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Les laveurs de bateaux de l’île de Masirah à Oman

Oman se repose sur une nombreuse main-d’œuvre originaire d’Asie du Sud pour effectuer la majorité du travail manuel, à l’exemple des laveurs de bateaux venus du Bangladesh
Sur l’île de Masirah, au large d’Oman, la plupart des travailleurs qui s’occupent des bateaux viennent du Bangladesh (MEE/Jerzy Wierzbicki)

En tant que riche pays pétrolier membre du Conseil de coopération du Golfe Arabique, Oman traverse une période de développement rapide et de grande envergure. Cette expansion, avec entre autres la construction – qui traîne en longueur – d’un nouvel aéroport à Mascate, requiert une main-d’œuvre toujours plus nombreuse, provenant essentiellement des pays les plus pauvres d’Asie.

Les travailleurs expatriés au sultanat viennent pour la plupart d’Inde, du Bangladesh et du Pakistan. Les chiffres du gouvernement omanais pour le mois d’août 2015 recensent 641 000 Indiens, 561 000 Bangladais et 216 000 Pakistanais pour un total de 1 631 000 travailleurs expatriés. On ne compte en revanche que 206 000 travailleurs omanais dans le secteur privé.

Ces dernières années, le gouvernement a redoublé d’efforts pour augmenter le recrutement des Omanais par le secteur privé. Cette politique d’ « omanisation » consiste à créer de nouvelles catégories d’emplois réservées aux locaux.

A l’intérieur du pays, il existe des tensions manifestes entre les Omanais de souche, qui constituent à peine plus de la moitié de la population, et les expatriés. Le changement démographique provoqué par  l’augmentation de la main-d’œuvre expatriée explique les efforts récents du gouvernement pour endiguer le flux des nouveaux arrivants.

Les 2,2 millions d’Omanais de souche sont encore en majorité par rapport aux 1,7 million de résidents expatriés, mais certains redoutent que le sultanat ne devienne comme les Emirats arabes unis ou le Koweït, où les locaux ne sont plus qu’une minorité.

Le droit du travail du pays et le salaire minimum, introduits par décret ministériel en 2013, font l’objet d’une controverse car ils ne sont applicables qu’aux Omanais. Les syndicats n’ont été légalisés à Oman qu’en 2006.

Alors que les locaux ont bénéficié d’augmentations substantielles du salaire minimum depuis son introduction, les travailleurs immigrés ont été oubliés. « Instaurer un système [de salaire minimum pour les travailleurs immigrés] pourrait améliorer le monde du travail dans son ensemble à Oman », affirmait récemment Mohamed al-Khaldi, membre du Conseil d’administration de la Fédération générale des syndicats d’Oman (GFOTU) dans le quotidien le Times of Oman.


Sur la côte de Masirah, un travailleur racle les algues incrustées sur la coque d’un bateau. On aperçoit à l’arrière-plan un boutre arabe traditionnel, ou dhow (MEE/Jerzy Wierzbicki)

Le photographe Jerzy Wierzbicki a pris des photos de travailleurs asiatiques expatriés à Oman dès son arrivée dans le pays en 2007,  à Mascate – la capitale – mais aussi dans les coins les plus reculés du sultanat.

 « Au cours des années que j’ai passées à Oman, j’ai souvent rencontré des travailleurs venus d’Inde, du Bangladesh ou du Pakistan dans des endroits éloignés de tout, et même en plein désert », déclare-t-il.

 « La grande majorité de cette main-d’œuvre faiblement rémunérée est employée à des tâches peu spécialisées et physiquement éprouvantes. Les salaires dépendent du type de travail et aussi du pays d’origine du travailleur. Les Indiens sont généralement mieux payés que les Pakistanais et les Bangladais. »

 « Beaucoup de travailleurs viennent de deux grandes villes du Bangladesh, Chittagong et Dacca. On les rencontre partout à Oman, et ils effectuent souvent les travaux les plus dangereux. »

Au début de l’année il a visité l’île de Masirah, située au large de la côte d’Oman – après une route longue et solitaire qui l’a conduit de Mascate au terminal des ferries de Shanna.

Le premier ferry appareille au lever du soleil. Il lui faut environ une heure pour rejoindre la côte de l’île. Masirah est la plus grande île du sultanat ; elle abrite une importante base militaire américaine, Camp Justice, stratégiquement positionnée près de l’Iran et du golfe Persique.

Wierzbicki n’était pas venu pour visiter la base. Juste en face du port des ferries se trouve la petite ville de Ras al-Hilf, une étape où l’on peut se ravitailler en carburant et en denrées de première nécessité.

« J’avais une autre idée en tête pour ce voyage. Un ami bangladais de Mascate m’avait parlé des gens qui travaillent dans le port de pêche de l’île de Masirah. »

Plusieurs bateaux de pêche traditionnels, ou dhow, étaient amarrés à quelques kilomètres du terminal des ferries. Ces mêmes bateaux sillonnent les eaux du Golfe depuis des siècles, faisant jadis d’Oman le centre d’un empire maritime.


Des laveurs de bateaux originaires du Bangladesh récurrent le flanc d’un bateau sur l’ile de Masirah, au large d’Oman (MEE / Jerzy Wierzbicki)

Un groupe de travailleurs bangladais travaillait sur deux bateaux, nettoyant les coques et les débarrassant des algues qui recouvraient une grande partie de leurs flancs. Leurs outils étaient simples – une brosse, ou des boîtes de conserves vides. Un travailleur à qui l’on a demandé combien ils étaient payés a simplement répondu : « OK. »

 « Ils travaillaient vite et bien, et ils étaient parfaitement qualifiés pour ce travail », explique Wierzbicki.

Les travailleurs ont raconté qu’ils venaient de Chittagong,  l’un des plus grands centres mondiaux pour le recyclage de navires. Contrairement à l’Europe, où il existe des chantiers consacrés au démantèlement des navires, là-bas le travail se fait directement sur la plage.

 « Les laveurs de bateaux de Masirah sont exactement les mêmes, habitués à travailler dans des conditions difficiles et très souvent dangereuses. »

On ne trouvera pas de sitôt une main-d’œuvre locale aussi qualifiée, et désireuse de les remplacer.

Traduction de l’anglais (original) par Maït Foulkes.

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