Les Kurdes iraniens se préparent à défendre Kirkouk après le référendum
SAKHARA, Irak – « Que voulons-nous ?! » crie le commandant.
« Un État kurde ! Un État kurde ! » répondent les combattants kurdes, de jeunes hommes dans la vingtaine en majorité, assemblés dans la cour de leur base à Sakhara, au sud de Kirkouk.
Ce sont des combattants peshmergas de l’unité Hoshabi al-Khalil du parti de la liberté du Kurdistan (PAK), un groupe de combats kurdes iraniens dont les membres ont débarqué par milliers en Irak afin de défendre les Kurdes irakiens à la fois contre le groupe État islamique (EI) et les agents de la République islamique d’Iran.
Défilé de combattants du PAK (MEE/Alex MacDonald)
Ils sont arrivés en 2014 pour aider les forces kurdes à combattre l’EI. L’accroissement des tensions à l’approche du référendum de l’indépendance du 25 septembre ont mis le PAK en alerte et celui-ci a élargi sa présence dans et autour de Kirkouk, une ville contrôlée par les Kurdes qui a été un point de discorde majeur.
« Nous, les Peshmergas, sommes prêts à tout sacrifier jusqu’à la dernière goutte de sang pour empêcher que Kirkouk passe aux mains de Hashd al-Chaabi »
– Erdelan Hosrevi, commandant du PAK
Les Kurdes considèrent Kirkouk, au nord-est de l’Irak, comme leur capitale culturelle, alors que Bagdad a déclaré que cette ville pluriethnique devait rester une partie de l’Irak. L’inclusion de la ville dans le cadre du référendum a conduit à des prédictions de violences suite au vote, ce à quoi le PAK indique se préparer.
« Nous avons beaucoup entendu cette menace – nous voyons Hashd al-Chaabi, l’armée irakienne, d’autres milices – l’EI n’était que l’arbuste qui cachait la forêt de la grande bataille que nous attendions, et cette fois-ci, elle est sur le point d’arriver », affirme Erdelan Hosrevi, commandant du camp du PAK à Sakhara.
Hashd al-Chaabi, une organisation regroupant diverses milices de milieux et de loyautés différents, « seront pires que l’EI parce qu’ils vont se battre et l’armée irakienne les soutiendra. Bien sûr, en tant que Kurdes, nous n’abandonnerons jamais notre bataille et notre insurrection contre ceux qui font opposition à l’État kurde, et nous ne nous arrêterons jamais avant d’avoir notre État, le Kurdistan. »
Pour le PAK, l’Iran est le principal ennemi dans la région, et il voit la main de l’Iran derrière une tentative transfrontalière d’écraser les aspirations nationales kurdes.
« Nous voyons l’Iran soutenir Hashd al-Chaabi et d’autres milices en Irak pour lutter contre les Kurdes – nous, les Peshmergas, sommes prêts à tout sacrifier jusqu’à la dernière goutte de sang pour empêcher que Kirkouk passe aux mains de Hashd al-Chaabi », promet-il.
Alors que les Kurdes irakiens désirent la création d’un État kurde indépendant dans le nord de l’Irak, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) basé en Turquie préconise une solution fédérale non nationale au problème kurde. Le PAK, quant à lui, souhaite la création d’un Kurdistan plus vaste qui recouvre les communautés kurdes en Irak, en Iran, en Syrie et en Turquie.
Des milliers de combattants du PAK sont actuellement en Irak, en grande partie autour de Kirkouk et dans les collines environnantes, où ils ont également cherché à libérer Hawija et les alentours de l’EI.
Hussein Yazdanpana, le chef du PAK, dont la ressemblance avec Joseph Staline est frappante, a déclaré depuis la ligne de front avec Hawija à quelques kilomètres du camp de Sakhara que ses forces avaient le devoir d’intervenir en Irak.
« Nous sommes là pour protéger les droits des Kurdes et nous sommes ici pour défendre les Kurdes. L’autre raison est de protéger le monde », explique-t-il à Middle East Eye.
« Protéger les Kurdes, et protéger le monde du terrorisme. »
Hawija et ses environs marquent l’un des derniers bastions de l’EI en Irak, après qu'il ait été chassé de sa base principale à Mossoul en juillet.
« Tout comme nous considérons l’EI comme une menace pour le monde, nous considérons Hashd al-Chaabi comme une menace pour le monde »
– Hussein Yazdanpana, leader du PAK
Mais alors que les forces arabes irakiennes et peshmergas ont participé à des opérations pour s’attaquer à l’EI dans le passé, la dernière offensive à Hawija, lancée jeudi, a vu les Peshmergas laissés pour compte, alors que les tensions s’aggravaient entre le gouvernement à Bagdad et le Gouvernement régional du Kurdistan sur le référendum de l’indépendance.
Jabar Yawar, secrétaire général du ministère peshmerga, a annoncé jeudi qu’ils ne participeraient pas à l’offensive de Hawija et ne feraient que renforcer leurs lignes de défense.
Ce n’était pas une surprise pour Yazdanpana. Il croyait que les forces kurdes se trouvaient prises au piège entre l’EI et Hashd al-Chaabi.
« Ils ont commencé à mettre en place une milice à Dakouk et dans d’autres villages et d’autres zones à cinq kilomètres d’ici, pour faire pression sur nous, et ils ont avancé l’opération Hawija comme excuse pour amener leurs forces ici, et pour nous attaquer », indique-t-il.
