aime vraiment beaucoup. »

Sarah dans la structure interne abritant la ‘‘tombe’’ de Nahum – le contenu de la tombe a toutefois été déplacé il y a longtemps (MEE/Andrea Dicenzo)

Mais maintenant que la ligne de front entre les forces kurdes et les miliciens de l’EI n’est qu’à quelques minutes en voiture, Nasir est inquiet pour ses quatre jeunes enfants – Jessica, Sami, Antony et Sarah – et exprime le désir partagé par tant d’autres de partir vivre à l’étranger, ce qui laisserait dans les limbes le destin de la synagogue déchue.

Les murs de la synagogue ont commencé à s’écrouler en raison du manque de ressources nécessaires pour la réparer (MEE/Andrea Dicenzo)

« Mon frère s’en occupera car il ne quittera jamais le pays », affirme Nasir. « Moi-même je n’ai pas besoin de partir, mais c’est pour les enfants que je dois le faire. Peut-être que je reviendrai un jour ».

Accompagné de ses deux enfants, l’un calé sur sa hanche, l’autre enroulé autour de sa jambe, Nasir allume une bougie qu’il place dans une enclave ciselée dans le mur à l’intérieur de la synagogue. Quelques touristes chrétiens étrangers ont visité la synagogue aujourd’hui et des bougies se consument encore lentement. Des inscriptions en hébreu gravées dans le mur sont visibles près de Nasir.

Des bougies sont fournies aux visiteurs souhaitant prier à l’intérieur de la synagogue. L’allumage de bougies est commun aux rites juif et chrétien (MEE/Andrea Dicenzo)

« Je suis fier de prendre soin de ce lieu », déclare-t-il dans un sourire, vite suivi d’un soupir. Qui sait ce qu’il en adviendra une fois qu’il sera parti ?

Nasir et son épouse à leur domicile, situé à quelques pas de la synagogue (MEE/Andrea Dicenzo)

Traduction de l’anglais (original).

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