« Donc, les Peshmergas [PAK] sont bloqués derrière l’EI et les milices chiites – après cela, ils vont attaquer pour reprendre Kirkouk aux Kurdes. C’est le plan. »
« Les pions de l’Iran »
Hashd al-Chaabi – ou Unités de mobilisation populaire (UMP) – ont mis en garde à maintes reprises contre le gouvernement régional du Kurdistan qui tente d’annexer les zones contestées de l’Irak et ont menacé de reprendre de force des zones contrôlées par des forces kurdes, notamment Kirkouk.
Alors que certaines unités d’Hashd al-Chaabi étaient formées suite à un appel lancé par le principal religieux chiite irakien, Ali al-Sistani, en 2014 suite au premier assaut de l’EI, certaines Hashd al-Chaabi juraient fidélité au guide suprême de l’Iran, Ali Khamenei.
En novembre 2015, Akram al-Kaabi, chef de la puissante milice Harakat al-Nujaba, a déclaré qu’il renverserait le gouvernement irakien si Khamenei lui ordonnait de le faire.
Pour le PAK, les milices d’Hashd al-Chaabi sont des pions de l’Iran et leur combat contre eux constitue simplement un autre front pour leur guerre en cours avec l’Iran.
« Nous considérons Hashd al-Chaabi comme une menace pour l’ensemble du Kurdistan, c’est une autre étiquette de l’EI. Nous les considérons comme des terroristes », affirme Yazdanpana. « Tout comme nous considérons l’EI comme une menace pour le monde, nous considérons Hashd al-Chaabi comme une menace pour le monde. »
« Téhéran est le centre du terrorisme et soutient le terrorisme dans le monde. Si vous le vainquez et l’éliminez, tous les pays survivront au terrorisme. »
Le Premier ministre irakien Haïder al-Abadi a également prévenu que si les Irakiens étaient « menacés par le recours à la force en dehors de la loi, alors nous interviendrons militairement. »
Bien que le KRG ait accueilli favorablement la présence du PAK en Irak, certains responsables ont exprimé des inquiétudes au sujet d’un élément imprévisible dans le pays.
Se confiant à MEE en 2016, Falah Mustafa Bakir, ministre des Affaires étrangères du KRG en Irak, saluait le PAK.
« J’ai également rejoint les garçons, côte à côte pour combattre l’EI. Si seulement j’en tue un, ça compte »
– Une combattante du PAK
« Les Peshmergas kurdes iraniens nous ont été très loyaux, fidèles », a-t-il déclaré à Middle East Eye. « Et une grande force de combat. »
« Est-ce que nous aurons un dialogue avec eux pour empêcher leurs activités transfrontalières ? », a-t-il ajouté. « Eh bien, c’est leur décision. »
Les combattants engagés dans le PAK ont à peine plus de 20 ans et ont quitté l’atmosphère répressive de leurs foyers en Iran pour se battre pour les droits kurdes.
Ce sont des volontaires qui ne reçoivent pas de salaires ; ils disent être motivés par leur croyance en leur droit naturel à un État au Moyen-Orient.
« J’ai vu ce que le régime [iranien] ferait – il ne nous donnerait pas le droit à une éducation, ni de droits en tant que Kurdes, et j’ai vu les différents types de traitements que recevaient les Kurdes », témoigne Hajar Waleed Zade, un volontaire de 27 ans de la ville de Bukan dans la province iranienne d’Azerbaïdjan occidental.
« Après avoir vu l’EI arriver, on nous a demandé de venir au PAK et de venir ici afin de nous battre contre l’EI. Ce fut le moment où nous pouvions montrer que nous pouvions nous battre pour le Kurdistan. »
Un autre volontaire, Hajeer Behinae, âgé de 28 ans, originaire de Sina en Iran, a déclaré qu’il avait rejoint le PAK pour libérer les terres kurdes des régimes qui les « occupent ».
Les femmes prennent les armes
« Après avoir souffert et vu cela plusieurs fois sans pouvoir rien faire, j’ai dit : ‘’C’est une opportunité pour moi de m’engager avec le PAK et peut-être que je peux faire une différence et faire quelque chose avec ma vie’’ », confie-t-il.
Comme dans de nombreux groupes de combat kurdes, les femmes se battent aux côtés des hommes au sein du PAK, beaucoup sont motivées par la misogynie dont font preuve les groupes de combattants.
« Après avoir vu ce que l’EI faisait aux femmes yézidies, les asservir et les violer, je ne pouvais pas regarder sans agir », rapporte une combattante de 25 ans, en évoquant une action contre les Yézidis dans le nord de l’Irak à partir de 2014.
« J’ai également rejoint les garçons, côte à côte pour combattre l’EI. Si seulement j’en tue un, ça compte. »
Alors que la population du Kurdistan irakien a voté ce lundi 25 septembre pour décider de l’avenir de son État et, avec les signalements de forces d’Hashd al-Chaabi massées dans et autour de Kirkouk et d’autres régions kurdes, le PAK se prépare à la guerre.
« Bien sûr, nous attendons une attaque de leur part, parce qu’ils sont soutenus par l’Iran, et l’Iran tente de leur imposer de nous attaquer », assure une membre du PAK.
« Quand nous reviendrons en Iran, nous nous battrons pour notre pays pour le récupérer », a-t-elle déclaré.
Traduit et actualisé de l'anglais (original) par VECTranslation.
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